Ce dimanche 2 février l’indispensable équipe de l’Antipode MJC nous invite à prendre le thé (ou le café, ou toute boisson houblonnée de votre choix) avec l’une des plus grandes dames du rock américain, entendez rien de moins que l’essentielle et incontournable Shannon Wright (et pourtant malheureusement trop contournée, se dit-on). Du thé, des gâteaux, du café, des chansons arrache-coeur et des prestations incandescentes : l’Instant Thé risque une nouvelle fois de tenir toutes ses promesses. Immanquable.
L’instant thé : un après-midi gourmand pour mélomanes
Depuis plusieurs années, l’Antipode MJC aime expérimenter de nouvelles formes d’accueil et d’interaction avec le public. Fondus du concept et nouveaux curieux se retrouvent ainsi quelques dimanches par an pour L’Instant Thé, après-midi gourmand et convivial autour de gâteaux, de thés et de concerts.
Conçu pour aller à la rencontre de tous les publics et permettre aux familles de sortir ensemble le dimanche après-midi, l’Instant Thé n’est pourtant pas qu’une chouette idée permettant de passer un dimanche pluvieux dans une ambiance chaleureuse et sucrée. C’est aussi un temps à part où la programmation musicale se fait feutrée, d’une délicatesse parfois vertigineuse ou profite de ces heures libres pour offrir un temps à part à des artistes habités. Ainsi, depuis 2011, Dark Dark Dark, Agnès Obel, Mirel Wagner, Dillon, Thee Stranded Horses, Ramona Cordova, Matt Elliott ou Faustine Seilman (excusez du peu…) se sont succédé dans des effluves chocolatées et caféïnées régalant tout autant nos oreilles que nos papilles. Se permettant même parfois des bouleversements d’âmes qui ont transformé la tristesse légendaire des dimanches en délicate euphorie, voire en renversement au delà du raisonnable (oui, Matt Elliott). Et il risque bien d’en être de même pour l’essentielle Shannon Wright, qui nous a maintes et maintes fois bouleversés en live.
Toujours, même.
On ne mentira pas, cette fille-là, on l’aime d’amour. Parce qu’elle nous a centrifugé cœur et estomac tout ensemble à chacune de ses prestations ou sorties discographiques. Après la livraison du dernier album en date, le sublime In Film Sound, brûlot abrasif qui nous a saigné le cœur à blanc en mars dernier, Shannon Wright a enchaîné sur une tournée en Europe au printemps, puis à l’automne, vagabondant autour de Rennes sans malheureusement s’y arrêter. On a eu la chance de l’y entendre sur quelques dates intenses (Paris, Nantes, Bordeaux puis plus tard St Nazaire, Brest ou Laval) qui nous ont laissées bien souvent secoués et exsangues. Le concert de Laval nous aura d’ailleurs achevés, lessivés, bouleversés.
Fort heureusement, pour son retour hivernal en Europe, la musicienne commence son périple à Rennes (avant de poursuivre une tournée solo en France, puis en duo avec Sacha Tilotta -de Three Second Kiss- à la batterie en Italie) permettant aux Rennais d’enfin la retrouver sur scène.
Car Shannon en live, c’est une tornade. A l’intégrité et à la sincérité qui vous font mal au ventre mais vous libèrent en même temps. Sur scène, le visage souvent dissimulé derrière ses cheveux, Shannon Wright se cache. Mais se donne, et donne, entière. Sans filet, possédée. Ses déflagrations sonores vous mettent de terribles claques dont vous peinez à vous relever. Vous pensez enfin arriver à vous rétablir ? Peine perdue, le morceau suivant vous renvoie directement dans les cordes…
Immanquable, on vous l’a dit. Alors petite piqûre de rappel pour ceux qui ne la connaîtraient pas… En 1998, l’Américaine saborde son groupe, Crowsdell, et part, seule, avec sa guitare comme unique bien. De là naîtront les fragiles et troublants Flighsafety et Maps of Tacit (1999 et 2000), puis plus tard, le rêche et sublime Dyed in the Wool (2001). Une vraie claque déjà. De ces disques qu’on écoute en boucle pendant des jours, sans rien vouloir écouter d’autre. Tout ça grâce au très bon label bordelais Vicious Circle qui vient alors de signer la sortie de l’album dans l’Hexagone. La France a aussi la chance de la découvrir en live, en première partie de Calexico lors de prestations intenses. Shannon est écorchée et passionnée, elle ne laisse personne indifférent. On l’a dit. Plus qu’une claque : une tornade. Nous, on n’y comprend rien. Pendant des jours, voire des semaines entières, on se repasse un même morceau en boucle, découvert sur un sampler d’Abus Dangereux. On vient d’être grillé par la foudre. On attendra avec une fébrilité alors inconnue la sortie de l’album en France. Dyed in the wool, teint dans la laine, imprimé au plus profond de nos épidermes, déjà.
