Une phrase. Une seule phrase de 55 pages. Pas de paragraphes. Une phrase pour dire une mort, et un peu une vie aussi, quand même.
Comme on a lu la quatrième de couverture, on sait que Laurent Mauvignier est parti d’un fait divers qui a eu lieu à Lyon en décembre 2009.
Donc il y a vraiment eu un type qui est mort sous les coups de 4 vigiles, dans la réserve d’un supermarché, après avoir bu une bière dans les rayons. Ça ne fait pas un polar. Ça fait ce texte. 55 pages donc. Qui rappellent ce passage dans Ulysse. Un flot.
En fait le narrateur s’adresse au frère du mec tué. Il lui raconte ce qui s’est passé. Il lui remémore ce qu’ils ont vécu. Il lui parle des parents. Des quatre tarés. De ce qu’ils ont peut-être ressenti. Surtout de ce que lui, le grand frère, a sans doute ressenti.
« et tant pis s’ils n’ont rien entendu quand le procureur a dit qu’on ne tue pas un homme pour ça »
Ce que j’appelle oubli
Laurent Mauvignier
Les éditions de Minuit
55 p, 7 €
Dans Stabat Mater, il y a des phrases, des points, des majuscules. Il y a même des paragraphes. Il n’y a pas de chapitre. Il y a des dialogues. Cécilia parle avec sa mort, et s’adresse dans ses lettres à sa mère. Elle ne la connait pas.
Cécilia a été abandonnée à l’hospice de la Pièta. Elle est élevée par des soeurs. Sa vie est consacrée à Dieu, et à la musique. La nuit, elle ne dort pas. Depuis qu’elle est toute petite elle va toujours au même endroit, sans être vue, dans l’obscurité.
A 4 ou 5 ans, elle découvre que l’on peut avoir une mère, en assistant à un accouchement dans des toilettes. Confusion entre excréments et enfants.
Cécilia joue du violon.Le père Antonio vient remplacer le vieillard qui faisaient jouer les jeunes filles pour la bonne société vénitienne. Il repère la surdouée.
Tiziano Scarpa a cru bon d’ajouter une note à la fin du livre pour dire son amour du compositeur des 4 saisons. Ce n’est pas ce qu’on retiendra de son roman.
Ce qu’on retiendra c’est cette forme qui nous permet de voir Cécila grandir, espérer, désespérer, étouffer, partir.
« L’Hospice se charge de faire de moi une personne à part entière, et je préfère être la fille de ma mère. »
« Dans l’instrument, il n’y a pas d’enfant mort, mais il y a des arbres abattus et découpés, il y a des animaux qu’on a égorgés pour prélever leurs viscères, les faire sécher, les tordre et les tendre. Des caisses d’harmonie et des cordes. Dans mon violon, il y a la voix des forêts assassinées et des animaux mis à mort. Nous jouons les funérailles de la nature, nous étreignons son cadavre. »
Stabat Mater
Tiziano Scarpa
Christian Bourgeois Editeur
142 p, 14 €
Des phrases, des paragraphes et même des chapitres. Rien de plus.
« Tous les trois ». On se dit que c’est 2+1. Erreur. C’est 4-1.
Il est papa de deux enfants, un garçon et une fille, trois et quatre ans. Leur maman meurt dans un accident de voiture. Il doit s’occuper de ses petits. Il doit devenir le seul parent en se démerdant avec son deuil. Bien entendu il est sans doute plus facile à une mère de s’occuper des tâches d’un père que l’inverse.
Dans ce roman il n’y a pas que Jean et Louise qui sont fragiles. Mme Viviane est la voisine agoraphobe. Elle sortira pour eux.
Maw est l’ami réfugié angolais. La soeur du papa sert de baby-sitter. On croise les parents, les beaux-parents, pour peu de temps.
Fragile cette écriture. Maladroite parfois. N’est-ce pas ce qui fait partie de ce qui nous touche dans la vie ? C’est le premier roman de Gaël Brunet. Breton. On s’en fout mais certains des paysages d’évasion sont plutôt connu par ici.
Pas facile de s’échapper, ou de laisser s’échapper plutôt. Ses oisillons. Ses pleurs.
Un soir le saxophone joue jusqu’à l’épuisement.
« A eux deux, mes enfants sont, à la fois, ma raison d’être et l’objet de toutes mes craintes. Un trésor en même temps que mon épée de Damoclès. Toujours là, pointée sur le haut de mon crâne. Prête à tout détruire.
Pour eux, j’invente des mots qui n’existent pas. Crée de nouvelles couleurs. Dessine ce que doit être la vie désormais. Les pousse sur le chemin. Bien au milieu. Commence à leur faire entendre d’éviter les bords pour aller le plus loin possible. »
Pour tous ceux qui sont parents. Ceux qui le deviendront. Ceux qui en ont eu.
Tous les trois
Gaël Brunet
Le Rouergue, La Brune
171 p, 16 €