Premier Dimanche Electroni[k] « moi, je lui clique sur les fesses ! »

2013-03-champs-libres-electroniK-alter1fo 4Malgré le soleil qui invitait plutôt à prendre l’air, 7 500 personnes ont préféré prendre la clef des Champs (Libres) ce dimanche 3 mars pour découvrir les facéties et belles propositions que l’association Electroni[k] avait disséminées un peu partout dans l’équipement culturel rennais pour un après-midi placé sous le signe des Monstres & Merveilles.

Lors de ce nouveau Premier Dimanche dont l’association Electroni[k] assurait la programmation, on a ainsi pu rencontrer d’immenses géants en papier découpés, siffler pour faire pousser des arbres, voir une tapisserie s’animer, faire de la musique avec des post-it ou se transformer en super-héros (ou super monstres !). Et on en passe ! Compte-rendu d’un après-midi… plus merveilleux que monstrueux.

Testée et approuvée, la formule des Premiers Dimanches aux Champs Libres est reconduite en 2012-2013. Non seulement l’équipement culturel rennais vous ouvre ses portes le dimanche, mais non content de vous accueillir pour le planétarium, la bibliothèque ou les expos, il laisse ses clés à une association ou une structure du paysage culturel rennais pour animer les lieux le premier dimanche de chaque mois. Ce dimanche 3 mars, c’est l’association Electroni[k] qui [k]idnappait les lieux


L’association Electroni[k] :

FamillesElectroni[k]2012@Antipode-Alter1fo (13)L’association Electroni[k] propose différentes manifestations à Rennes, notamment pendant le temps fort Cultures Electroni[k], autour des arts, de la musique et des technologies au travers de spectacles variés et souvent atypiques, mais toujours d’une réelle qualité artistique.

Chaque année, depuis 12 ans, Cultures Electroni[k] nous étonne avec des propositions souvent décalées : concerts subaquatiques, soirées clubbing débridées, concerts en pyjama, drive-in, concert de légumes, de haut-parleurs ou de machines à coudre, boums familiales ou concerts de musique contemporaine n’en sont que quelques exemples !

En plus des offres plus classiques, Electroni[k] s’attache ainsi à constamment expérimenter de nouvelles formes d’accueil et d’interaction avec le public : des lieux apparemment incongrus (une piscine, un dojo, une maison de retraite…), des formats étonnants (des concerts sous l’eau, des installations qui s’écoutent sur des lits suspendus, des performances qui se découvrent au cœur de dispositifs sonores englobants ou de visuels hallucinants, des concerts au casque…). Et surtout, une volonté de s’adresser à tous les publics.

2013-03-champs-libres-electroniK-alter1fo 8Les Gens Plats, Jean Jullien

Quand on pénètre en courant dans les Champs Libres (le concert de Bachar Mar-Khalifé est sur le point de commencer), on marque un temps d’arrêt dans le grand hall : d’immenses créatures en papier découpé ont investi les lieux. On est bouche bée devant un chien orange en slip dont les pieds touchent le sol, mais dont la tête s’élève plusieurs étages au-dessus, tandis que derrière nous, une patate jaune pâle, l’air bonhomme, nous regarde d’un air étonné. Dans les airs plus loin, une pieuvre rose semble se mouvoir au-dessus de nous, comme si nous étions plongés dans un aquarium géant. Ces créatures, Les Gens Plats, sont l’œuvre de Jean Jullien.

Le jeune artiste collabore depuis quelques années avec Electroni[k] (notamment avec Adventures in front of the TV en 2010, ou l’exposition  The Talent of Harry et Cody Binger, où deux robots se donnaient en représentation en 2011 ; c’est également lui qui avait signé le magnifique visuel de l’édition 2011 de Cultures Electroni[k]).  Pour cette journée aux Champs Libres, Jean Jullien (qui a depuis monté un studio d’animation à Londres avec son frère, Jullien Brothers), s’est donné pour challenge de réinventer l’espace en peuplant l’équipement culturel de ses personnages en papier découpé. Et ça marche ! Ces géants poétiques sont à la fois drôles, surprenants… et émouvants. Les Gens Plats ont tout d’exceptionnel.

