[Festival] Autres Mesures 2024 : partie 4/4

La neuvième édition du festival Autres Mesures a lieu du 7 janvier au 11 février 2024. Comme chaque année l’événement vous propose une généreuse sélection de ce qui se fait de plus émoustillant dans le monde de la musique contemporaine. Ce riche florilège investit un tout aussi vaste aperçu de 13 lieux d’exposition rennais et est, de plus, souvent gratuite ou peu onéreuse. Dernière étape de notre tour d’horizon détaillé des plaisirs multiples et variés de cette foisonnante programmation avec le très beau bouquet final qui aura lieu du 9 au 11 février 2024.

Depuis 2015, le festival Autres Mesures invite le meilleur de la création musicale contemporaine sur Rennes. Ces concerts, souvent gratuits, sont joués dans les divers lieux d’exposition locaux histoire de démultiplier les plaisirs artistiques. On salue bien bas la démarche aventureuse, généreuse et salutairement accueillante de l’événement. Pour son étape de l’année 2024, le festival a démultiplié les partenariats locaux et proposera en plus des habituels passages par le musée des Beaux-Arts, La Criée et le FRAC Bretagne, une dizaine d’autres propositions toutes aussi émoustillantes pour un total de 54 artistes invité.e.s cette année. Pour vous aider à vous retrouver dans le généreux calendrier de l’édition, nous vous avons concocté un survol des soirées en forme de calendrier.

Malgré le succès grandissant de l’évènement, trop de gens pensent encore que la création musicale contemporaine reste le domaine réservé d’une minorité d’esthètes, nous allons essayer de vous prouver le contraire.

vendredi 9 février 2024 @ La criée
Christine Ott

On est pour notre part ravi.es de retrouver Christine Ott dans la programmation de cette semaine de clôture tant on apprécie l’infinie subtilité que la compositrice et multi-instrumentiste strasbourgeoise insuffle à ses compositions et interprétations. Pianiste, spécialiste des ondes Martenot (elle a même été l’élève de Jeanne Loriod herself), professeure au Conservatoire de Strasbourg, Christine Ott est de ces musicien.nes qui appréhendent la matière sonore dans leur relation à l’espace, qui pensent la musique comme une sculpture sonore et qui interrogent on le disait, avec une infinie subtilité, la création musicale dans toutes ses dimensions (aussi bien par exemple en se posant la question de comment on enregistre un piano, de la recherche musicale au contact de l’image, ou encore de l’appréhension et de la créativité qui peuvent sous-tendre la pratique et la découverte d’un nouvel instrument duquel on n’est pas ou peu familier -pour peu qu’on s’y autorise). La singularité de ses recherches sonores et musicales s’exprime sous différentes formes.

Qu’il s’agisse de ses compositions personnelles, soit au piano (dernièrement avec son cinquième album, l’intime et fascinant Eclats – 23 novembre 2023, Gizeh Records), soit aux ondes Martenot (l’époustouflant Chimères, Nahal Recordings, 2020, produit par Frederic D. Oberland d’Oiseaux Tempêtes et Paul Regimbeau aka Mondkopf), ou de ses projets collectifs où elle reste ouverte à toutes les rencontres et esthétiques tels Theodore Wild Ride, trio où les ondes Martenot se marient à l’oud d’Ophir Levy, Snowdrops en duo ou parfois trio, ou encore le plus récent The Cry entre minimalisme, krautrock, progressif et jazz, Christine Ott creuse, cherche, ne s’interdit aucun horizon. On l’a donc logiquement trouvée en tournée aux côtés de Radiohead ou en collaboration avec Yann Tiersen, Stuart Staples de Tindersticks, ou plus récemment Chilly Gonzales, mais également à la création de musique de film ou de ciné-concerts (Nanook of the North et Man of Aran -cette année- de Robert Flaherty, Tabu de F.W. Murnau, les courts métrages d’animation de Lotte Reiniger).

Pour sa prestation à Autres Mesures, Christine Ott viendra à Rennes avec ses Ondes Martenot accompagnée de Mathieu Gabry aux claviers et effets (avec lequel elle joue également dans le projet Snowdrops). Instrument électrique monophonique créé dans le premier quart du vingtième siècle par Maurice Martenot, les ondes Martenot se composent d’un clavier un peu plus étroit qu’un piano, d’un ruban (une sorte de fil qu’on joue en faisant glisser son index muni d’une bague) qui permet des variations infimes dans la tonalité des notes (le clavier habituel permet des écarts d’un demi-ton alors que le ruban autorise des micro-intervalles), d’un petit « tiroir » qui permet de switcher entre le clavier et le ruban et comporte les différentes commandes -qui permettent notamment une combinaison de centaines de timbres- et surtout une touche « d’intensité » que l’interprète actionne de la main gauche pour que les sons deviennent audibles et qui permettent à l’artiste de faire varier les nuances et attaques. Ajoutez à cela un vibrato qui accompagne aussi bien le jeu au clavier qu’au ruban, deux pédales au pied (une sourdine et une autre pédale d’intensité) et surtout sur les instruments « d’origine », 3 diffuseurs: un haut parleur traditionnel direct, un second, la résonnance dont les cordes placées sur une caisse de résonnance permettent au son de se prolonger en vibrant -les cordes peuvent aussi être des ressorts- et le troisième, une sorte de gong mis en vibration par un moteur créant une sorte de halo métallique sonore, et vous aurez une petite idée de la complexité du jeu demandée aux musicien.nes et des infinies nuances qu’il propose. Autant vous dire qu’on a bien hâte.

