Si l’actuelle rue de la Monnaie troquait son nom pour celui de « rue des trésors », ça ne paraitrait pas galvaudé : c’est la rue où l’on peut admirer le trésor de la cathédrale récemment remis en valeur, mais c’est également la rue où l’on construit actuellement un ensemble hôtelier présenté comme luxueux, à l’endroit même où se tenait le siège d’une banque. Plus tôt dans l’histoire, c’était l’emplacement d’une primitive halle au blé (sic), mais la rue tient son nom d’un hôtel des Monnaies que l’historiographie locale retient pour trois raisons : on y a frappé la monnaie du XVème au XVIIIème siècle, c’est là qu’eût lieu l’épisode local de la fameuse banqueroute du système de Law (1720), mais c’est surtout là (puisqu’il est question de trésor) qu’échouaient les fabuleuses quantités de métaux précieux rapportées d’Amérique du Sud par les corsaires et contrebandiers malouins pendant la guerre de Succession d’Espagne (1701-1714). N’en jetez plus, la coupe est pleine !
Pourtant, il sera question ici d’un autre trésor, découvert plus bas dans la rue, au moment même où l’on cesse de battre monnaie à Rennes (en 1774). En mars, plus précisément, le chapitre de la Cathédrale de Rennes décide de raser une maison lui appartenant, à l’emplacement actuel du 21 rue de la monnaie, et du 17 rue des Dames, pour le remplacer par un immeuble qui existe toujours.
Le 26 au matin, alors que les maçons ouvragent, côté rue de la monnaie, une découverte de taille interrompt les travaux, à une profondeur d’environ 1,90m, sous un escalier. Le procureur-syndic du chapitre (le chanoine en chef, dirait-on aujourd’hui), est appelé sur-le-champ. On exhume alors ladite patère (cf. épisode précédent, NDLR), 94 pièces d’or, 34 deniers d’argent, une fibule (broche) et divers bijoux en or. Enfin, c’est en tous cas ce que notre chanoine en chef avance, dans un courrier postérieur de quelques mois, quand la fabuleuse découverte aura déclenché un véritable pugilat de courriers et de procédures entre la Monnaie de Nantes (qui revendique la propriété du trésor, en arguant de la présence d’une monnaie ducale médiévale à cet endroit) et du chapitre de la Cathédrale de Rennes (qui revendique la propriété de ce terrain depuis trois cent ans et nie la présence d’une monnaie ducale).
De fait, pour le chapitre, le débat n’a pas lieu d’être, puisqu’on s’est empressé d’offrir ledit trésor au roi et qu’il ne reste rien à Rennes en dehors de la petite fibule en or, que le chanoine dit avoir offert aux maçons, pour « les gratifier de leur honnêteté et les encourager à toujours faire de la sorte ». À la lecture des courriers échangés et publiés par Lucien Decombe en 1879, on ne peut s’empêcher d’avoir un doute : le chanoine est-il honnête quand il dit que tout a été expédié à Versailles ?
Toujours est-il qu’après quelques mois de conflit, le roi met tout le monde d’accord : après avis du peintre Greuze, la patère et le trésor sont évalués d’un grand intérêt artistique, ils ne seront pas fondus à la Monnaie de Nantes, et le ministre La Vrillière est même chargé de récupérer la petite fibule.
Le trésor ne reverra jamais la ville de Rennes, on en produit une copie en bronze après la Révolution pour le musée local (aujourd’hui conservée au Musée de Bretagne, NDLR), et la patère gagne à tout jamais les collections royales puis nationales, qu’elle ne quitte plus, même à l’occasion d’une exposition temporaire, où on lui préfère la copie. Nous vous narrerons la suite de ses tribulations dans le prochain épisode, mais ça en est fini de son histoire rennaise.
Pour autant : terminée, la chasse au trésor ?
Nous ne voudrions pas encourager les habitants de la vénérable rue de la Monnaie à transformer leur sol en gruyère, mais selon plusieurs auteurs, le trésor de Rennes ne serait peut-être pas le seul à dormir sous l’antique cité. En effet, selon le très sérieux Ogée, l’un des premiers historiens de la Bretagne, en 1780, la découverte du trésor avait été précédée de la découverte, en 1741, aux portes mordelaises voisines, d’une inscription latine en bronze, dont il publie la traduction, que nous reproduisons ici :
Ici où l’on célèbre les cérémonies sacrées de Junon-Monète, Vénus et Bacchus, ces Augustes divinités se donnent la main ; non loin des prés humides qu’entoure la Vilaine, la troupe des prêtres, pendant que souffle la tempête de la guerre, enfouit en terre des coupes, des cyathes et tout l’attirail de Bacchus. Et ce ne sera qu’après de longs siècles, chez nos derniers neveux, quand un prince rempli d’équité gouvernera l’Armorique, que l’on déterrera ces trésors : ce prince rétablira le temple de l’Auguste monète et sa demeure sacrée, aux applaudissements de tous. L’or n’a pas d’éclat, si un usage convenable ne lui en donne.
Bon, on vous l’accorde, on nage en plein délire. Aucun historien suivant n’a relevé l’énigmatique traduction, et il y a tout lieu de croire qu’il s’agisse d’un canular de l’historien, ou que lui même ait été dupé. Il n’empêche… Lucien Decombe, un siècle plus tard, se relance dans la chasse au trésor. Ce qui l’intéresse, lui, c’est de prouver la primauté d’un temple romain sur la cathédrale. Alors il livre l’information suivante : en 1180, quand l’évêque de Rennes, alors désargenté, fait détruire la cathédrale sciemment, il sait qu’on découvrira en dessous le trésor permettant de la reconstruire, plus belle et plus grande. Nul ne sait s’il avait raison, mais la cathédrale a bien été reconstruite.
Voilà qui devrait relancer la vente annoncée compliquée de l’hôtel d’Artillerie voisin, ruiné et à la restauration jugée onéreuse : n’y aurait-il pas sous les caves de quoi trouver le trésor nécessaire ?
« Les Tribulations du Trésor de Rennes #3 » : Bain forcé dans les eaux boueuses de la Seine
Bonjour,
Depuis cette url, vous trouverez le lien des 3 chapitres !
Bonne lecture.
https://alter1fo.com/les-tribulations-du-tresor-de-rennes-patere-130413
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