Créature, Benoît Leray

On continue cependant de courir (le concert de Bachar Mar-Khalifé va vraiment commencer !) avant de tomber une nouvelle fois en arrêt. Cette fois-ci à l’entrée de la salle de conférence. Un immense lapinours en peluche nous tend les bras… On est à deux doigts de courir se réfugier dans ses bras, quand ses yeux, qui se mettent à bouger sur l’écran, arrêtent notre geste. Ce monstrueux lapinours est-il en réalité si sympathique ?, se demande-t-on assez perplexe. Œuvre de Benoit Leray (que nous avions découvert à l’occasion d’une exposition de ses dessins peuplés de monstres fantastiques et autres créatures oniriques au Jardin Moderne pour la soirée Expérience #2 de Cultures Electroni[k] à l’automne), cette peluche aux bras confortables pourrait peut-être bien s’avérer plus monstrueuse que merveilleuse. Comme on n’arrive pas à trancher, une really nice bénévole de l’équipe Electroni[k] nous promet que le lapinours ne bougera pas mais que, oui, le concert est en train de commencer.

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Bachar Mar-Khalifé

On dévale les marches au son des premières notes de la prestation de l’artiste libanais Bachar Mar-Khalifé . Sur scène, le musicien est seul devant un piano à queue. A ses pieds, des pédales de boucles. A sa droite et à sa gauche, respectivement, une petite table recouverte de petites percussions et un synthétiseur.

Après son premier album Oil Slick sorti en 2010, le musicien aux horizons larges revient avec l’album Who’s gonna get the ball from behind the wall of the garden today? , qui doit sortir le lendemain, une nouvelle fois sur le label InFiné et dont il va jouer l’essentiel cet après-midi. Inévitablement, on pense aussitôt à Aufgang pour ce choix de mêler ensemble sonorités de piano classique et rythmique martelée 4 on the floor. D’autant que le piano y a tout autant un rôle mélodique que rythmique (les mélodies se transforment souvent en patterns rythmiques plusieurs fois répétés). On apprécie également que le musicien crée lui-même les rythmiques en direct avec ses percussions et ses pédales de boucles : claves, tambourin, sorte de crotales géantes ou baguette de batterie frappée sur le corps du piano s’entremêlent ainsi pour donner une assise rythmique enlevée ou plus légère à la majorité des morceaux. Mais le projet de Bachar Mar-Khalifé ne pourrait s’y résumer.

C’est d’ailleurs ce qui nous convainc le plus dans la prestation du musicien, cette réelle perméabilité de sa musique aux influences plus orientales. Pas seulement du fait de la langue chantée (arabe, kurde également sur une reprise d’un musicien dont nous avouerons avec honte ne pas connaître le nom), mais pour certaines harmonies ou tours de passe passe rythmiques. Si on ajoute à cela que le garçon sait poser des ambiances, notamment en laissant de la place à la lenteur et au silence, comme sur sa reprise de Machin Chose de Gainsbourg, on aura une petite idée des talents du musicien. Une voix d’enfant s’écrie : « il a chaud, le monsieur » . Sur scène, Bachar Mar-Khalifé rigole avec la salle et achève sa prestation avec une jolie classe.

