Ça y est, vous êtes bien rentrés dans le festival ? Prêts à fourbir vos armes pour la seconde journée (ou la troisième nuit, selon votre attrait pour les apéritifs) de la Route du Rock ? Entre vieilles gloires toujours alertes (et bouleversantes) et nouveaux héros déjantés et dansants, revue en détail de la programmation de ce vendredi 15 août. (Et petit conseil d’ami, ce soir venez en bottes…)
Vous le savez, la Route du Rock, ce n’est pas qu’un lieu et qu’une seule scène. Depuis longtemps déjà, le festival malouin commence sous le soleil (ou les embruns) de la cité corsaire les pieds sur le sable pour se poursuivre dès 18h00 dans l’enceinte du Fort St Père à quelques kilomètres de là. Là, les festivaliers peuvent déambuler entre deux scènes, la scène des Remparts (la plus petite) et la scène du Fort (la plus grande). Et comme la Route du Rock fait bien les choses, les concerts s’enchaînent les uns après les autres pour vous laisser le temps de tout voir et ne pas vous obliger à faire des choix cornéliens. Alors quelle programmation pour ce vendredi 15 août ?
La scène du Fort St Père jusqu’à minuit
Ce vendredi, c’est bel et bien la tête d’affiche qui risque bien d’en faire chavirer plus d’un. Lorsqu’on cherchait avec Christophe (Brault) un groupe dont la « reformation » serait aussi intéressante qu’à ses débuts, nous sommes tombés d’accord sur le trio de Bristol (et autant vous le dire, sur le sujet des reformations/retours, Christophe est intraitable).
Portishead est un groupe passionnant, qui si vous étiez déjà jeune dans les années 90, vous filait déjà des frissons d’excitation aussi cafardeuse que suspendue. La faute à Beth Gibbons dont la voix vous transporte autant qu’elle vous cloue sur place, grande dame à la classe bien souvent inégalée et dont la présence scénique et le charisme tout en humilité vous submergent de bout en bout de chacune de ses apparitions. La faute aussi au magicien tête chercheuse Geoff Barrow qui derrière ses machines est parvenu à créer des morceaux de soul glaciale, mélange de hip hop, de symphonies synthétiques et organiques. La faute enfin aux guitares distordues d’Adrian Utley, tout aussi passionné par les expérimentations soniques que son compère Geoff. Trois albums studio, Dummy (1994), Portishead (1997) et Third (2008) et un live (Portishead in NYC – 1998) ont suffi à faire de Portishead l’un des groupes les plus intemporels des nineties (vous pouvez ré-écouter les vieux albums, ils n’ont pas pris une ride). Mais ce qu’on apprécie particulièrement avec Portishead, c’est que les musiciens ont vraiment attendu d’avoir de nouvelles choses à dire et à écrire pour retrouver les chemins du studio en trio… A l’inverse de certains de leurs confrères, pourrait-on dire. Third, sorti en 2008 est un grand disque (ré-écoutez Silence très fort) dont les morceaux, comme ceux de leurs précédents albums, sont gravés dans nos inconscients et nos épidermes. Vivement.
Scène du Fort à 22h40
Autre figure du début des nineties, Slowdive prendra le Fort le même soir. Le groupe de pop noisy qui aimait noyer ses mélodies dans des vagues de reverb n’a pas publié de nouvelles chansons depuis les années 90 et devrait donc allégrement piocher ce vendredi soir dans ces trois albums sortis entre 1991 et 1995 (Just for a Day puis Souvlaki produit par le sieur Eno en personne et enfin Pygmalion) et ce pour le plus grand plaisir de ses fans. Shoegaze délicat et mélodique, la musique du groupe britannique avait pourtant peiné à s’attirer à l’époque de ses sorties, la reconnaissance d’une grande frange de la critique musicale. Pourtant, les années passant, nombre d’artistes ont clamé l’influence qu’avaient pu avoir les compositions de Slowdive sur leurs propres univers. Au hasard, dans les plus récents, on pense à la dream pop cotonneuse de Beach House par exemple. Une chouette madeleine nineties pour les plus vieux d’entre nous, une découverte ouatée qui pourrait faire mouche chez les plus jeunes.
Scène du Fort à 21h10
Pour ouvrir sur la scène du Fort le vendredi, on retrouvera également l’incandescente Anna Calvi et on en est plus que ravi. La Britannique au sang latin a sorti en fin d’année dernière un second album, One Breath, qui n’a fait que confirmer que la jeune femme n’est pas de ces feux de pacotille monté en épingle par une presse musicale avide de nouvelles PJ Harvey fantasmées. Mais a au contraire imposé la musicienne comme de celles qui construisent de vrais albums, denses et parfaitement équilibrés. Sur ce deuxième essai, la jeune femme fait preuve d’une obsession des détails et des arrangements tout aussi maniaque que sur le précédent (Anna Calvi -2011 – sur lequel au lieu de faire appel à un orchestre symphonique, elle a joué l’une après l’autre seule, chacune des trente-deux parties de violon), avec planqués au détour d’un pont ou d’un refrain, des déflagrations de guitares crades, des envolées symphoniques inattendues ou des percussions aux sonorités africaines. Les structures sont éclatées, triturées, étirées, mais retombent toujours sur leurs pattes, avec une grâce féline, bâtissant toujours plus en profondeur l’univers lyrique sombre et romantique de la jeune femme. Son ep de reprises sorties cette année (dont un Strange Weather en duo avec David Byrne à tomber – et on ne parle pas du Bowie-sque Lady Grinning Soul) confirment en outre les talents d’interprétation plutôt hors normes de la musicienne. Et quand on sait que sur scène, la timide demoiselle transforme ses prestations en secousses telluriques, remuant tout ensemble le feu et la glace, on devrait bien commencer la soirée.
