Trans Musicales 2010 : Vendredi, c’est agoraphobie

La soirée s’ouvre sur une contradiction.

A peine arrivé sur place, on apprend que c’est complet mais pourtant les halls fort joliment parés d’ambiances subaquatiques semblent bien vides. On profite donc d’autant plus des lieux car on subodore fortement que cela ne durera pas.

En tout cas, on a bien fait d’arriver tôt car cela nous vaut une entrée en matière tout à fait vivifiante.

5250922929_839540a426_m

C’est d’abord le duo belge Madensuyu qui confirme l’excellente impression laissée par les titres glanés sur le net. Stijn de Gezeele, à la guitare et Pieter Jan, à la batterie, sont assis mais ça ne les empêchent pas de faire preuve d’une énergie fiévreuse et communicative. Leur noise-rock tortueux emballe et électrise. Le double chant mêlant allégrement rage et susurration, colle parfaitement à la belle alchimie distorsion/mélodie des compos.

Bref, on commence par une belle claque et ça c’est chic.

D’autant plus que les New-Yorkais de Paris Suit Yourself ne vont pas démériter derrière. Mené par un chanteur convulsif et aventureux vocalement, le quatuor nous propose un mélange bigarré, parfois un peu foutraque, mais jamais ennuyeux. Les morceaux sont tortueux et surprenants et on passe avec un naturel confondant d’ambiances expérimentales et arty à d’implacables lignes de  basses dignes d’ESG ou Liquid Liquid.

Là où on commence à croire aux miracles, c’est quand on enchaîne une autre baffe de proportion LinoVenturesque. Le néo-zélandais expatrié à Londres Connan Hosford ressemble peut-être à un playmobil longiligne et blondinet. Il a peut-être des parents ayant un humour particulier dans le choix du prénom de leur progéniture mais sa formation Connan Mockassin va mettre tout le monde d’accord. A contrepied de la tendance générale, le groupe joue sur des ambiances douces et feutrées déployant d’étranges mélodies pop-psychédéliques avec grâce et assurance. Le chant extraterrestre du bonhomme est à lui seul un poème mais quand cela s’ajoute à une section rythmique solide (basse/batterie/percus) et à un jeu de guitare limpide et subtil, c’est un vrai bonheur. On navigue donc avec ravissement entre Byrds et Pink Floyd première période en passant par une jolie Beatlesserie habilement minée par un décalage de la voix tout à fait délectable.

Après une telle triplette, il fallait bien que ça retombe un peu. L’hyperactive et charmante Joy Frempong, alias Oy, vient présenter sa formule solo. Derrière deux micros, une foule de claviers, de samplers et de poupées rigolotes, elle se démène comme une belle diablesse jonglant avec humour avec des boucles et des distorsions de sa voix. C’est tout à fait sympathique mais ça manque un peu de rythme et d’emballement pour totalement convaincre. On donne tout de même rendez-vous à la dame ce soir, pour écouter ce qu’apporte sa collaboration avec Filewile.

Il en fallait bien une, la voici. Le prix de la déception de la soirée est attribué à Salem.
Les ambiances poisseuses et insidieuses des nappes de synthés envoutantes de ces chicagoans m’ont beaucoup plues à l’écoute préparatoire mais peinent à décoller sur scène. Les instrumentaux gardent tout de même beaucoup de charme vénéneux mais dès que viennent s’y coller le flow paresseux d’un chevelu ou une pâle copie de Julee Cruise, on décroche.
Dommage donc, mais on a tout de même envie de leur redonner une chance sur disques.

Du coup, on a le temps d’aller mater quelques sympatoches cabrioles hip hop du Witty Crew avant de passer dans le grand hall trouver une place dans les gradins histoire d’être bien placé pour le gros morceaux de la soirée.
Bien nous en a pris.

D’abord parce que l’immense hangar va rapidement ressembler au barrage de la Rance lors de l’ouverture des vannes. Ensuite parce que ça nous permet d’apprécier les jazzys et virevoltantes explorations scratchesques de DJ Ordeuvre et son projet Matmon Jazz. Nourri d’une electro-jazzy digne des DJ Food/Cam et de turntablism à la Kid Koala, le DJ rennais assure vraiment et sa prestation est joliment mise en valeur par une utilisation assez classe de la vidéo.

Puis vient le tour de M.I.A..