2013-03-champs-libres-electroniK-alter1fo 3Moc, Lab 2012

Avant un second duel, yeux dans les yeux, avec le lapinours de Benoît Leray, on s’arrête quelques instants pour découvrir l’une des deux animations interactives proposées par le collectif multimédia Lab 212. Des enfants s’essaient à Moc, sous notre regard incrédule. Il s’agit en effet de faire pousser en arbre en sifflant (et pas forcément sur l’air de savez vous planter les choux !), puis faire varier sa forme et son ramage en fonction de la tonalité, de l’intensité du son, et cela en temps réel, sur un grand écran placé en face du jardinier en herbe qui sifflotte dans un micro. C’est plutôt drôle et les [k]ids d’Electroni[k] apprécient. D’autant que des animaux fantastiques et colorés viennent progressivement peupler la forêt sous nos yeux. Épatant!

2013-03-champs-libres-electroniK-alter1fo 5Benjamin Jarry, Ghislain Fracapane

On ne s’attarde pourtant pas car on ne manquerait pour rien au monde la prestation du violoncelliste nantais, Benjamin Jarry, basée sur son Splendid Isolation.

On grimpe donc les marches quatre par quatre pour aller au plus vite dans l’espace Ancien Régime du Musée de Bretagne étant donné l’affluence de ce début d’après-midi. Bonne idée, depuis notre dernier dimanche aux Champs Libres, la zone a été davantage aménagée pour que tout le monde puisse y voir les musiciens. Une trentaine de chaises sont installées devant les statues et les portes de placard (?!) anciennes et on peut bien plus facilement y apprécier les gestes d’un musicien assis.

Benjamin Jarry utilise son violoncelle et des traitements électroniques pour boucler les différentes mélodies jouées sur son instrument. Il est seul face à nous, et pourtant on a progressivement l’impression d’entendre un orchestre à cordes. Et, on l’avoue, dès les premières minutes, on se retrouve emporté. La musique du violoncelliste est à la fois mélodique, évidente. Et en même temps d’une profondeur inattendue. On y entend même beaucoup de Reich par moments. Les drones nous hypnotisent progressivement. Et si parfois, ils se font un tout petit peu plus bruitistes, ils restent étonnamment toujours mélodiques. On craignait sérieusement de prendre une grosse claque. C’est finalement un aller-retour que le musicien nous inflige. Mais autant vous le dire, on en redemande.

2013-03-champs-libres-electroniK-alter1fo 6Ca tombe bien puisque le musicien nantais a prévu un troisième et dernier morceau en duo avec l’un de nos guitaristes préférés, Ghislain Fracapane (Mermonte, Fago.Sepia), dont on connaît également l’admiration pour Steve Reich. C’est pourtant un morceau totalement différent dans l’esprit que le duo va nous donner à entendre. On comprend qu’il s’agit d’une adaptation pour violoncelle et guitare baryton (la guitare remplaçant un piano) mais on n’arrive pas à entendre de quel morceau il s’agit. Les ambiances se font plus lentes et jouent parfois sur de légères dissonances dans les harmonies… Au hasard, on est désormais davantage du côté de Debussy (sans piano) ou de Ravel que de Steve Reich. A la guitare, Ghislain plaque les accords sur un rythme monotone tout en variant énormément l’intensité de l’attaque, qui se fait tour à tout feutrée, délicate, plaintive ou plus tranchante. Sur ces accords, les mélodies au violoncelle se détachent doucement, allant de méandres harmoniques en plaintes qui s’étirent sur une remontée d’archet. Le moment est suspendu et on a quelques peines à redescendre.

Fragments

Pourtant, on dévale de nouveau l’escalier en courant pour aller voir le trio Fragments qui joue dans la bibliothèque à l’étage musique. Làs, comme plusieurs dizaines de personnes, on se retrouve coincé dans l’escalier à plusieurs marches encore de l’entrée de la salle. La jauge maximale est atteinte et on ne peut plus entrer. On peste silencieusement, tant on attendait avec impatience le live du duo rennais fondé par Sylvain Texier (The Last Morning Soundtrack) et Benjamin Le Baron (F.Hiro) -désormais trio en live avec Tom, le chanteur/guitariste de Piranha-. Leur récente démo nous avait en effet fait plus que forte impression. Tant pis, le programme est dense et on doit rapidement changer notre fusil d’épaule.

