Y-a t’-il une ville plus musicale que Rio? Déjà, à l’atterrissage, ça commence bien: « Vous êtes arrivés à l’aéroport Tom Jobim de Rio de Janeiro…« . On a du mal à imaginer l’accueil à Roissy dans un aéroport Maurice Ravel ou encore Serge Gainsbourg! Oui, mais à Rio, c’est un fait: la musique est indissociable de l’existence, et donc du cinéma, pour ce qui nous intéresse cette semaine, à l’occasion du festival Travelling Rio. Petite sélection de pépites musicales, où le jazz, la pop, l’Afrique, l’Europe, la soul ou le Hip-Hop s’invitent dans une tradition et une modernité sans cesse renouvelée.
Évidemment, le métissage est ici au centre de toute création musicale: ce n’est un secret pour personne. À tel point que les artistes brésiliens l’ont érigé en théorie. L’écrivain avant-gardiste Oswald de Andrade, par exemple, a créé en 1928 le concept de l’Anthropophagie artistique: en gros, « cannibaliser » les influences extérieures, pour les associer au riche héritage indien ou afro-européen. Pas étonnant, alors, d’écouter à Rio cet immense brassage, depuis les Bachianas brasileiras jusqu’au Hip-Hop Carioca.
Petit parcours en 10 disques:
Pixinguinha « Som Pixingunha », 1971: difficile de résumer la carrière du génie du choro (souvent comparé au jazz), né en 1897 et déja auteur et professionnel, à quatorze ans, en 1911! Il a donné au choro une identité musicale, grâce à son expérience professionnelle variée et en composant, à partir de polkas, schottiches ou valses combinées à des éléments de tradition afro-brésilienne. C’est là son dernier enregistrement, deux ans avant sa mort, en 1973.
http://www.youtube.com/watch?v=EGWg4YpS1ls
Stan Getz, Joao Gilberto & Antonio Carlos Jobim « Getz/Gilberto », 1964: Ok, celui-là est un grand classique et ne correspond pas à l’essence originelle de la bossa-nova de Joao Gilberto et Tom Jobim, associée ici au saxophone Jazz cool de l’américain Stan Getz. Mais ce disque a « mondialisé » la bossa-nova, en le faisant sortir des rues et plages d’Ipanema vers les scènes et les phonographes du monde entier. Il reste le disque idéal du dimanche matin paresseux et ensoleillé!
http://www.youtube.com/watch?v=uEhk6kET9Fo
Baden Powell & Vinicius de Moraes « Os Afro-Sambas », 1966: disque légendaire du guitariste Baden Powell et du poète-ambassadeur Vinicius de Moraes, c’est l’une des pierres angulaires de la bossa-nova. Enregistré les pieds dans l’eau, les deux compères enfermés dans une cave inondée de Rio, avec tout ce que la cité pouvait compter de cigarettes et de bouteilles de cachaça, c’est la tentative de coucher sur bandes l’inspiration née de leur récente découverte commune du patrimoine afro-bahianais.
http://www.youtube.com/watch?v=JgS16Ipnr2E
Elis Regina & Tom Jobim « Elis & Tom », 1974:: Parfois considéré comme l’album « parfait » de la bossa-nova, c’est la collaboration entre deux personnalités au sommet de leur talent, aujourd’hui décédés. Elis est la grande voix de la bossa, et plus largement de la musique populaire brésilienne, Tom le grand compositeur et pianiste du mouvement. Le titre « Aguas de Março », lui, est devenu un autre hymne brésilien et la plus belle chanson sur le mois de mars…
http://www.dailymotion.com/video/x3q066_elis-regina-et-tom-jobim_music
Paulinho da Viola « Foi um Rio que pasou na minha vida », 1970: Tout le plus grand raffinement dans l’écriture de la samba, par l’un des plus grands « sambistes », ayant œuvré pour les grandes écoles de samba de Rio. Il déclame dans la chanson-titre son amour pour son école d’origine, Portela, dans ce qui constitue l’une des plus belles sambas jamais écrites. Paulinho, lui, continue d’égrener les bons disques.
http://www.youtube.com/watch?v=W7LIz3H_764
Martinho da Vila « Canta, canta minha gente », 1974: L’autre grande figure de la samba à Rio dans les années 70, le premier artiste de samba à avoir franchi le cap du million de disques. Son succès tient dans la qualité de sa voix grave et douce, sa diction décontractée et la qualité de ses compositions. Ce disque constitue l’un de ses plus grands succès, au même titre que l’album conceptuel « Rosa do Povo ».
http://www.youtube.com/watch?v=FxQB1FYLu5k&feature=kp
« Tropicalia ou Panem et Circensis », 1968: Plus généralement brésilien que vraiment carioca, ce disque-manifeste regroupant les trublions Caetano Veloso, Gilberto Gil, Os Mutantes ou encore Tom Zé, reste encore un équivalent brésilien du Sergent Pepper des Beatles en terme d’influence. L’ambition était de moderniser la bossa-nova ou la musique populaire brésilienne au moyen de l’électricité psychédélique ou encore des messages existentialistes en vogue à Paris.
http://www.youtube.com/watch?v=OB4BBLNLow0
Jorge Ben « Jorge Ben », 1969: Plus tard orthographié « Jorge Ben Jor », ce musicien continue d’être idolâtré dans la cité carioca. Attaché à sa ville et au club de foot du Flamengo, dont la pochette arbore les couleurs, Ben a su créer une musique inimitable où les éléments brésiliens lorgnent cette fois-ci du côté de la soul et du funk américains. Empilant les tubes au même rythme que les attaquants de la seleçao qu’il glorifie régulièrement, Jorge est une figure centrale d’un mouvement funk important, qui compte aussi dans ses rangs le regretté Ed Motta.
http://www.youtube.com/watch?v=5ger8PgN-Os
Planet Hemp « Os Cães Ladram mas a Caravana não Para », 1997: Aujourd’hui séparé, le combo de Hip-Hop (prononcez « Hipi-Hopi »!) a produit ce brûlot en 1997, comme une sorte de réponse brésilienne aux disques des Beastie Boys, de Public Enemy ou des RATM. Pas aidés par la censure, le disque est aujourd’hui considéré comme l’une des meilleures productions d’une scène rap importante, objet de la très bonne compilation « Hip Hop Rio ».
http://www.youtube.com/watch?v=-J5PpRoZrtI
Criolo « No Na Orlelha », 2011: Issu des favelas et biberonné au rap, ce « créole » de 34 ans, éducateur dans le civil, s’est fait un nom hors du Brésil avec ce disque en 2011, où il convoque des influences multiples, samba ou afro-beat, à des déclamations et des chants inspirés de sa vie quotidienne. Adoubé par Caetano Veloso, il est devenu, aux côtés de Céu, Lucas Santana ou encore Seu Jorge un ambassadeur musical de Rio.
Très cool la liste, je viens de la publier sur ma page publique facebook! Et j´ai tout écouté, bonne selection! Des chansons de plusieurs époques et pas clichés!
Sympa, merci, content que vous ayez aimé! obrigado