Tombées de la Nuit : Güz II, acoustique et électrique

Güz II acoustique

On a découvert Güz II au Tremplin des Jeunes Charrues Pays de Rennes mi-avril, et on avait été agréablement surpris : leur mélange de jazz, de rock, de musique de film, de musiques traditionnelles est assez déroutant mais, au final, captivant. Avec une association tout aussi déroutante d’instruments, saxophone baryton et tom pour Fabien, violon, mandoline et batterie pour Benjamin, et guitare, banjo et Korg pour J.B. Avant de se produire à Carhaix sur la scène des Jeunes Charrues la semaine prochaine, ils étaient présents aux Tombées de la Nuit pour 5 représentations dont l’une électrique, dans une formule identique à celle de l’Antipode il y a 2 mois.

Mercredi après-midi, sous un soleil inespéré, on découvre le trio dans la version acoustique originelle. Ils nous ont confié lors d’une interview (ici) qu’ils étaient ravis de se produire à nouveau en acoustique après une longue prériode de travail électrique. Devant quelques spectateurs, J.B. lance une petite ritournelle sur son Bontempi amplifié à l’aide d’un mégaphone, puis Benjamin attaque le set avec les premières notes de Koechel au violon. Le duo de voix de J.B. et Benjamin oscille entre douceur et énergie.

Güz II - J.B.

Dès le morceau suivant, on se rend compte du vécu d’artistes de rue, quand on voit l’aisance des musiciens avec le public, ceux-ci allant à la rencontre des premiers rangs dans une proximité pleine d’humour. Et le public ne s’y trompe pas, car la curiosité qui grossit les rangs des spectateurs se transforme progressivement en écoute attentive.

Ils théâtralisent beaucoup plus mais sans jamais tomber dans le surjeu : ce jeu est notamment renforcé par le parti-pris de ne pas parler pendant le concert, ce qui n’est pas chose aisée, mais qu’ils réussissent à faire avec un naturel désarmant. L’économie de moyens (pas d’amplis) fait que le set est rempli de petites trouvailles qui génèrent une énergie rock surprenante : J.B. utilise un mégaphone pour sonoriser son Bontempi, Benjamin fait de son cajon une véritable batterie (avec l’entrainante accélération rythmique sur Fähbbe III), et Fabien utilise toute la palette qu’offre son saxophone baryton (avec entre autres les petits claquements qui renforcent le côté rythmique de Fähbbe II). Il y a aussi le duo des voix de J.B. et Benjamin qui joue beaucoup sur les nuances d’intensité, avec un chant qui devient cri sur Drakar, pour finir tout en retenue.

Et puis il y a surtout des arrangements subtils qui utilisent au maximum les possibilités de la formule. Les instruments peuvent jouer alternativement la rythmique ou la mélodie, comme sur la reprise tirée du Clan des Siciliens : Benjamin utilise son violon en picking pour assurer la rythmique pendant que le sax et la contrebassine jouent la mélodie. Puis J.B. prend le relais rythmique au banjo pour laisser le violon sur la mélodie. Et le tout sans que le morceau ne perde un seul instant en fluidité et en intensité. Il y a une maîtrise technique évidente mais toujours au service des compositions.

Güz II - Fabien

Et celles-ci, en plus d’être un savant mélange d’influences riches et variées, sont souvent de vrais morceaux rock : il y a des passages plus jazz, des incurssions de musiques traditionnelles, mais la plupart des titres possèdent des ruptures et des montées en puissance redoutables d’efficacité. Bon, pour être honnête, on aurait souhaité quelques morceaux en rappel, mais les spectacles s’enchaînent et un timing serré met fin au concert.

Mais la frustration est de courte durée puisque le lendemain, on a le droit à une double ration électrique des mêmes Güz II, dans la magnifique Baraque-Scooter. Ce stand accueillait il y a près d’un siècle des auto-tamponneuses et a été entièrement restauré pour le festival, avec cette particularité de posséder un parquet très « rythmique », puisque l’on ressent les moindres mouvements de danse du public. De ravissants lampions colorés éclairent le plafond de cette originale salle de concert, posée dans le Carré Duguesclin du parc du Thabor.

Nous arrivons à la fin du concert de Monofocus, qui remplace au pied levé Mesparrow. Le trio envoie un bon gros son blues urbain, avec bidouilles électro et basses jouées alternativement au tuba et à la guitare basse. C’est très entrainant, le parquet remue joyeusement, et le trio nous laisse sur un dernier titre le mur de la mort. Une prestation qu’on regrette de n’avoir pas vue dans son intégralité et qui mérite d’y jeter une oreille plus qu’attentive. Petit interlude rétro avec Radio Barka, et voici le trio Güz II qui entre sur scène, dans une version électrique cette fois-ci.