En 2004, Shannon Wright retrouve Steve Albini pour son album (alors) le plus rock et le plus rêche, Over The Sun. Cet album change des vies. La nôtre, encore. Tumulte de guitares électriques, voix poussées à l’extrême. C’est un disque abrasif. Shannon y manie la guitare « comme une serpe » disent les gars de Vicious. Et puis il y a le piano. Ces morceaux doux en apparence qui vous poignardent tout aussi fort. Suivra un disque avec Yann Tiersen qui la fera connaître davantage (écoutez par ici ce que nous a dit Yann Tiersen de cette rencontre qui l’a plus qu’inspiré).
Puis contre toute attente, Shannon revient en 2007, avec Let in the Light, un album apaisé, sans pour autant être rangé. On l’imagine plus heureuse, moins à vif, mais on la sait toujours aussi exigeante. Shannon ne lâche rien. Elle n’a rien à faire des clichés, des modes, des étiquettes. Elle reste sur le fil tendu. Intègre. L’album suivant, Honeybee Girls, sorti en septembre 2009, alterne les assauts frontaux, les climats orageux et les moments plus paisibles… Mais méfiez-vous de l’eau qui dort. Sous ce calme apparent, les cassures apparaissent. Et les morceaux au piano se révèlent tout aussi ravageurs, tout comme cette incursion très rare dans la discographie de l’Américaine, dans les terres électroniques sur un morceau glaçant et bouleversant, Father.
On pensait attendre plus longtemps avant la sortie d’un nouvel opus. Et puis Secret Blood est arrivé début novembre 2010. Une entrée en matière sur les chapeaux de roue, un brûlot hardcore (l’énorme Fractured qui prend toute sa puissance en live ou ce Commoner’s Saint à se damner), des ballades renversantes et encore des mélodies qui livrent progressivement leurs secrets.
La sortie d‘In film Sound au printemps 2013 a encore enfoncé le clou. On ne pensait (naïvement) pas que Shannon pouvait aller encore plus loin. En 9 titres désormais essentiels, elle livre un album à la densité qui vous percute l’âme, vous ouvre la poitrine et perfore vos poumons. Explosions rêches, riffs qui transpercent, propulsés par une rythmique à la puissance nucléaire ou accalmies poignantes et déchirantes (oui, Who’s sorry now ? ou Bleed juste après) In Film Sound déchaîne les corps et libère les âmes. Ce dernier album a d’ailleurs d’ores et déjà rejoint la liste des disques qui feront date dans la carrière de l’Américaine. Des disques qui feront date dans nos vies.
[A retrouver également en interview en 2013 ici et en 2010 là.]
Douglas Dare
Le très prometteur Britannique Douglas Dare ouvrira l’après-midi. Claviers, voix magnétique et envoûtante (sur un des titres de son premier ep Seven Hours, le sublime Lungfull on a même pensé à Nona Marie Invie de Dark Dark Dark), le Londonien, rejeton du Dorset et d’un père prof de piano, fait déjà figure de jeune prodige. On ne connaît de lui que les 4 titres du ep (mais on l’écoute plus que régulièrement sans s’en lasser depuis sa découverte). Pourtant on meurt déjà d’envie de découvrir l’univers de ce jeune musicien aux émotions à fleur de peau, de voix. L’Antipode MJC parlait de sillons partagés avec James Blake ou Rufus Wainwright, et effectivement, il y a un peu de ces parentés dans la musique du Britannique. Une sorte de lyrisme délicat et habité. Qui pourrait bien cueillir avec surprise les spectateurs à l’heure du thé. Tradition anglaise oblige.
Photos Shannon Wright live : Caro
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L’Antipode MJC présente L’instant thé avec Shannon Wright et Douglas Dare en concert le dimanche 2 février à l’Antipode MJC à partir de 16h30 (2, rue André Trasbot – Rennes).
A noter pour ceux qui veulent sortir en famille, c’est possible ! Animation et encadrement gratuit pour les enfants à partir de 3 ans.
Tarifs : Sortir ! : 4€ / Membres et enfants à partir de 12 ans : 10€ / Location : 13€ / Sur Place : 16€