Vendredi chaud à la Route du Rock

Crystal StiltsQuelle belle journée ce vendredi au Fort Saint Père ! Temps exceptionnel, une fois n’est pas coutume ; à peine séché d’une sortie en mer contemplative, Eole absent, je prends la direction du Fort, collations en bandoulière, Docs aux pieds, merd… credi ! (substitut au mot prohibé) mes Converses m’eurent permis de prendre l’enfilade à bâbord et de profiter d’une brise privilégiant les porteurs de la basket à étoile. Sûr, demain je troque mes Docs contre une paire de chaussures de toile plébiscitées par les midinettes à grands pieds, j’aurai un peu de temps cette fois pour lécher une mousse avant le premier show.

Cette fois-ci, pas le temps pour le breuvage ; je passe les grilles qui ont été avancées bien en amont l’entrée des années précédentes et de suite Crytals Stilts entame son set. Bon, c’est le premier groupe, c’est le premier morceau, ça vibre dans le bas, ça vrombit en quelques sortes alors je me dis que les choses vont se caler et que tout va rentrer dans l’ordre. Bon, c’est peut-être que je suis loin, qu’il faut se rapprocher. Bon, c’est peut-être qu’il faut s’habituer. Bon… et puis non, c’est la batteuse (une femme qui tape sur des toms), elle a oublié ses cymbales, alors la pulsation au tom basse ; c’est dur pour un début. J’aurai bien aimé mieux entendre le chanteur au look dilanien et à l’élégance nonchalante, un début donc : avec tambour sans trompettes.

Toujours pas le temps pour se réhydrater, très vite la scène est prise en main par le groupe de Bradford Cox, on reconnaît facilement l’homme à sa morphologie dangereusement aiguisée, armé d’une 335 portée haute, il mène la manœuvre du quatuor Deerhunter. La chasse commence doucement ; quelques trifouillis sur le sélecteur de micro de la Gibson, l’air un peu ailleurs, accordage à la volée pendant un morceau, le chanteur-guitariste est d’abord concentré sur ses ustensiles, et puis la sauce monte, le groupe nous dépote un « Noting ever happened to me » intense, sans refrain à l’octave, dommage. Une fois la cavalcade entamée, difficile de s’arrêter, l’acmé est rapidement atteinte dans une démonstration tellurique (ce n’est qu’un début dans la soirée). Comme au terme d’une course, quand la proie est rattrapée, vient le moment des réjouissances : recueillies avec un morceau voix guitare dans un silence religieux, puis festives avec une dernière envolée avant de se quitter.

Tortoise_1Il y a des groupes de scènes, discutions-nous avec un ami et il y a les groupes de salon. Pour moi, Tortoise était un groupe de salon, j’avais une idée floue de ce que pouvait donner ce groupe en live : pas de chant, une musique qui s’installe, une musique sophistiquée, comment la reproduire, la faire vivre en concert ? Le quintet prend place, deux batteries sur le plateau, plusieurs claviers, quelques guitares, un glockenspiel, un vibraphone et puis après impossible de dire qui fait quoi parce que tout le monde fait un peu tout. Les morceaux s’enchaînent sur fond vidéos de rotation de pales d’éolienne, en ce jour sans vent, magie de Tortoise, des morceaux du dernier album, des plus anciens, et toujours l’équilibre dans un groupe qui parfois semble jouer devant le public de Montreux, d’Astropolis où même du Hellfest (si si…) et finalement tout ça à la Route du Rock. Il y a des groupes de scènes, Tortoise en fait définitivement partie.

Après Tortoise : pause casse-croûtes et bière avant Le moment de la soirée : My Bloody Valentine. Bon, c’est le premi… quatrième groupe, c’est le premier morceau, ça crache dans le bas, dans le haut, ça rugit mais sans voix alors je me dis que les choses vont se caler et que tout va rentrer dans l’ordre. Bon, c’est le deuxième morceau, ils s’y reprennent à deux fois… Bon, Shields passe son temps à discuter avec son staff sur ses guitares… Bon…, My bloody Valentine c’est plutôt : Aïe ! Ouille, ouille, ouille !!! Avec toute l’indulgence du monde.

J’ai réussi à sortir du turboréacteur coagulé Valentine, comme les mobylettes qui m’ont réveillées ce matin, ça gueule fort mais ça avance pas. Enfin du bon rock comme on l’aime, A place to Bury Strangers tient la promesse que je m’étais permis de leur faire faire. Le trio efficace de New York, réputé comme le plus bruyant de sa ville, est à la hauteur de sa réputation mais là ça décolle et ça m’emmène à destination ; je suis ravi ; la nuit commence à prendre une couleur de flashs stromboscopiques, la guitare fait des pirouettes autour du chanteur-jongleur, l’énergie transperce la nuit, comme on disait dans un vieux bouiboui de campagne au nom de tirage au sort : « ça sonne ».

Et comme une bonne veine fait toujours se suivre les bons moments : le challenger de dernière minute Snowman fait dévaler une musique entre suspensions mystique et chocs telluriques (on y revient), la danse des mains du chanteur est teintée d’étrangeté, sa voix échappée d’une bouche à moustache (trop rare en ces temps) nous invite à un cri de rage « we are the plague », tandis que le clavier tel un pantin désarticulé entame une série de poses ésotériques. Avec leur prédécesseur, le final de la journée m’enchante, je peux regagner la couche, rassasié.

A demain pour une aventure pop.

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1 commentaires sur “Vendredi chaud à la Route du Rock

  1. Fix

    Putain qu’est-ce qu’il nous manque le bouiboui de campagne !

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