Les premiers habitent rue de l’Alma et ils doivent quitter leur maison l’été prochain. La seconde vit à côté du Canal Saint-Martin et n’envisage absolument pas de quitter son chez elle. Le troisième refuse de partir de sa petite maison près du boulevard Villeroy-Mareuil et se retrouve entouré par les nouveaux immeubles. Portraits de trois Rennais qui subissent la reconstruction de la ville.
Rue de l’Alma
Monsieur et madame Massot habitent au 85, rue de l’Alma depuis presque un demi-siècle. Louis a 82 ans, Marie 80 ans. Une petite maison mais un grand jardin dont la majeure partie est un potager, presque en centre-ville, proche des commerces. Depuis deux ans, ils attendent que la mairie leur trouve une autre maison. Les élus de la ville les ont prévenus : « Ils nous ont dit que de toute façon on sera exproprié, on ne passera pas à côté », sourit tristement Louis. Sa femme ne veut pas trop se montrer, elle reste dans la maison pendant que son mari fait visiter le jardin. « On ne nous dit rien, on est dans le néant, on doit nous proposer quelque chose depuis deux ans déjà et on doit quitter notre maison cette année. » Les résistants les plus âgés de la rue de l’Alma ne se font plus d’illusions, leur seule attente est qu’on leur propose quelque chose en échange de la maison où ils ont toujours vécu. Quelque chose de bien.
Prairies Saint-Martin
Au milieu des jardins ouvriers, non loin du Canal Saint-Martin, quelques petites maisons s’élèvent paisiblement. Elles portent toutes le même numéro, celui du Bon Accueil, un bar-galerie d’art qui se trouve à quelques centaines de mètres, au 74, canal Saint-Martin. La dernière à être habitée est celle d’Amélie Roussel. On lui a demandé de quitter les lieux. Cette fringante petite femme de 85 ans en rigolerait presque : « On est des anciens et pour la mairie, on est bon à aller à la maison de retraite. » Amélie vit dans sa maison depuis 1955 et elle n’est vraiment pas décidée à partir : « Il ne faut pas se laisser faire et d’ailleurs je n’ai jamais vu personne, aucun élu n’est venu m’expliquer ce qu’ils allaient faire ! » Amélie est soutenue par ses enfants, par des amis et garde un immense sourire qui en dit long sur sa détermination.
Boulevard Villeroy-Mareuil
Aux abords du boulevard Villeroy-Mareuil, non loin du cimetière de l’Est, une maison au fond d’un jardin ressemblerait presque à un petit village gaulois au milieu de l’envahisseur immobilier. Bernard Loret est né en 1943 et vit dans la maison qu’il a rachetée à ses parents depuis 1960. « Quand j’ai appris que j’allais devoir quitter les lieux, ça m’a rendu malade », explique-t-il. Des immeubles d’une vingtaine de mètres de haut commencent à entourer sa maison, contre laquelle des préfabriqués de chantier s’élèvent déjà au dessus du toit, des camions passent, un bruit de travaux incessant, bienvenue au milieu de nulle part. « Dès qu’il fait beau, j’ai des amis qui viennent de Jeanne d’Arc ou du Blosne pour profiter de mon jardin parce qu’ils dépriment dans leur appartement et on veut me faire partir. » Bernard Loret a vu parfois des élus mais il ne leur fait plus guère confiance : « Ils disent une chose et font le contraire. La seule chose qu’ils ont faite c’est fermer les commerces. Tous les commerces ont fermé ici, c’est pour obliger les vieux habitants comme moi à partir. » Lui aussi attend de savoir ce que lui réserve l’avenir mais il ne se fait plus d’illusion : les belles années passées dans sa maison sont désormais des souvenirs.