Tibère est empereur romain, Ponce Pilate est préfet et Hérode est tétrarque de Galilée. Accessoirement, il a pris la place de son frère dans le lit conjugal à sa mort. Salomé revient de Rome, elle prend connaissance du nouveau tableau, famille recomposée où l’oncle a pris la place du père. Elle retrouve aussi un ami d’enfance, en quête de justice, la révolution en étendard face au tétrarque et éperdument amoureux d’elle. Et enfin, il y a ce Jean, le baptiseur, que la foule a fait prophète, qui crie haut l’indécence de ce mariage, consommé dans les draps de l’homicide, selon le texte de Jean-François Sivadier …
La scène a lieu dans le palais d’Hérode en rénovation (ou en ruine on ne sait !), il y a des fuites au plafond, des mares d’eau sur le sol partiellement pavé, des échafaudages de chantier, des gravas qui glissent le long des colonnes quand la grogne au dehors fait trembler les murs.
On connaît la suite, la fascination d’Hérode Antipas pour sa belle-fille, la danse le soir de l’anniversaire du tétrarque, la tête sur un plateau d’argent, ici on utilise un sac poubelle : c’est plus pratique et ça laisse moins de tâches sur le parquet.
Mais évidemment cela ne suffit pas au théâtre de Jean-François Sivadier. Alors mêlé au récit historico-biblique en partie inspiré de la Salomé de Wilde, on croise un ange annonciateur qui oublie son annonce et qui souhaiterait devenir humain, une troupe de théâtre qui prépare un spectacle pour la soirée d’anniversaire et un Ponce Pilate dont le prologue raisonne avec l’actualité d’une incroyable manière!
Ce spectacle est une ode au théâtre, non pas au théâtre avec un grand « T » dont l’unicité n’a d’existence que pour les regards étriqués, mais une ode au théâtre pluriel, à ses multiples facettes, comme un voyage à travers ses différentes formes. Un théâtre lyrique parfois, physique à coup sûr, émouvant, parce qu’on n’a pu résister à la rage du révolté ; la farce y joint sa fantaisie, la bouffonnerie n’est pas loin, le quiproquo met terme au tour du propriétaire, on ne pouvait l’oublier.
Bien sur on retrouve tous les ingrédients de ce qui fait le succès des spectacles de Sivadier : rien de vraiment neuf sur le plateau ; quelques flottements aussi parce que la reprise n’est pas si loin, mais l’énergie est là, le plaisir des comédiens, la liberté aussi, l’honnêteté, une jolie ambiance de troupe…
Donc on se régale, on ne peut résister à la libre réécriture des scènes des artisans (du Songe d’une nuit d’été), à la version fantaisiste de la mort de César, et à toutes les petites respirations qui font la marque de ce spectacle. La salle rit beaucoup, tantôt de bon cœur, parfois avec le petit pincement que certains qualifient de jaune, des fois avec tendresse, mais toujours avec le sentiment que la facilité n’est pas de mise, toujours avec cette petite vibration dans le ventre qui crie au ravissement.