De temps en temps la musique peut devenir le reflet exact d’un moment de l’existence. Pour moi, les Ramones resteront intimement liés à mon année de terminale, ou plus exactement, ma 2ème année de terminale. Je venais de rater mon bac à tellement peu de points que tout le monde considérait que je l’avais fait exprès. Comme un malheur ne vient jamais seul, je vivais à ma manière la fin annoncée du disque vinyle. J’avais donc investi mes maigres économies dans un lecteur de disque CD et d’un seul disque, le « Loco Live » des Ramones. Il deviendrait au courant de l’année mon disque de chevet, ma bouée.
Les Ramones ne m’étaient pas vraiment inconnus. Pour mes 18 ans je m’étais offert un peu par hasard leur double live « It’s Alive ». Ce fut ma porte d’entrée, mais au delà de la musique, c’est surtout l’aspect visuel qui m’avait frappé. Des gus qui ne ressemblaient à rien, enfin si, ils se ressemblaient tous, mais à rien de connu, surtout pas à l’idée que je me faisais alors du Punk Rock :
Coupes Beatles longues à la « Rubber Soul », Perfecto, baskets blanches (enfin grises de crasse), jeans troués et T-Shirts sans manche. On était plutôt loin du Keupon mais beaucoup plus proche du Redneck fan de Heavy Metal.
La musique à l’opposé était du pur Punk Rock sur laquelle personne n’aurait pu redire quelque chose. C’était même l’archétype du genre : des chansons courtes, nerveuses, entrainantes qui déclenchaient une irrésistible envie de se déhancher. Musicalement les Ramones avaient opté pour la simplicité (je n’ai pas dit la facilité !!). Leur marque de fabrique, trois grands barrés saturés, joués en boucle et solo interdit ! Si la chanson dépasse les 2’30 on enlève un couplet. C’est aussi efficace que ça. Les textes sont une Ode aux affres adolescentes, où l’égocentrisme règne en maître. Le triptyque « Sexe/Drogue/Violence » y est une perpétuelle source d’inspiration.
La simplicité et la relative stupidité des textes pourraient être prétexte à sourire. Mais outre le côté potache, les Ramones se font l’écho d’une certaine Amérique que les élites blanches (WASP) voudraient bien gommer. Avec la chanson Pinhead, dédié au film « Freaks » les faux frères Ramones choisissent définitivement leur camp, celui des drogués, des loosers, de tous ces monstres qui ne cadrent pas avec l’idée du rêve américain. Mais, choisir ce camp, c’est renoncer ‘de facto’ au succès.
Malgré toutes leurs qualités, les Ramones, n’auront jamais la reconnaissance du grand public, de ce Hit, qui grâce à ses retombées, permet de lever un peu le pied. Ils seront obligés durant vingt longues années de tourner à travers le monde, juste pour vivre ou plutôt de survivre. Ça les épuisera. Le batteur sera régulièrement changé. D’abord, Tommy puis Marky, puis Richie et de nouveau un Marky sobre. Ensuite Dee Dee, l’âme musicale du groupe, tire sa révérence après la sortie de « Brain Drain », ses problèmes de drogues devenant ingérables pour les autres. Il sera remplacé par un Jeune CJ, tout frais sorti des Marines et qui apportera un peu de stabilité aux dernières années du groupe. En 1995, on diagnostique un lymphome au fragile Joey. C’est le coup de grâce, et le groupe se sépare l’année suivante après un immense concert d’adieu immortalisé sur le disque : We’re Outta Here! Puis en l’espace de 3 ans, les 3 protagonistes principaux du groupe disparaissent. D’abord Joey, très malade en 2001, puis Dee Dee d’une overdose et en 2004, c’est le tour du gardien de l’orthodoxie Ramones, le dur Johnny Ramone d’ être emporté d’un cancer foudroyant de la prostate .. One Two Three .. Four, La messe est dite.
Aujourd’hui il est de bon ton de se balader avec un T-Shirt à l’effigie des Ramones, mais il ne faut pas oublier l’influence extraordinaire qu’ils ont pu avoir. Il faut s’imaginer 3 types du Queens qui ont l’idée, saugrenue, de faire un groupe en hommage aux Beatles et aux groupes Garages des années 60 à une époque où le seul rock qui existe est « Progressif » !!! Le nom du groupe vient donc des Beatles (pseudonyme de Paul Mc Cartney à Hambourg) comme leurs coupes de cheveux. La musique sera aussi à l’opposé de la musique de leur époque, rapide et agressive. En 1976 quand sort leur premier album, il fait l’effet d’une bombe au sein de la scène punk embryonnaire de Londres. En quelques semaines, tous les groupes londoniens se mettent à jouer 2 fois plus vite. Joe Strummer des Clash dira qu’il a joué des semaines entières sur l’album car il était suffisamment simple pour ça. Quand les Ramones débarquent à Londres en 1976, c’est simple, tous les acteurs de la scène punk sont dans la salle et dans les coulisses c’est la cohue pour les approcher. Les Ramones n’en reviennent pas mais ils gardent la tête froide et l’esprit potache. Dans les anecdotes croustillantes, ils auraient offert à des Sex Pistols anormalement intimidés des bières coupées à l’urine!!!
