Premier concert de la saison au Centre Culturel du Pôle Sud à Chartres de Bretagne et non des moindres : c’est donc Lola Lafon qui ouvre le bal dans le cadre du Grand Soufflet. Chanteuse, femme de lettres, compositrice, elle a offert vendredi soir au public présent un concert tout en rage et en délicatesse.
Entre musique et littérature
Ce qui frappe tout d’abord, dès la première chanson, ce sont les textes, percutants, acérés, travaillés, d’une extrême richesse. Lola Lafon possède un sens de la formule indéniable. Ces phrases sont poétiques mais produisent en même temps un effet choc. En quelques mots savamment ajustés, elle décrit l’espoir mais aussi l’univers désabusé. Comme dans Une Vie de Voleuse, premier titre de ce set et chanson éponyme de son dernier album sorti en 2011.
Elle enchaine les chansons et les lectures de textes. Ces intermèdes textuels donnent un certain rythme au concert. Textes percutants, rageurs, rythmés, engagés. Comme cette jolie reprise de Smalltown Boy de Bronski Beat, annoncée par ces quelques mots : « Dans chaque ville, on laisse des gens sur le bas-côté… ». Ou comme Ana Livia, « l’histoire d’une folle » nous précise-t-elle après avoir lu un grinçant extrait du Pacte européen de la santé mentale. Ou comme cette jolie ritournelle intitulée Le Bilan de compétences, chanson de son premier album Grandir à l’envers de rien, sorti en 2006. Ou comme Voyager légère, chanson pour les filles, mais chanson beaucoup moins légère qu’il n’y parait qui évoque les vies de désirs défroissés…
Mots et émotions musicales
Les textes des chansons, forts et puissants, sont aussi portés par des musiciens brillants : un belge à la guitare et aux samples (Olivier Lambert), un serbe (Ivica Bogdanic) à l’accordéon, un français (Julien Rieu de Pey) à la basse.
Ils changent à tour de rôle d’instruments, oscillant entre electro-acoustique ou électrique. Parfois en duo (basse + guitare electro-acoustique par exemple ou basse + accordéon), souvent tous ensemble et les uns après les autres. Par petites touches ou pour une jolie montée en puissance sur Ana Livia. Parfois les musiciens se font créateurs de berceuse, en changeant le rythme, comme pour Soustraire.
Quand En panne s’achève tout doucement, sur les dernières vibrations de la basse et sur le dernier souffle de l’accordéon, le public aussi retient son souffle. Avec cette sensation infime que l’un répond à l’autre et tente dans un dernier sursaut de faire durer le moment. Comme si les notes et les mots étaient intrinsèquement liés.
L’accordéon, instrument phare du Grand Soufflet, apporte sa note valseuse sur Valzer per un amore, cruelle valse italienne ; ou sa note mélancolique sur Perdu(e) ou Décongèle tes rêves.
Et si les compositions alternent entre guitare folk rock, accordéon balkanique et samples plus contemporains, Lola mélange aussi les genres. Polyglotte, elle alterne les reprises de chansons traditionnelles roumaines comme Ploua, les chansons en italien, en anglais, en français ou en bulgare. Une bande-son oscillant entre chanson enjouée, comme aux Prochaines minutes, ou la chanson triste du 2è rappel, Ici l’ombre.
Avant même la dernière chanson, Lola se place vraiment pour nous parmi les grandes plumes de la chanson. Et cet hommage à Barbara, pour le compte d’un album de Jean Corti, cette reprise de Göttingen, finit de nous convaincre…
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