2013-03-champs-libres-electroniK-alter1fo 10Mathias Delplanque

On manquera donc le début du concert de Mathias Delplanque. Quand on rentre dans la salle Anita Conti, le lieu est déjà plongé dans le noir. Au centre de la pièce, le compositeur nantais est debout devant une table recouverte de fils électriques, d’un clavier, de quelques d’instruments (métallophone, guitare, pour ce qu’on peut en voir), de plusieurs petites tables de mixages (?) et d’un laptop. Autour de lui, le public, assis par terre, écoute sans un bruit les manipulations habiles du musicien les oreilles écarquillées.

Le live est en partie basé sur l’improvisation, puisque le compositeur semble, en temps réel, sampler et modifier les instruments acoustiques dont il joue quelques notes et/ou les transformer en  et/ou les mêler à des sons électroniques.

Trifouilleur et bidouilleur talentueux, Mathias Delplanque joue particulièrement sur la spatialisation du son et envisage ce dernier réellement comme « matériau » sonore. Les compositions sont éthérées, à mi-chemin entre musique concrète, électro-acoustique et electronica. On se laisse progressivement immerger dans cet océan de sons qui vont du cliquetis à des nappes plus cristallines, d’échos lointains à de plus amples craquements. Tout électronique qu’elle soit, la musique de Mathias Delplanque reste curieusement particulièrement organique. Et onirique.

Clapping Music & Music for Pieces of Wood (Steve Reich), Les élèves du Conservatoire de Rennes

2013-03-champs-libres-electroniK-alter1fo 11On a à peine le temps de sortir dans le hall que des applaudissements curieusement rythmés retentissent. Familier avec la programmation d’Electroni[k] et la musique que de Steve Reich, on n’a aucune peine à deviner ce qui se trame. On lève la tête. Au dessus de nous, au balcon, cinq élèves du Conservatoire de Rennes interprètent Clapping Music, qui se base sur des claquements de main (un pattern rythmique fixe sur lequel est superposé son identique décalé à chaque reprise, et le tout effectué en tapant des mains) de Steve Reich. Cette pièce courte (mais intense) produit son petit effet sur les spectateurs improvisés du hall qui semblent amusés par le dispositif. Les applaudissements donnent une suite logique à cette performance bruitée à la main.

Chacun poursuit alors brièvement sa route jusqu’à ce que, d’un autre balcon, retentisse une nouvelle fois une pièce percussive de Steve Reich quelques secondes plus tard. Cette fois-ci reposant sur un enchaînement de cellules rythmiques jouées à l’aide de claves, Music for pieces of wood est également réalisée par les cinq étudiants.

Les créatures du monde sauvage, Super Groupe

2013-03-champs-libres-electroniK-alter1fo 18Sous le balcon, ça s’active ferme. La faute aux frippeurs malicieux de Super Groupe. Ce duo de graphistes, découverts lors de la dernière édition de Cultures Electroni[k] a en effet plus d’un costume dans son sac et propose à qui le souhaite de changer de peau en associant masques, accessoires et autres facéties.

Changer de têtes ou devenir un super-monstre, puis prendre la pose dans le labo-photos : voilà la proposition de ces deux joyeux drilles, à laquelle répondent plus que volontiers des dizaines de personnes. Des enfants, certes, mais un bon paquet d’adultes avec eux. Des porte-manteaux couverts de costumes poilus ou colorés, une table enfouie sous des têtes de monstres sympathiques, des écrans blancs et des projecteurs pour le labo-photo, Super Groupe fait bien les choses. Et à la vue des dizaines de clichés pris dans l’après-midi qui défilent sur un grand écran, le succès est aussi avéré que mérité.