Mais l’influence des Ramones a néanmoins largement dépassé le simple cadre de la scène punk. Par exemple, l’écrivain Stephen King voue un culte au groupe à qui il a demandé d’écrire un titre pour l’adaptation cinématographique de son roman Simetierre. Les Ramones sont particulièrement importants dans ce roman, surtout au moment choc où le bébé Gage Creed est écrasé par un camionneur alors qu’il écoute « Sheena Is A Punk Rocker ». Dee Dee écrira pour ses comparses « Pet Semetary » qui sera un de leur plus grand succès, et relancera un peu leur carrière. Peu à peu, les Ramones deviennent un élément incontournable de la culture populaire. C’est ainsi qu’on les retrouve aussi chantant « Happy Birthday » pour l’anniversaire de Monsieur Burns dans le dessin animé des Simpsons. Ceci n’est en aucune façon le fruit du hasard. Comme le dira Frank Black, l’imposant chanteur des Pixies, « Si un extra-terrestre me demandait de lui faire découvrir le Rock’&Roll, je lui ferais écouter les Ramones« . En effet dans leur musique il y a du Punk, de la Pop, du Girl’s Group, de la Soul, de la Surf musique, etc. à eux seuls, ils synthétisent 30 ans de musique populaire.
Dans notre contrée, leur influence est peut être plus discrète, mais présente. Les rennais auront surement noté que le bar « Mondo Bizarro », porte le nom de leur avant dernier opus (je ne compte pas l’album de reprise « Acid Eater » ). C’est aussi, ces jours ci qu’un collectif d’auteurs a décidé sous la houlette de Jean-Noël Levavasseur d’écrire un recueil de nouvelles inspiré des Ramones. L’idée, est de prendre l’ensemble des albums du groupe, lives inclus, et de s’en inspirer pour écrire un court texte. Le pari est réussi à plus d’un titre. Déjà, l’ensemble est remarquable de cohérence et les nouvelles s’avalent comme de la petite bière. Par le biais de la fiction, les auteurs peuvent éclairer un moment clé de la longue carrière des Ramones, illustrer un morceau ou alors mettre en perspective l’impact des Ramones sur leur époque et la vie de leurs contemporains. La nouvelle illustrant « Rock And Roll High School » m’a permis par exemple de me replonger dans mes années lycée où je refrénais une pyromanie latente. Parmi, les autres sommets de ce recueil, il y a l’hilarant « I Wanna Be Sedated » de Jean-Luc Manet qui fait partager au groupe son gout pour le fromage Français. On espère juste que le récit n’est pas autobiographique. Le « Rocket To Russia » de Pierre Mikaïloff est dans la même lignée et peut provoquer des crises de rires impromptues. A l’opposé, le « Adios Amigos » de Denis Flageul vous glace le sang comme pourrait le faire un bon Stephen King .. Bon je ne vais pas tout vous dévoiler non plus, mais ce livre est un must have pour les fans des Ramones car les auteurs connaissent suffisamment bien le sujet pour rester crédibles et toujours trouver le bon angle d’attaque. Et puis la cerise sur le gâteau, c’est que c’est bien écrit, c’est excitant et qu’on sent que les auteurs ont mouillé leur chemise …. tout comme une chanson des Ramones !!
Pour approfondir sur le sujet, le plus simple, c’est de faire une immersion totale dans leur dense discographie (14 albums studio), en bouquinant le bouquin de Dee Dee, « Mort aux Ramones ». Pour ceux qui veulent se simplifier la tache, ils se rueront sur les trois premiers opus du groupe, la crème de la crème du Punk Rock, les tables d’évangiles. Dans la foulée, il serait dommage de rater le suivant, le live « It’s Alive », capté, le 31 décembre 1977 au Rainbow à Londres. C’est en quelque sorte, le Best-Of survitaminé du groupe. Une alternative est le « Loco Live » de 1992 qui couvre juste une période plus longue.
Passé ce cap, il faudra attaquer les années 80 avec « Too Tough To Die », leur album le plus Hardcore et puis le suivant « Animal Boy » dans lesquels on retrouve les vrais Ramones des débuts. « End Of The Century » produit par Phil Spector est une curiosité sur laquelle il faudra certainement s’attarder. Enfin pour finir, je pourrais proposer chronologiquement, « Brain Drain », le dernier avec Dee Dee, dans lequel on trouve « Pet Semetary » et surtout une sublime reprise du « Palisade Park » de Freddy « Boum Boum » Cannon. Puis pour conclure, pourquoi ne pas finir sur « Adios Amigos » sur lequel le jeune CJ Ramones, semble prendre les rênes et ré-injecte un peu de son énergie sur ses frères ainés.
C’est le fameux label Rhino qui a en charge la réédition du catalogue Ramones (jusqu’a « Brain Drain »). Leurs rééditions sont superbes et la remasterisation rend enfin hommage au groupe. Ceux qui ont pu avoir les premières version CD vont enfin comprendre ce que le son Ramones veut dire….. So Let’s Go !!
La bande son de l’article : http://youtu.be/Tt6uDYIL1X8
« Par exemple, l’écrivain Stephen King voue un culte au groupe à qui il a demandé d’écrire un titre pour l’adaptation cinématographique de son roman Simetierre. »
C’est tellement vrai que Stephen King a écrit une introduction au CD « We’re a happy family : a tribute to ramones » : http://en.wikipedia.org/wiki/We%27re_a_Happy_Family:_A_Tribute_to_Ramones
Bah, c’est pas compliqué : pour une fois qu’un groupe est devenu culte, et pas à cause de leur look… En clair, le génie pur.