[critique] The Revenant

Au début du XIXème siècle, un trappeur survit à une attaque de grizzli dans le Nord du Nouveau monde. The Revenant part de ce fait réel pour en faire un faux western contemplatif, les pieds dans la boue et l’âme dans les cieux. Après la promiscuité de Birdman, Iñarritu pose ses personnages dans une nature agressive où l’homme doit renoncer à la civilisation pour s’en sortir. 

[of course, spoiler inside]

Afficher l'image d'origineMan vs Wild vs Malick

Le film s’ouvre sur une chasse aux cerfs, où Hugh Glass et son fils, Hawk, s’isolent du groupe pour chasser en famille. Elle fera écho à une autre scène, bien plus tard, où Hugh croisera des cerfs mais n’aura pas d’arme pour les abattre. Hawk est issu d’un métissage entre une femme indienne et un homme européen. Le personnage ne sera que peu développé par la suite, faisant figure de personnage sacrifié – au propre comme au figuré. Le son préfigure l’image et le bois craquelle pour annoncer une attaque indienne sur le campement de trappeurs. Ce qui frappe d’emblée, c’est le travail remarquable du chef opérateur, Emmanuel Lubeski. En effet, l’équipe tournait entre 13h et 15h, chaque jour. Ce défi technique offre un splendide rendu sur l’écran. Emmanuel Lubeski a tourné à plusieurs reprises avec Terrence Malick et on retrouve ce goût pour la lumière du soleil, brillant sur le visage des personnages. Cependant, Iñarritu n’arrive jamais à donner corps aux images contemplatives et semble calquer la beauté formelle des films de Malick en y retirant la signification. A de nombreuses reprises, le film déroule des séquences oniriques où Hugh Glass revit la mort de sa femme tuée par des colons européens. Si celles-ci servent à développer le personnage de DiCaprio, les séquences purement abstraites comme celle du crash d’une météorite dans un fleuve sont superflues voire ridicules. Comme avec Malick, Iñárritu ne retient que l’imagerie de Tarkovski qu’il cite (pour ne pas dire plagie).

Toujours revenir

Une idée intéressante de The Revenant est contenue dans son titre. En effet, Hugh Glass va revenir plusieurs fois dans le film. Sa première expérience avec la mort est la plus impressionnante. Il se fait attaquer par un grizzly défendant ses petits. L’idée que le grizzly soit une femelle est intéressante puisque les deux personnages font corps lors du plan-séquence. L’ourse lui tranche la gorge, ce qui n’est pas anodin puisque cette action permet à l’ourse de parfaire son attaque et de donner à l’humain un caractère animal. A partir de ce moment, le personnage de Leonardo Di Caprio se déplace à l’horizontal et en grommelant. Il subit une seconde mort lorsque le personnage de Tom Hardy l’abandonne et l’enterre dans un trou. Là, il devient véritablement un mort-vivant et son action n’est plus que vengeresse, ôtée de toute conscience morale. On peut noter une bascule dans le récit puisque le motif de l’intrigue devient la vengeance mâtinée de survie. De plus, Iñárritu ne s‘intéresse plus qu’à Léonardo DiCaprio qu’il filme avec complaisance lors des scènes dignes de Man vs Wild. Pour prouver que Leonardo DiCaprio mérite l’oscar, il bave, bouffe un poisson cru et les organes d’un buffle, vomit, puis bave de nouveau. Cette logique performative pollue la dernière partie du récit qui s’éternise pour mieux filmer les deux acteurs, Leonardo DiCaprio et Tom Hardy. Tom Hardy s’améliore au fil du temps, Bronson et Mad Max : Fury Road sont deux jalons importants de sa carrière et son jeu animal sied à son personnage. Il est le double obscur de Hugh Glass, celui qui est attiré par l’argent et non-inquiet de la survie du groupe. Il va pousser Hugh Glass à devenir comme lui et à s’abandonner aux instincts les plus primaires.

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Tranché à vif

Les deux personnages qui s’affrontent à la fin ont tous les deux été en contact avec des Indiens. Le personnage de Tom Hardy a été partiellement scalpé, ces séquelles physiques sont le reflet de la haine à l’encontre des Indiens. Le personnage de Leonardo DiCaprio, quant à lui, a vécu aux côtés des Indiens, ce qui explique la facilité qu’il a à entrer en contact avec eux, que ce soit par les gestes ou par la parole. A la fin du récit, lorsque Hugh Glass combat, il s’exprime en indien et dit : « la vengeance est entre les mains de Dieu, pas les miennes ». Soit, l’homme transfère la responsabilité mais cela ne dit rien sur la condition d’un individu face à la perte d’un être cher. En effet, depuis la première attaque du grizzly, Glass est déshumanisé et son rapport aux autres est simplement évoqué par des rêveries oniriques. D’où l’inconsistance du personnage et le non-intérêt que représentent les séquences contemplatives qui n’ont pas d’emprises réelles avec le personnage.

Leonardo DiCaprio aura probablement l’oscar et le film en remportera plusieurs puisque la logique performative, écrasante, semble être un gage de qualité dans l’industrie hollywoodienne. The Revenant est un film problématique dans le sens où il voit plus grand que son sujet et se complaît dans une idée puérile du cinéma qui consiste à en montrer beaucoup pour en dire peu. Pour autant, il a le mérite de montrer le talent d’Emmanuel Lubeski qui est l’un des chefs opérateurs les plus brillants à l’heure actuelle.

4 commentaires sur “[critique] The Revenant

  1. Lucie Sailor

    On n’a pas vu le même film. Humanisation/Déshumanisation, les blancs sont les sauvages, quelques rituels indiens évoqués comme la tente et ses fumigations d’herbes médicinales sont lumineux… L’homme doit renoncer à la civilisation pour s’en sortir dites vous, sauf qu’en 1800 il n’y avait rien dans la « grande Louisiane » du nord (le Dakota) – Juste des hordes sauvages de blancs qui tuaient pour toujours plus d’argent.

  2. Lucie Sailor

    Vous entendez Glass « grommeler » quand moi je l’entends « murmurer » ou « haleter »

  3. Clément Simon

    Bonjour Lucie,
    En 1820, il y avait plusieurs tribus indiennes non-touchées par la conquête des Européens. Le commerce a poussé les blancs à s’aventurer en Amérique du Nord. Pour autant, lorsque j’utilise le terme de « civilisation », il fait référence à toute forme de civilisation qu’elle soit indienne ou européenne puisque Glass a connu les deux. Il se retrouve seul et comme un animal après l’attaque du grizzli. « Grommeler » me semble le bon mot puisqu’il contient sa rage dans sa mâchoire puisque des paroles distinctes ne réchappent pas de sa bouche.
    Bien à vous,
    Clément

  4. Fix

    Bienvenue par ici Clément.

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