Blal Bla, Vincent Morisset

Au-dessus des gentils monstres (euh pardon, créatures du monde sauvage), de drôles de bonshommes avec des têtes qui grossissent puis deviennent toutes petites se baladent sur un écran en faisant des bruits étranges. Face à eux, de jeunes (et moins jeunes) spectateurs semblent cliquer sur un pad. Bla Bla de Vincent Morrisset est en effet basé sur l’interaction avec le public.

Le Canadien a ainsi créé un conte interactif pour ordinateur illustrant les différentes étapes de la communication humaine. Grâce à chaque spectateur/acteur, qui clique, bouge la souris, le récit devient possible. Si vous ne faites rien les personnages restent immobiles. Ils  attendent la prochaine interaction pour se mouvoir et entrer en action. Ils communiquent alors avec leurs pairs avec de drôles de sons. Vous les faites aller, venir, changer de couleur, parler, pleurer, chanter, sauter dans un trou. C’est vous qui rendez (ou non) l’histoire possible. « Moi, je lui clique sur les fesses » s’exclame victorieuse un petite miss, les sourcils froncés, à notre intention.

2013-03-champs-libres-electroniK-alter1fo 37Stop it, Lab 212

Une autre proposition demande aux spectateurs de s’impliquer à l’étage en-dessous. Et vu la file d’attente à l’entrée de la petite pièce plongée dans le noir, autant dire que l’envie de participer est là. Et on comprend pourquoi ! Le collectif multimédia Lab 212 propose cette fois-ci de composer des morceaux de musique avec de simples post-it avec Stop-it.

Chaque post-it de couleur représente un instrument, et plus vous le mettez haut sur un quadrillage pré-dessiné, plus la note est aiguë. Electroni[k] s’efforçant depuis plusieurs années de mettre en avant les interactions entre image et son, on comprend aisément pourquoi l’association nous propose de découvrir ces installations de Lab 212, puisque dans les deux cas, il s’agit de rendre le son visible, « tangible » en passant par le média visuel.

Au fond de la longue et petite pièce plongée dans le noir, c’est carrément la fébrilité : par petits groupes, sous l’œil de l’animateur, chacun colle et décolle ses post-it sur le quadrillage vivement éclairé et écoute en temps réel ses modifications. Ça rigole, s’exclame et jubile à chaque nouvelle composition. [Bon, vous ne le direz pas, mais on a entendu que d’aucuns avait formé le logo E[k] à l’aide des post-it pour en entendre la musique. Malin !]

La Mort de Du Guesclin, Joanie Lemercier

2013-03-champs-libres-electroniK-alter1fo 17Autre artiste qui ne va pas tarder à nous plonger dans le noir : Joanie Lemercier, fondateur du label AntiVj. Le jeune artiste avait réalisé une performance de vidéomapping, en 2009, à partir de La mort de Duguesclin, tapisserie réalisée par les gobelins en 1904, sur des cartons du peintre Toudouze et située dans la Grand’Chambre du Parlement de Bretagne. La tapisserie y devenait le point d’ancrage d’un spectacle de projection d’images numériques en videomapping qui semblaient donner vie et animer les personnages, et tout cela par le biais de l’installation audiovisuelle.

Ce dimanche, Joanie Lemercier s’est installé dans la salle de l’Exposition Dreyfus et y a affiché sa reproduction de la tapisserie. On devine que cette dernière est moins imposante que la tapisserie réelle, mais dès qu’elle se va se mettre à s’animer, on gardera les yeux écarquillés.

L’artiste est particulièrement pédagogue puisqu’ avant de donner vie à la tapisserie sous nos yeux, il nous explique son histoire (notamment les incendies successifs du Parlement de Bretagne et de l’atelier des Gobelins !), mais également  son sujet (qui était Du Guesclin, ce qu’on sait -ou pas- de sa mort) et les techniques qu’il a employées pour réaliser cette performance (Joanie Lemercier, pas Du Guesclin !).

