Lors du festival Mythos, nous avons eu le plaisir de pouvoir interviewer Daniel Darc quelques heures avant son concert à L’Antipode. Tour à tour rockeur, crooner ou poète, Daniel Darc a une classe folle sur scène. Rencontre avec un artiste adorable, sensible et plein d’humour.
La carrière de Daniel Darc n’est pas un long fleuve tranquille. Entre 1978 et 1986, il y a eu l’aventure Taxi Girl. Très influencé par la déferlante punk, Daniel Darc provoque, choque, séduit : le succès arrive rapidement, mais avec lui les excès. Rongé par les addictions, le groupe se sépare en 1986. Daniel se lance alors rapidement dans l’aventure solo, sous la direction de Jacno dans un premier temps (Sous Influence Divine en 1987), puis en collaboration avec Bill Pritchard (Parce Que en 1988). S’en suit une longue traversée du désert, entrecoupée par un album plus abouti (Nijinsky en 1994), et quelques tentatives d’écriture (des nouvelles mais aussi quelques critiques rock).
Paradoxalement, peu de temps après la sortie d’une compilation sur Pias en 2003, Daniel Darc voit enfin la sortie du tunnel avec sa collaboration avec Frédéric Lo : c’est le magnifique Crève Coeur, véritable miracle musical pour un artiste qui a réussi à lutter contre ses démons. Un album qui révèle enfin à sa juste valeur les talents de paroliers de Daniel. Et ce grâce à l’aide de Frédéric, compositeur mais aussi réalisateur et producteur du disque. Un deuxième album, fruit de cette collaboration, paraît en 2007, Amours Suprêmes, en référence à l’un des titres de Coltrane.
Lors du festival Mythos, Daniel Darc est venu nous présenter son tout dernier album à l’Antipode, La Taille de Mon Ame. Changement de compositeur avec Laurent Marimbert à la barre, mais toujours cette même poésie touchante et sensible, sur des mélodies simples mais délicieusement accrocheuses. Des titres drôles et touchants à la fois (C’était Mieux Avant), des compos très rock (My Baby Left Me), des ritournelles entêtantes (C’est Moi le Printemps). Tour à tour rockeur, crooner ou poète, il faut se rendre à l’évidence : Daniel Darc a une classe folle sur scène. Et cette magnifique valse, La Taille de Mon Ame, symbolise à elle seule le talent poétique de ce parolier d’exception. Nous avons eu le plaisir de lui poser quelques questions avant son concert, l’occasion pour nous d’en savoir un peu plus sur sa manière d’écrire, mais aussi sur ses futurs projets. Interview d’un artiste adorable, sensible et plein d’humour.
Photos : Solène
Alter1fo : Si tu devais te présenter en 3 mots, que dirais-tu ?
Daniel Darc : Rock, beat, punk.
Le festival Mythos, ce sont les Arts de la Parole, L’Antipode, c’est la scène des Musiques Actuelles, et on trouve que ton univers relie bien ces deux éléments. Dans ton travail avec Laurent Marimbert, qu’est-ce qui arrivait en premier, les mots ou la musique ?
Ca a changé. Quand on s’est rencontré, il m’a fait écouter des musiques. Et puis on a rapidement appris à se reconnaître, c’est vite devenu une relation sincère. Quand j’arrivais en studio, le micro était branché en permanence, et j’improvisais. Sur My Baby Left Me par exemple, je suis arrivé un jour et j’ai fait vingt minutes ou peut-être un peu plus. J’ai improvisé, il n’y a rien d’écrit sur cette chanson, et puis Laurent a coupé et en a fait une chanson de 4 minutes. Plus ça allait et plus c’était improvisé. Je vais retravailler avec Laurent pour le prochain album, et je crois qu’on va en partie retravailler comme ça.
On a bien aimé les petites variations. Qui a eu l’idée ?
Franchement, je ne sais pas si c’est lui ou moi. On en a parlé dès le départ, parce que que nos références communes étaient plus des films que des disques. Lui appelait ça des interludes, moi des variations. J’ai juste demandé à Jean-François le violoncelliste de faire la septième variation pour violoncelle de Bach, qui effectivement n’existe pas. Il me l’a faite et on l’a mise à la fin de Ana. Comme c’était enregistré en permanence, j’ai laissé Laurent faire, il a mis ces variations là. Il m’a demandé ce que j’en pensais, j’ai dis ok !
Tu parlais justement du cinéma, on trouve qu’il y a pas mal de références cinématographiques, les Enfants du Paradis sur la Taille de mon Ame, il y a un petit pont musical à la flûte traversière sur My Baby Left Me qui fait très polar des années 70. Est-ce que ça t’intéresserait d’écrire des scénarios ou des dialogues pour le cinéma ?
J’aimerais bien, mais je ne sais pas si j’en suis capable. Dialogues, je pense que je pourrais.
Et une BO de film ?
