Ouvert le 25 février dernier par les militants de Droits Au Logement, le squat du 280 rue de Fougères accueillait alors 80 demandeurs d’asile. Les bâtiments désormais trop étroits pour les habitants, ce sont des tentes qui abritent les nouvelles familles. Si la Préfecture assure régulièrement qu’elle va reloger les résidents, les militants du DAL, eux, ne croient plus guère en ses promesses.
Sur les pelouses bordant le parking des anciens locaux de la Direction départementale de l’agriculture et de la forêt, un petit camping de fortune abrite de nouveaux demandeurs d’asile venus se réfugier au 280, rue de Fougères. Car on parle bien de refuge face aux dangers que réservent l’errance dans la rue : « Quand les gens arrivent, ils sont stressés, ça se voit à leur regard, explique Michel Guérin, trésorier du DAL 35. Mais ici, ils éprouvent un sentiment de sécurité et au bout de quelques jours, on les sent déjà plus détendus. » Désormais, ils sont parfois jusqu’à 140 à y vivre : les pièces du bâtiment sont toutes occupées, quelques caravanes et des Algécos (baraques en préfabriqué de chantier) et désormais les tentes accueillent les nouveaux arrivants. A l’entrée du site, des tentes ont été montées par des familles dans l’urgence. « Là, il y a deux familles arméniennes, confirme Michel Guérin. L’une à quatre gosses, l’autre deux. C’était dans l’urgence qu’on a dû les héberger. »
Expulsion du squat refusée par la Cour européenne ?
Et que font les pouvoirs publics devant l’aggravation des conditions de vie des occupants du 280 ? « Ça stagne, plaisanterait presque Michel Guérin. Un fonctionnaire des renseignements généraux passe tous les jours, il prend des photos parfois, en fait il fait le lien avec la Préfecture. » On se souvient que dès le 1er mars, soit quelques jours après l’ouverture du squat, le Préfet avait demandé à la justice l’autorisation de faire expulser le squat. Autorisation aussitôt accordée par le Président du Tribunal de Grande Instance de Rennes (Cf. photo de l’ordonnance d’autorisation d’expulsion ci contre). Le 7 mars, la Préfecture justifiait cette demande via un communiqué de presse : « Cette occupation de locaux administratifs, non adaptés pour l’accueil de personnes, a conduit la Préfecture à solliciter une décision de justice, l’autorisant à procéder à l’expulsion. » Mais la Cour européenne des droits de l’homme, saisie par Mélanie Le Verger, avocate du DAL, ne l’entendait pas de cette oreille : « J’ai saisi la Cour européenne en procédure d’urgence. Ne pas loger les demandeurs d’asile relève du traitement inhumain. La Cour européenne a décidé de donner suite. Le gouvernement doit désormais se justifier de sa politique de non-accueil des demandeurs d’asile », expliquait Mélanie Le Verger.
Ensuite, rien n’a vraiment changé. Une vingtaine de familles a bien été relogée mais avec la fin de la trêve des expulsions pendant la période hivernale, chaque jour une famille arrive au squat. « On a vraiment du mal à croire la Préfecture lorsqu’elle nous affirme qu’elle va reloger des familles alors que quarante-huit demandeurs d’asile du squat rue Postel, fermé en fin d’année dernière, attendent encore de partir en Centre d’Accueil », souligne Michel Guérin.
Les pauvres parmi les pauvres
Et pourtant, les situations dramatiques se comptent par dizaine chez les résidents du squat. Au-delà du drame humain vécu par des parents obligés de faire dormir leurs enfants dans une voiture ou à la rue, des gens ont aussi été torturés dans leur pays, des femmes ont été violées et certains malades souffrent de pathologies chroniques comme le paludisme. Et puis, il y a des pauvres parmi les pauvres : « On a reçu des Somaliens qui ont traversé l’Afrique et qui sont arrivés en France avec pas même 20 centimes d’euros en poche, ils n’avaient que leurs habits sur eux. Vous imaginez l’exploit ? ». On peut toujours aller plus bas dans la misère, philosopherait-on, si n’était la réalité.
Mais au 280 de la rue de Fougères, la vie s’organise tout de même. La solidarité fonctionne aussi : des dons arrivent de l’extérieur et l’entraide entre les résidents se développe. Une solidarité malgré la barrière des nationalités et des langues. Le terrain derrière le bâtiment va être transformé en jardin pour récolter des légumes, une partie sera transformée en jeux pour les enfants. « Les enfants sont inscrits à l’école, explique Armelle Bounya, militante du DAL et de Réseau Education Sans Frontières. Mais parfois le 115 envoie leur famille dans un logement loin de Rennes et ils doivent faire des heures de car pour aller à l’école. » On peut toujours aller plus loin dans l’absurdité.
Devant la difficulté du quotidien, les membres du DAL présents sur place s’étonneraient même de ne pas voir plus de problèmes psychologiques chez les résidents. « Une dame Arménienne, qui est scientifique dans son pays et dont le mari est prisonnier politique, m’a confié qu’elle n’en pouvait plus mais qu’elle tenait juste pour ses enfants », note Armelle Bounya.
Devant la difficulté de ce quotidien, les pouvoirs publics et les élus ne semblent plus tellement s’étonner, eux.
Si vous voulez aider le DAL, n’hésitez pas à apporter des tentes, de gros ustensiles de cuisine, des réchauds à gaz au 280, rue de Fougères.