Les deux versions se sont forcément nourries l’une de l’autre ; l’expérience de la musique de rue doit notamment faciliter la gestion des concerts, car le groupe ne cille pas lorsqu’un spectateur aviné les interpelle au début du set (car le mec bourré en concert, non seulement te crie dans les esgourdes, mais se sent aussi obligé de signifier visuellement sa présence…). On aurait pu se hasarder dans un comparatif entre version électrique et version acoustique, mais on abandonne rapidement l’idée : le concert qui nous est proposé, bien que basé sur certains morceaux communs avec la version acoustique, est complètement différent.

Güz II - Shirley Von Mc Bill

Tout d’abord par la présence inédite de l’artiste transformiste Shirley Von Mc Bill, qui apparaît dès le premier morceau, Koechel, dans une longue robe. Elle se produit sur 4 titres du set et on peut dire que sa présence ajoute une vraie dimension à ces morceaux. Le trio a travaillé avec l’artiste lors d’une récente résidence à l’Antipode, résidence proposée dans le cadre des Jeunes Charrues. Elle avait déjà accompagné le groupe lors de prestations aux Champs Libres et à l’Elabo notamment. Ses interventions, très théâtralisées, sont complètement en phase avec la musique de Güz II. En phase avec le thème du morceau sur The Ecstasy of Gold de Morricone, où elle apparaît sur scène en cow-girl titubante pour finir dans le public à la fin du titre. En phase aussi avec les compositions, surtout sur l’inquiétant et angoissant Comon 1, où son personnage prend les rythmes du saxophone de Fabien comme autant d’électrochocs qui la font reculer.

Güz II - Benjamin

Sa présence rajoute un plus indéniable dans la prestation du groupe, mais on peut constater que les musiciens ont fait de gros progrès au niveau de la mise en scène et du placement. Ils nous ont confié qu’ils avaient essentiellement travaillé cet aspect là lors de la résidence à l’Antipode, pour essayer de  retrouver sur scène l’aisance théâtrale qu’ils ont dans la rue. Et la progression est frappante par rapport à leur récent passage sur la scène du Tremplin il y a près de 3 mois. Il y a notamment le défi que se lancent Fabien et J.B. par regards interposés pendant le solo de violon sur Fähbbe II, mais aussi les rapprochements très « second degré » entre Benjamin et J.B. Et chacun d’entre eux se rapproche du public en bord de scène dans des soli qui, visuellement, renforcent le côté rock du groupe.

Et c’est cet aspect rock qui nous a le plus marqué, peut-être parce que nous avions découvert la veille la version acoustique. Sur scène, leur définition de trio orchestral de rock prend tout son sens. Orchestral parce qu’ils jouent à fond la carte multi-instrumentistes avec une énergie de furieux : J.B. alterne guitare et Korg, Fabien délaisse son saxo pour un tom sur JB 32, et Benjamin se fend même d’un accompagnement à la mandoline, après avoir jonglé entre violon et batterie (passer de l’un à l’autre est suffisamment original et physique pour être souligné !). Il y a de grosses montées en puissance sur certains morceaux, comme sur Fähbbe III qui finit dans un déluge sonore avec saxophone, guitare saturée et batterie. Et que dire de Duodenum, une petite bombinette aux accents de surf music, qui finit en punk-rock déjanté.

Güz II électrique

Alors le groupe nous propose aussi Brrr qui nous avait déstabilisé à l’Antipode avec ses dissonances rythmiques, mais qui finalement reste cohérent avec le set. Et c’est pour mieux nous ramener sur des contrées musicales moins âpres avec Fähbbe 2 et le très dansant System Fight en rappel. Et puis toujours ce joli duo de voix qui amène une véritable richesse symphonique aux morceaux. Le duo se fait même trio à la fin du magnifique Safina (mention spéciale pour le jeu délicat de percussion sur amphore, qui amène un côté beaucoup plus doux à ce titre. Une vraie réussite).

Une grosse heure de concert, aucun temps mort et un public resté nombreux pour un set qui s’est déjà clairement bonifié, notamment dans la mise en scène. Et quand on sait que cette version électrique n’a qu’une petite année d’existence, on imagine le potentiel de ce trio…

Il faut se rendre à l’évidence, on s’est fait une fois de plus envoûter par ce groupe qu’on ne peut définitivement pas caser dans un genre musical défini. Un trio talentueux à découvrir sur scène en version électrique, ou dans la rue en version acoustique.

Myspace de Güz II

Photos : Solène

Et deux diaporama-photo des deux projets du trio…

Güz II en acoustique :

et Güz II en électrique :

1 commentaires sur “Tombées de la Nuit : Güz II, acoustique et électrique

  1. Shirley Van Mac Beal

    Bonjour et tout d’abord merci pour cet article. J’y vois une belle lecture de cette collaboration avec Guz II. L’article me plait tellement que j’aimerai vous demander l’autorisation de l’utiliser pour mes dossiers de presse. Et comme je suis une grosse gourmande, j’aimerai également vous demander s’il serait possible de profiter de vos photos qui sont splendides! Encore merci en tous les cas pour cette critique! Amicalement, Shirley.

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