2013-03-champs-libres-electroniK-alter1fo 21Une fois les explications comprises de toutes et tous, la salle est plongée dans le noir. Chaque partie de la tapisserie s’anime alors petit à petit. La bande-son renforce encore l’impression d’être face à un film. Les lances des soldats cliquètent et les pas résonnent, tandis que devant nous, la foule derrière les fenêtres semble s’animer. C’est totalement magique.

Les flammes des bougies vacillant et créant des zones mouvantes d’ombres, de lumière et de pénombre finissent de nous étonner. On applaudit des deux mains le travail de l’artiste (qu’on devine vraiment colossal) qui parvient à la fois à donner sa relecture de cet épisode de l’histoire de France,  et à faire intelligemment se rencontrer les époques : celle des tapisseries et celles des dernières innovations visuelles. On se maudit même d’avoir manqué le projet en 2009 sur la tapisserie grandeur nature du Parlement, tant le résultat devait être à couper le souffle.

Fragments

2013-03-champs-libres-electroniK-alter1fo 27D’autres qu’on ne veut pas louper, ce sont les gars de Fragments. Après notre tentative infructueuse précédente, on prend les devant et on grimpe très tôt à l’étage musique de la bibliothèque. Bien nous en a pris. Bien avant l’heure du troisième et dernier concert donné par le trio rennais, les portes sont de nouveau fermées, la jauge maximale de spectateurs ayant encore été atteinte.

Dès les premières notes, on est immédiatement submergé par les mélodies du trio instrumental. Au centre Sylvain, derrière son clavier rouge fait résonner les premiers arpèges tandis que Benjamin, aux machines (laptop, synthé et sampler) lance une rythmique tout en légers souffles et cliquetis, accompagnée par une nappe tournante. Les arpèges au piano se retrouvent progressivement doublés à la guitare par Tom, à gauche de la scène. Certes on l’avoue, on connaît déjà par cœur les trois titres de leur démo postée en septembre sur Bandcamp. Mais déjà, en quelques secondes on se retrouve hypnotisé par la beauté de ces compositions  suspendues.

Plus tard, Sylvain alterne entre batterie, clavier et piano. Mais c’est pourtant toujours le même constat, peu importent les timbres utilisés ou mis en avant. La musique de Fragments réussit en quelques secondes à vous faire changer d’univers et à vous plonger dans une atmosphère suspendue, où chaque seconde se révèle avec intensité.

2013-03-champs-libres-electroniK-alter1fo 30Fragments sait distiller ses comptines électroniques mélodiques et délicates avec un beau talent d’orfèvre. Les mélodies prennent le temps de respirer. Minimalistes, elles se révèlent pourtant hautement addictives. Résultat : on se laisse très vite happer par ces compositions épurées qui prennent le temps, et du silence, et de la résonance.

Mais pas que. Parce que Fragments a le talent de ceux qui réussissent à créer l’intensité et les montées, en jouant sur l’épaisseur évanescente des silences, par petites touches. Par un roulement sur un tom à l’aide mailloches, par des arpèges au piano qui accélèrent, en retenue. Acclamé, pour la troisième fois consécutive cet après-midi, Fragments s’autorise cette fois-ci un rappel. Et achève sa prestation dans les applaudissements fournis. Certains ont même les yeux humides.

Ce projet, tout jeune, fait preuve d’une surprenante maturité. Après avoir écouté la démo, on attendait beaucoup du live. Désormais, c’est l’album qu’on ne va pas pouvoir s’empêcher de guetter impatiemment.

Bertùf

2013-03-champs-libres-electroniK-alter1fo 33On est ensuite heureux de retrouver Bertùf et ses machines bricolées à l’aura mystérieuse. La salle Anita Conti est de nouveau plongée dans le noir, avec seulement, au centre de la pièce, un halo de lumière qui éclaire le musicien et ses drôles d’instruments. Tout autour, le public une nouvelle fois assis par terre, ne quitte pas des yeux les étranges manipulations de l’artiste. Le spectacle est aussi visuel que sonore et on cherche constamment à comprendre quelle manipulation correspond à chaque son.