Avec une vitesse assez flippante l’immense hall 9 se remplit d’une foule d’une densité rarement observée par l’équipe. Fosse et gradins sont totalement blindés quand s’abat l’orage. La belle déboule bardée d’un treillis et entourée de danseurs aux allures tout aussi martiales. Le show ne fait clairement pas dans la finesse et s’ouvre sur un «Born Free» rageur et punkoïde mais qui a le mauvais goût de noyer l’admirable boucle de synthétiseur de Suicide sous un déluge de basses. La suite est à l’avenant : tubes qui mettent le feu, gros son imparable hérité des sound systems jamaïcains, vidéos agressives et ambiance efficace mais tout de même très impersonnelle et froide. Un comble quand on connait le caractère de la dame.
Comme la densité frôle l’insupportable, on s’offre une escapade et s’extirpe laborieusement de la boîte. On rate donc le tube Paper Planes et son effrayante chorégraphie à base de téléphones portables mais sans regret parce que c’est un nouveau petit bijou que l’on va trouver dans le hall 4.

Avec le quatuor finlandais de Shogun Kunitoki, le basculement est total. Le public est clairsemé (du moins au début), les ambiances sont planantes et subtiles et les quatre gusses sont timidement arque-boutés sur leur machines/batterie/clavier. Pourtant le charme agit rapidement et on se laisse emporter par ses boucles ultra répétitives mais peuplées d’explorations sonores captivantes. Le tout est habillé par des vidéos projetées par le plus improbable des appareils : une sorte de projecteur à bandes, bidouillé de partout, d’où émerge un flot d’images géométriques, aussi aléatoires qu’hypnotiques. Le concert passe comme un charme et la magie est si palpable qu’une foule modeste mais convaincue et enthousiaste finit par s’installer devant la scène.
On croisera d’ailleurs de drôles de gens dans l’auditoire : un gars bien entamé sautillant comme à un concert de Daft Punk et invitant vainement ses voisins à la danse, un autre gars tout aussi fumé vociférant des insultes à l’adresse d’on ne sait trop qui et qui se fera gentiment mais fermement rappeler à l’ordre par la sécurité et enfin, un petit monsieur tout gentil mais un peu désemparé qui vous demande tout timidement si c’est bien la scène où joue MIA.

On finit la série avec les (très) jeunes normands de Concrete Knives. Leur rock-dance acidulée compense en fraicheur ce qui leur manque d’originalité.

On conclut donc sur cette touche rafraichissante une soirée riche et variée qui place la barre très haute pour le second round de ce soir.


Retrouvez tous nos articles sur les Rencontres Trans Musicales 2010 de Rennes

7 commentaires sur “Trans Musicales 2010 : Vendredi, c’est agoraphobie

  1. isa

    Le concert de Conan Mockassin était vraiment très bon et le disque est encore meilleur… C’est pour des découvertes comme celles là qu’on aime les Trans.
    Quel dommage, je n’ai vu qu’une petite partie du concert des Shogun Kunitoki et au vu de ce que j’ai entendu, c’était sûrement l’un des meilleurs concerts de la soirée !

  2. Lisenn

    « on a le temps d’aller mater quelques sympatoches cabrioles hip hop du Witty Crew » : Cabrioles, mais bien sûr… Je vous trouve un chouïa snob Mr B….

  3. Mr.B.

    Oui mais quand je sors avec Hildegarde, c’est toujours moi qu’on regarde.
    http://www.youtube.com/watch?v=ojY1Sj1-E0Q

    Sinon sérieux, ça t’a bouleversé le Witty Crew ? C’était sympa. C’était une très bonne idée de programmer ça à cette heure là.
    Mais bon, quand on a encore Connan Mockasin dans la tête ça ne vous émeut pas plus que ça non plus.

  4. Lisenn

    Je n’ai vu d’eux que leurs vidéos sur le net. Je n’étais pas au Parc Expo vendredi. Non, ça ne me bouleverse pas mais je reste admirative face à leur dextérité de danseurs. Appeler ça des cabrioles me choque beaucoup par contre. Très snobinard méprisant… Voilà c’est tout.

  5. Mr.B.

    Je ne sais pas ce que t’ont fait les cabris qui sont pourtant des bestioles charmantes et je suis désolé que tu vois du mépris dans le terme, ce n’était pas du tout mon intention.
    Qu’il y ait de l’agilité et une maîtrise technique chez ces garçons, c’est indéniable et je l’avais souligné dans l’article kékifovoiroparkexpo. Maintenant, ça manque d’émotion à mon goût. J’ai vu aux tombées de la nuit de l’année dernière une troupe de danseuses HipHop brésilienne qui alliait exploit physique.et émotivité à fleur de peau, et j’en ai encore la chair de poule rien que d’y repenser.

  6. Lisenn

    @Mr B. : tu veux parler de la Cie Membros ? je les ai vues aussi ces filles et effectivement l’approche hip-hop était complètement différente. Je suis entièrement d’accord. D’ailleurs, cette compagnie avait présenté un spectacle au TNB, Febre, je crois en 2009, qui était absolument magnifique…
    Et pas de méprise, j’adore les biquets ! [Jolie cabriole, plaisanterie par laquelle on coupe court à une discussion embarrassante…]

  7. HU

    Mia c’était naze.

Laisser un commentaire

* Champs obligatoires