Scène du Fort à 19h20
Sous les Remparts
Pas la plage mais pour rythmer non seulement l’arrivée des festivaliers mais aussi les petits coups de mous de la soirée, ce sont 3 groupes qui se donneront le tour sur la scène des Remparts.
Après les Fat White Family de la veille, ce sont d’autres Londoniens (d’adoption cette fois), qui prendront la scène, mais ceux-ci davantage biberonnés aux nineties qu’aux seventies punk. A l’écoute des Cheatahs, impossible en effet de ne pas sentir sa frange immédiatement attirée par le bout de ses chaussures. Des mélodies planquées dans un brouillard de guitares shoegaze, des voix noyées dans la reverb’, Cheatahs rappelle sans peine les riches heures de My Bloody Valentine ou le Wagon de Dinosaur Jr. Sûrement rien de nouveau sous les projecteurs, mais les Cheatahs le font bien et avec un remarquable instinct mélodique. Alors ne boudons pas notre plaisir.
Scène des Remparts à 18h30
Les Protomartyr viennent pour leur part de Detroit, mais ont sûrement moins écouté Derrick May et consorts (ou même les Stooges et le MC5) que les Anglais champions des ambiances sombres de la Factory circa 80’s. Après un premier album No Passion, All Technique, Protomartyr signe cette année un nouvel opus (Under Color of Official Right) de pop-rock/post-punk aux guitares grasses et à la voix grave et décharnée. On les retrouvera également sur la scène des Remparts le vendredi 15 août.
Scène des Remparts à 20h25
Pour finir, c’est le trio canadien Metz qui mettra le feu aux poudres pour danser et pogoter jusqu’au bout de la nuit. Les drôles de dézingués devraient en effet une nouvelle fois envoyer le public de la Route du Rock se faire centrifuger à coups de déflagrations furieuses et bruitistes. Post hardcore refoulant du goulot, à l’ascétisme brutal la musique du trio risque de vous faire mal aux os. Guitares écumant la rage et les déchirures au tympan, rythmiques basse-batterie lourdes comme un pavé dans ta face, Metz ne lâche rien. Mais vous hache menu-menu. On a hâte.
Scène des Remparts à 00h05
La nuit sur le Dance-Fort
François Floret l’avait dit après les difficultés de 2012, la Route du Rock se devait d’avoir une « programmation sexy » pour les fins de soirée afin de faire revenir les jeunes pour danser jusqu’au bout de la nuit. Un groupe ou un dj set électro en fin de soirée, ce n’est pas pourtant pas une nouveauté à la Route du Rock, mais cette année, les 5 artistes ou groupes choisis devraient rallier le plus grand nombre. Et surtout nous faire danser jusqu’aux dernières (ou quasi) heures de la nuit…
Pour le vendredi donc ? C’est aux Allemands de Moderat qu’incombera la tâche de secouer la torpeur du Fort St Père en fin de nuit (fort à parier qu’avant eux, les Liars auront également bien fait le boulot !). Formé de deux machines de guerre des nuits berlinoises du début des années 2000, aka Modeselektor (oui, vous vous rappelez certainement de Dancing Box ou 2000007 avec TTC ou The White Flash avec le sieur Thom Yorke) et Apparat (les excellents Walls ou Orchestra of Bubbles avec la taulière de Bpitch Ellen Allien), les trois gredins ont réussi à produire dès leur premier album (Apparat, 2009) une électro qui contentait tout autant fans hardcore du genre que néophytes, une électro plutôt exigeante qui se permettait une facilité d’accès à toutes les oreilles. Avec la sortie de II (2013) Apparat a une nouvelle fois fomenté plusieurs titres souvent classieux (II, 2013) – entrecoupés il est vrai de titres plus rnb qui nous heurtent un tant soit peu l’oreille. Mais si la production est parfois un peu trop aseptisée à notre goût et ce dubstep plus blafard que râclant les âmes, on ne boude pas notre plaisir, notamment sur les belles envolées techno-electronica que peut nous offrir le très progressif Milk.
Scène du Fort à 02h45
Très attendu par notre équipe : le trio américain Liars. On ne sait pas trop si on doit mettre les musiciens du côté dancefloor ou rock, puisque le dernier album en date Mess, nous catapulte sur la piste à coups de claviers et de basses bien grasses, les bras en l’air, le nez et les pieds dans la boue pour notre plus grand plaisir. Alors qu’à ses débuts, Liars était vu comme le chantre d’un rock déstructurant punk et no wave.