Une antenne comme celle des anciens postes de télévision, de drôles de claviers à curseurs, une fleur séchée (?) plantée sur une pince à épiler (?), et surtout, de chaque côté du musicien, deux grandes plaques de bois couvertes de petites sortes d’agrafes électroniques au-dessus desquelles sont suspendues deux grandes ficelles de plusieurs mètres au bout desquelles pend un petit appareil (micro ?).

Le musicien, qui crée également des logiciels, fabrique lui-même ses instruments et les sons qu’il produit. On le voit ainsi tour à tour tapoter l’antenne avec une petite baguette de métal, passer son doigt la fleur ou tendre ses feuilles dans un son rebondissant mais également lancer les immenses ficelles à côté de lui, pour un balancement sonore des plus aériens. Et poétique.

2013-03-champs-libres-electroniK-alter1fo 20Tout en nuances, la musique de Bertùf se développe par petites touches subtiles, souvent aériennes. Des sons délicats, aussi minutieux que fragiles, prennent place dans cet assemblage sonore plein de nuances. Les différentes textures, qu’il s’agisse de sons abstraits ou concrets, forment une sorte d’ambient éthéré, qui vagabonde, au gré des manipulations du musicien.

Carte Postale Sonore, Philippe Morvan

Dans la course de l’après-midi, nous avons malheureusement manqué la carte postale sonore de Philippe Morvan diffusée aux casques cet après-midi. Réalisée sur le site des Imprimeries Ouest France, cette création avait été réalisée dans le cadre du dispositif Métropole Electroni[k]. Depuis 2008, l’association propose en effet à des musiciens (mais aussi à des plasticiens) de réaliser des créations sonores pendant une résidence dans un lieu de Rennes Métropole (Maison de retraite de Cleunay, Médiathèque de Betton, gare SNCF, aéroport pour n’en donner que quelques exemples). Les artistes investissent le lieu de résidence, développent leur projet puis restituent leur création au public sous la forme d’une carte postale sonore. Pour les créateurs de Métropole Electroni[k], ces projets permettent « de découvrir ou de redécouvrir des espaces urbains, d’appréhender la ville par l’oreille et ne plus la penser simplement comme source de bruits et de nuisances » . Depuis le lancement de Métropole Electroni[k], 12 cartes postales ont déjà vu le jour. A l’occasion de ce Premier Dimanche, Electronik] proposait de toutes les (re)découvrir, et notamment celle de Philippe Morvan, par le biais d’une écoute au casque.

Dj set, Luke VW

Concerts, performances, installations, arts visuels, créations multimédia se sont succédé tout l’après-midi en donnant une image assez exhaustive de l’univers d’Electroni[k]. Il manquait cependant l’aspect clubbing.

Aussi, l’association Electroni[k] a-t-elle décidé de transformer le grand hall des Champs Libres en dancefloor géant pour finir la journée. Bien sûr un dancefloor en pleine lumière, à 6h de l’après-midi, c’est souvent plutôt calme (on n’est pas à Berlin), mais plusieurs esquisseront quelques pas de danse ou remueront doucement pieds et épaules au son de la sélection de Luke VW installé au balcon, derrière les platines.

Pour clore ce bel après-midi, le programmateur des Crab Cake propose une sélection plutôt calme, mais souvent éclectique et d’une jolie classe. A quelques pas de nous, un duo improvise un chouette pas de deux en miroir. Les dernières notes de Gonzalès au piano nous accompagnent alors pour un final tout en douceur.

On vous l’avait dit : un après-midi plus merveilleux que monstrueux…

Photos : Caro

1 commentaire sur “Premier Dimanche Electroni[k] « moi, je lui clique sur les fesses ! »

  1. jerry ox

    Voilà un billet attrtactif ! Merci !

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