Ah oui, j’adorerais ça ! Ca fait des années que je rêve de ça.
Au niveau de la composition de ton set, tu vas nous présenter des titres de La Taille de Mon Ame, ou bien tu vas piocher dans les albums précédents ?
On a tous répété énormément de chansons. La moitié, c’est le nouvel album, et le reste est varié, il y a même des trucs de Taxi Girl. Ca dépend des jours, on change souvent.
Au niveau du groupe, tu joues parfois en version groupe, parfois avec piano et violoncelle ?
Oui, on a deux formules… avec ou sans dessert (rires). En ce moment, on préfère tous la version groupe. Mais ça nous arrive de jouer juste Jean-François (Assy) au violoncelle, Kalim au piano (aka Rémi Bousseau), flûte traversière, et puis moi, voix et harmonica de temps en temps. J’aimais bien à trois, j’aime toujours d’ailleurs, parce que les gens ont plus les textes dans la gueule. Mais là je trouve que le groupe sonne vraiment bien et on a envie de continuer comme ça en ce moment.
Tu as écrit pour pas mal d’artistes, Tchéky Karyo, Cali, Buzy, Thierry Amiel, etc… Est-ce que c’est quelque chose que tu as encore envie de faire ?
Oui ! Là j’ai écrit pour Berry, il y a un single qui doit bientôt sortir. J’aime bien écrire, surtout pour les femmes. Il y a aussi d’autres projets, mais je ne dis rien pour le moment (rires).
On sait que tu as écrit des nouvelles, tu as aussi fait des chroniques musicales. Dans tes chansons tu parles de toi, tu ne serais pas tenté par l’autobiographie ?
C’est justement en train de se faire avec un mec qui s’appelle Bertrand Dicale. On écrit à deux mais on le fait un petit peu à l’envers. La plupart du temps, l’autobiographie porte sur un mec qui balance ses souvenirs, et c’est écrit par un autre. Alors que là, Bertrand Dicale a rencontré ma mère, mes potes, des gens qui ont vécu des choses avec moi. Il rédige tout ça et moi je réécris. C’est un petit peu à l’envers de ce qui se passe d’habitude parce que je veux que ça ait mon style, mais c’est écrit à deux.
Le fait d’écrire des nouvelles et des chansons, ça n’est pas le même rythme, comment fais-tu ?
C’est vrai. Mais tu sais, j’ai fait très peu de nouvelles. J’en écris de temps en temps pour moi, qui sortiront peut-être d’ailleurs. Mais le roman, j’ai laissé tombé complètement. Ce sont surtout les chansons : sur l’ensemble de ma vie, j’ai dû écrire dix ou douze nouvelles à tout casser, c’est rien.
Il y a une poésie dans tes textes, les poèmes ?
Non, non. Je n’aime pas la poésie rimée. Je ne sais même pas ce que ça veut dire la poésie, je ne sais pas ce que c’est.
Plus des recueils de textes, je pensais au Tour de mon Ame, les textes que tu écris sur ta tournée.
Ah oui ! Mais je suis un branleur : il faut vraiment me faire chier pour que j’écrive, je ne suis pas fier de ça (rires). C’est Sagan qui disait : « si seulement je travaillais ». C’est pareil pour moi, si seulement je travaillais ! Je suis prétentieux, je crois que ça serait bien, mais je ne travaille pas (rires).
On aime beaucoup la pochette du disque. Est-ce que ça a un lien avec ta croyance, ou bien plutôt, sans blasphémer, avec Bad Lieutenant ?
Ah merci ! C’est exactement ça ! Pour moi et Julien Lachaussée qui a fait la pochette, on a pensé à ça tout de suite. On passait devant une église, on a pensé à ce truc là et on est rentré.
Si tu devais citer trois albums qui te sont indispensables ?
Oh, rien d’indispensable pour moi (rires). Elvis Presley, les Sun Sessions. Le premier New York Dolls. Et Raw Power des Stooges ou London Calling des Clash.
Après avoir traversé le rock depuis plus de trente ans, est-ce que tu as toujours le trac ?
Oui, bien sûr ! Déjà je ne vomis plus avant, quoique l’autre fois, j’ai eu un retour, ça faisait longtemps… Je ne vomis plus avant, d’ailleurs, je vomis après, mais ça c’est uniquement quand j’ai trop bu (rires). J’ai vraiment peur : faut pas m’emmerder avant le concert, venez me voir après, mais pas avant (rires) !
Merci beaucoup !
Merci beaucoup à vous !
Un grand merci à Amélia et à toute l’équipe de L’Antipode pour nous avoir permis de réaliser cette interview.
Superbes photos de Daniel !! Daniel dans Les dernières années , les dernières apparitions il avait l’air si fragile , il était pourtant si fort … il faisait déborder mon cœur de tendresse , il était sublime dans sa forme de déchéance , et c’est la que je l’ai aimé si fort