On a vu à Mettre en scène 2010 : l’univers de Hiroaki Umeda

Trois performances, trois propositions pour un même univers visuel et sonore à l’esthétique minimaliste et radicale. Hiroaki Umeda, chorégraphe japonais multi-facettes, a plongé le public rennais du Triangle dans une expérience sonore et visuelle assez étonnante.

Adapting for Distorsion
Chorégraphe, interprète, performer, vidéaste, on ne sait pas trop où situer Hiroaki Umeda. Cette première pièce donne le ton : véritable épreuve sonore et visuelle. L’œil est déstabilisé par ces rayons lumineux verticaux et horizontaux digne d’un oscilloscope ; l’oreille est agressée par une musique aux sonorités aigües, étranges, violentes, ressemblant parfois fort à des acouphènes. Le public est malmené mais complètement envoûté par ces effets.

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Comme le dit très justement une enfant parmi le public, « on se croirait dans un ordinateur ». Tron n’est pas loin effectivement… Comme un dialogue entre l’homme et la machine, où l’homme devient étrangement un objet, non plus sur 3 plans, mais sur deux plans.
Le danseur en combinaison blanche se transforme parfois en ninja noir, la lumière et les effets d’optique se jouant de cette bichromie. Et puis,  l’art de la cinétique trouble nos rétines et on verrait presque de la couleur… Les lignes s’opposent aux formes notamment dans la troisième partie quand Umeda privilégie les mouvements de hip-hop aux formes plus arrondies. La vision dans l’espace est également déformée : tantôt la forme du danseur semble s’étirer, tantôt elle rétrécit. Expérience oppressante mais très enrichissante pour l’œil ! A vous de juger…

2. Repulsion
Cette pièce fut conçue et présentée lors du festival Suresnes cités danse, festival original qui depuis 18 ans offre au public des performances alliant danse contemporaine, arts visuels et mouvements urbains du hip hop.  Pièce de groupe pour trois danseurs, 2. Repulsion constitue le deuxième opus d’un projet chorégraphique de 10 pièces.

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Trois danseurs prennent place sur scène, s’emparent de la gestuelle d’Hiroaki et la soumettent à leur propre technique. Ils sont là, plantés sur scène, bougeant très peu. L’énergie est concentrée sur le buste et les bras. Entre mouvements saccadés, souplesse et immobilité, on assiste à une démonstration de locking version épurée. [NDLR : Le locking (du verbe lock, verrouiller) est régi par un principe de décomposition des mouvements et d’ «arrêt sur image». La rapidité d’exécution est une des difficultés de cette danse, habitée par la syncope, qui semble rouler, se figer puis rebondir sur la musique.]

La fluidité des danseurs de hip-hop s’oppose à cette musique percutante et dérangeante et ces jeux de lumière hypnotiques. Et même si chaque danseur a des mouvements différents, l’impression de désordre chorégraphique n’existe pas. Yvener Guillaume, Kevin Mischel et Sofiane Tiey, les trois danseurs, évoluent tels des pantins désarticulés, mais sans jamais se toucher ou se rapprocher. Comme si une force les en empêchait et on les sent se débattre contre cette répulsion. Pour s’en libérer fort heureusement dans les dernières minutes et nous offrir trois solos de break-dance époustouflants.

Recentré sur la danse et sur les énergies mises en jeu, Hiroaki Umeda tire des interprètes le meilleur de leur discipline, chacun s’exprimant différemment. Les poncifs de la danse hip-hop sont évacués magistralement et le chorégraphe sublime l’énergie des danseurs à travers une mise en scène épurée laissant toute la place au mouvement.

Haptic
Dans ce solo créé en 2008, l’artiste délaisse l’informatique et la vidéo projection pour privilégier la lumière et plus particulièrement explorer le champ de la couleur.

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La danse, minimaliste et épurée, puise dans les mouvements du hip-hop mais Hiroaki Umeda y apporte sa patte. Tantôt froids épurés, les gestes peuvent se faire violents et rapides. Le danseur a d’ailleurs un jeu de jambes à faire pâlir Elvis Presley…
Les couleurs, très présentes dans ce solo, véhiculent les stimuli physiologiques – rouge/colère, bleu/apaisement – pour mieux les détourner.

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L’épisode de stromboscope géant accompagné de basses prononcées plonge le public dans des sensations puissantes : étourdissement de la rétine et vibrations du corps dûes aux basses. La couleur n’accompagne pas seulement les mouvements de la danse, elle en est le squelette.

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Claque visuelle et sonore donc pour cette performance chorégraphique. On ne ressort pas indemne du Triangle après une telle expérience. La danse placée là au cœur de la matière électronique et numérique pousse le public dans ses retranchements. Hiroaki Umeda, artiste protéiforme de la danse et de la création multimédia, nous fait entrer dans un univers à la fois doux et violent, déconcertant et fascinant. Et on en redemande…

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