Le bureau de Jean-Louis Brossard dans les locaux de l’A.T.M. peut ressembler à l’image qu’on pourrait s’en faire: des tonnes de disques (et pas forcément de nouveautés programmées cette année, comme en témoigne le Jimmy Smith fraîchement posé sur la table), des dizaines d’affiches et de photos (pêle-mêle Moondog, Noir Désir ou Hank Williams). Tout juste lové dans le bon sofa qui fait face au programmateur des Transmusicales, on se dit qu’on pourrait y rester des heures, à écouter des dizaines de galettes en écoutant les bons souvenirs de JLB. Mais non, le temps presse, à peine une petite semaine et les trente-quatrièmes Transmusicales débutent, avec leur lot de découvertes. Il est temps d’en parler.

Jean-Louis en mode hyperactif et bonne humeur. Le stress est moins palpable que d’autres années. « Je sais pas, je sens bien le truc, je suis pas du tout inquiet, des fois, tu sais que tu te plantes, t’y vas quand même, et avec le sourire, t’as pas le choix, sinon tout le monde flippe aussi, tout le monde est down, alors qu’il y a qu’un truc à faire, c’est de faire un chouette boulot ». Mais là, c’est pas le cas. Blagueur et bavard, il égrène les noms et les projets, avec une visible jubilation: « Birth of Joy, je les ai vus, tu verrais la claque, mon père! J’en ai parlé à personne depuis janvier. J’ai dit aux potes: non, rien vu! sinon, c’est programmé deux, trois fois avant ». À priori fier de sa récente moisson, donc. Parfois, sans avoir vu de concert, « bah sinon, je vais me faire chier! (rires).Non, j’ai pas tout vu, sauf la scène régionale. Mais là, ça change, en concert, comme Alphabet, par exemple. Ou pour O Safari, leur tube, « taxi », c’est différent aux Trans, devant beaucoup de pros, vaut mieux taper avant, le mettre en trois ou quatrième position. Ça sert aussi à ça, la Tournée des Trans, à mettre en place ».

On sent « Papy » Brossard en forme. Alors, on tente: « Et c’est quoi, là, le projet secret, Uzi? – Hé, hé, bien tenté. Eux, ils veulent que ça reste secret, donc, je vais pas vendre la mèche! ». En revanche, il est intarissable sur les projets menés en amont, Olivier Mellano, Zamrock ou Burning House. « C’est ça, aussi, les Trans. Ce type de projet mené en amont. Burning house, par exemple, avec Hervé, de General Elektriks, qui va travailler avec un mec de Blackalicious. Ils vont se rencontrer quatre ou cinq jours avant les Trans, pour préparer le live qui va avoir lieu le jeudi. Pour Olivier Mellano, à l’Opéra, la gestation est évidemment beaucoup plus longue. On voulait le faire l’année dernière, mais on était un peu courts et l’orchestre de Bretagne n’était pas disponible.Pour le projet Zamrock? Tous les ans j’aime bien programmer des trucs qui viennent un peu du passé : Bo Diddley, Kraftwerk, les Residents, Gang of Four…Y’en a eu d’autres. Là, ce sont des disques que j’ai du puis pas mal de temps, réédités sur le label Now Again, le label d’Egon, DJ de San Francisco. Il a sorti un double album de Rikki Ililonga, qui vient de Zambie, et un album de The Witch, groupe dont « Jagari » Chanda et le seul membre vivant, tous les autres sont morts du sida. En Zambie, ça a été une hécatombe. Là, ils vont travailler avec un groupe allemand, Karl Hector & the Malcouns, qui jouent du funk, de l’afrobeat, ont bossé avec quannum. Ils répètent, là, pour la première aux Trans ».

Un truc à pas manquer? « Ah non, là c’est la question hardcore. Allez, si, si il y en a qu’un seul, alors c’est Skip & Die.Ça va être une grave tuerie. Quatre heures du matin, les amis, le dimanche matin. On verra çeux qui seront là. Je garde toujours les trucs d’enfer pour la fin. Après, les groupes, ils flippent un peu en pensant que les journalistes sont couchés. Mais après, les Trans c’est les trans, c’est pas un festival d’après midi! alors on garde ce qu’on appelle les balles pour la fin !(rires). J’attends aussi beaucoup de Netsky, le truc un peu drum’n’bass. Il paraît que c’était LE truc, à Gand, pour I love Techno ». Au passage, on a le droit à quelques scoops. « Avec St Lô, y aura Mike Ladd, le rappeur. Pour Rachid Taha, il vient avec un super band. Je l’avais passé en 1981, avec Carte de séjour. là, c’est Zoom project, avec pas mal de potes. J’ai écouté les démos du nouvel album, produit par Brian Eno. Il a un nouveau son, j’ai envie de le faire. Et il vient avec Maxime Delpierre de Limousine, Mick Jones, Rodolphe Burger, et même Eric Cantona dans les chœurs. On attend peut-être Brian Eno, c’est pas confirmé. Et ils joueront 80 % de nouveaux titres ».

Difficile de dégager une tendance, donc. « J’essaye de mélanger. Là, il y a peut-être une influence Cure, Depeche Mode ou l’ombre de Ian Curtis chez Von Pariahs ou O.Children. Normal, la musique est cyclique. Le vendredi tu pourras trouver un peu ça. Il y a aussi un côté vintage, chez Nick Waterhouse avec un son Memphis, Stax, Sunn, tu vois? ». Et puis, depuis quelques années, déja, un groupe plus psychédélique en fin de nuit, le samedi: « Oui, avec Avondale Airforce. J’aime bien terminer sur un truc un peu barré. J’avais fait Wooden Ships sur le même mode, ou Wolf People, l’année dernière. J’aime bien ça. C’est la bonne heure, ça pourrait pas jouer beaucoup plus tôt. J’essaye de les montrer au meilleur moment. Si t’es un peu rock tu peux passer toute la soirée au hall 3, le samedi ».

Alors, plus que cinq jours à attendre, en croisant les doigts. Quelquefois, il y a quelques mauvaises surprises. L’année dernière, Kourosh Yagmaei avait été annulé, suite à des pressions qu’il avait subies chez lui, en Iran. « Ça a été difficile, j’ai préféré ne pas insister ». O.Children, ça fait quelques années qu’il voulait les faire: « le chanteur d’origine africaine a des problèmes de passeport. On a du faire une lettre d’invitation pour le consulat anglais. Il est venu à Paris y a quelque temps, donc je pense que c’est bon ». Il devrait être là. Nous aussi, après une sélection quelque peu difficile. Et vous, rendez-vous au Parc Expo, dimanche matin, de bonne heure?