Christine Ott
vendredi 9 février 2024 – La Criée centre d’art contemporain, place Honoré Commeurec, Rennes

entrée publique à 18h et concert de 18h30 à 19h30
Entrée libre dans la limite des places disponibles

samedi 10 février @ Centre culturel Pôle Sud
Les Souffles

Le lendemain, direction Chartres de Bretagne et son pôle culturel Pôle Sud pour la découverte d’un spectacle chorégraphique et sonore, Les souffles, présenté en partenariat avec le festival Waterproof. Creusant le même questionnement que celui que décline (entre autres) le festival Maintenant par ici, autour de la relation entre le corps humain et les machines, entre l’art et les technologies, les trois artistes-interprètes à l’origine du projet, proposent une  symphonie dansée, mêlant ensemble souffles humains et mécaniques qui se voient traités numériquement en temps réel.

Sur scène, on découvre une installation plastique composée de sculptures-instruments à vents avec laquelle composent le chorégraphe et musicien Mathieu Calmelet, l’artiste visuelle Ludivine Large-Bessette et le plasticien sonore Octave Courtin. Gonflant des membranes d’air autant que leurs poumons, actionnant des leviers, tirant de gigantesques câbles, bondissant sur des soufflets-balançoires, faisant tournoyer des lumières au bout d’hélices habillés en noir de travail, parfois séparément, parfois de concert, les trois danseurs interrogent les frontières entre mécanique et organique en les abolissant.

Les Souffles, spectacle chorégraphique et sonore par le collectif Lac Project le samedi 10 février 2024 à 17:00 au Centre culturel Pôle Sud (1 La Conterie, Chartres-de-Bretagne)
entrée publique : 16:30 – tarif : 10€ tarif plein / 8€ tarif réduit / 6€ tarif adhérent Pôle Sud/ enfant de moins de 12 ans

dimanche 11 février @ Frac Bretagne
Sarah Davachi

Cette très chouette édition du festival se clôturera le dimanche en partenariat avec Les Tombées de la Nuit, dans le cadre de Dimanche à Rennes avec la prestation de la musicienne électroacoustique Sarah Davachi qu’on se réjouit de retrouver tant on a longuement écouté ici le double LP Cantus Descant paru en 2020 autour des orgues, qu’ils soient à tuyaux, anches ou électriques.

Compositrice canadienne (en ce moment californienne pour ses études puisqu’elle est actuellement doctorante en musicologie à l’UCLA) qui s’inspire entre autres des travaux d’Eliane Radigue, Charlemagne Palestine ou La Monte Young, Sarah Davachi s’intéresse aux subtiles et infimes variations des sonorités, à la suite des expériences minimalistes des années 60 et 70. En partant de sonorités tenus sur des durées prolongées, la musicienne en met en exergue les étroites variations, qu’elles soient dans les textures, les harmonies, et se montre constamment attentive aux détails de la psycho-acoustique et aux timbres. Mêlant sonorités électroniques et instruments acoustiques de toutes sortes (ses instruments de prédilection sont les claviers), en solo ou à plusieurs (elle a par exemple composé pour un quatuor à cordes de Montreal en 2020, puis a ré-arrangé ses compositions pour des instruments à vent qu’on peut entendre sur l’album Long Gradus paru en novembre dernier), la compositrice joue à travers le monde et a par exemple partagé la scène avec Oren Ambarchi, Grouper,  Charlemagne Palestine, ou a travaillé pour le Quatuor Bozzini, le London Contemporary Orchestra ou le BBC Scottish Symphony Orchestra et on en passe.

Notamment intéressée par la différence entre les compositions réalisées en studio et les compositions réalisées en situation live, et aux différences de formes, de structures que celles-ci impliquent, Sarah Davachi a une attention particulière à la qualité de la production, comme on peut l’entendre sur la multitude d’enregistrements qu’elle a déjà produits, que ce soit en solo ou pour d’autres ensembles. Et comme si ça ne suffisait pas, la prolifique artiste a également été amenée à travailler pour le Centre national de musique du Canada en tant qu’interprète et développeur de contenu pour leur collection d’instruments à clavier acoustiques et électroniques. Bigre, et nous on a le temps de rien ! Pour Autres Mesures, on aura donc le bonheur de retrouver Sarah Davachi à l’orgue au Frac pour un moment qu’on pressent hypnotique.

Sarah Davachi en concert (Orgue) le dimanche 11 février 2024 à 17:00 au Frac Bretagne (19 avenue André Mussat, Rennes)
Entrée publique : 16:30 – Entrée libre dans la limite des places disponibles

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