Son premier opus paru il y a treize ans déjà, en 2001, avec un titre à rallonge They threw us all in a trench and stuck a monument on top, annonçait déjà un certain jusque-boutisme : guitares acérées et furieuses, voix possédée primitive qui scande les paroles, textures électroniques habitées (craquements, sonorités étranges)… Avant de poursuivre dans une veine tout aussi tendue mais encore plus oppressante sur leur second opus : They were wrong, so we drowned (2004). Avec Drum’s not dead en 2006, Liars affirme à nouveau la pertinence de ses compositions noise avant-gardistes. Sur l’album suivant, éponyme (2007), Liars veut écrire des chansons. S’intéresser à la mélodie. L’album y gagne en accessibilité. Mais attention, ne tombe pas pour autant dans la facilité. « Plaster Cast Everything » , le premier titre rappelle très vite que Liars n’est pas là pour faire de la tapisserie ou du macramé. L’étoffe de héros, ça se tricote à la sueur, avec des cordes de guitares bien tendues et des poings (de chemin) de croix. Guitares agressives, folie furieuse et schizophrénie restent présentes, même si certains titres ont la finesse mélodique des meilleures chansons pop. En 2010, Liars est revenu avec Sisterworld, plus accessible, certes, peut-être plus mélodique, si l’on peut dire. Mais encore sombre, tendu et tordu. Même si cuivres, cordes, ou lenteur de certains morceaux apparaissent alors inédits. C’est avec WIXIW que Liars plonge de manière plus radicale dans les sonorités électroniques se réinventant une nouvelle fois avec brio. Pourtant, pour Mess, le groupe souhaite revenir à plus d’immédiateté, à quelque chose de plus « primal » . Naissent ainsi onze titres qui lessivent tout sur leur passage à coups de synthés bien gras et de rythmiques concassées. Sur scène, Liars est possédé. La Route du Rock les avait déjà vus pour un concert teinté d’apocalypse noise et arty. Angus semblait immense, dégingandé et habité sur la scène du Fort Saint Père. La prestation nous avait laissé exsangues. On vous (se) souhaite la même chose pour cette nouvelle édition.
Scène du Fort à 01h00
Eux aussi au Fort, les djs des Magnetic Friends auront également une nouvelle fois en charge de réchauffer l’ambiance entre les concerts.
Et sur la plage ?
Si vous êtes plutôt lève-tôt (et oui, 14h30, c’est plutôt tôt en langage festivalier), vous pourrez commencer la journée par une petite découverte musicale sur la plage Bon-Secours avec des dj sets mettant en avant trois labels français indépendants dès 14h30, puis dès 16h, poursuivre avec le live d’un artiste issu de leur catalogue. Le vendredi c’est Chambre 404 qui sera à l’honneur.
Après le dj set du label, vous pourrez piquer une tête en compagnie d’Aquaserge quitte à rencontrer de drôles de chimères sous les eaux de St Malo. Héritiers directs de la scène prog-rock de Canterbury, et d’autres dérangés magnifiques (l’Art Ensemble de Chicago en tête, mais aussi Serge Gainsbourg ou Zappa bien sûr et on en passe), ses membres ont un temps servi de backing band à l’esthète pop Bertrand Burgalat, mais ont également été vus autour d’April March, Tame Impala, Stereolab, Acid Mothers Temple… En 10 ans (quasi) et 4 albums derrière eux, dont le dernier en date A l’amitié est sorti cette année, Aquaserge a prouvé qu’il était possible de mélanger pop, jazz, prog, free ou kraut avec goût et talent. De sacrés bonshommes.
Sur la Plage Bon Secours à 16h00
La conférence de Christophe Brault
Si vous détestez les grains de sable qui grattent entre les orteils, vous aurez tout de même une belle alternative dans les fauteuils moelleux du Théâtre Chateaubriand le vendredi dès 14h avec Christophe Brault, qu’on ne présente plus ici (ancien disquaire de l’institution Rennes Musique et chargé de cours à l’université Rennes 2 en musicologie, désormais conférencier bondissant et passionnant et également star de l’émission Music Machine sur nos pages diffusée sur RCR) qui se chargera de retracer en deux heures (ça ne va pas être facile) l’histoire du rock psychédélique. Entre LSD, couleurs chatoyantes, contre-culture, velléités hippies et on en passe, Christophe dressera un panorama de son âge d’or aux États-Unis et en Angleterre entre 65 et 68 aux groupes les plus récents (au hasard Tame Impala ou les Temples programmés cette année). Ça devrait une nouvelle fois être passionnant.
Au théâtre Chateaubriand de St Malo à 14h00
Retrouvez tous nos articles sur La Route du Rock, avant, pendant et après le festival ici.
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La Route du Rock Collection Eté 2014 du mercredi 13 août au samedi 16 août.
Plus d’1fos : http://www.laroutedurock.com/