Écouter des ballons jouer de la flûte, voir du métal danser, partir explorer une forêt immergée sous l’eau dans un cratère, voici quelques-unes des propositions du festival Maintenant qui aura lieu du 6 au 9 octobre prochains. Petite présentation de la programmation qui nous met d’ores et déjà l’eau à la bouche. Est-il besoin de vous dire qu’on a hâte…
Amatrices et amateurs de découvertes un brin siphonnées mais toujours grandement passionnantes devraient en effet passer un excellent week end prolongé ces 6 au 9 octobre avec la nouvelle édition de Maintenant, le festival autour des arts, des musiques et des technologies proposé par les doux dingues de l’association Electroni[k] (en version resserrée sur 4 jours mais tout autant foisonnante).
Continuant de naviguer avec bonheur et curiosité autour des arts, de la musique et des technologies déclinées en spectacles, performances, expositions ou installations variés et bien souvent atypiques, Maintenant devrait comme à son habitude nous proposer un temps de respiration, un pas de côté pour lever la tête de nos quotidiens souvent bien prenants. Avec, on l’applaudit à nouveau, le souci de permettre l’accès au plus grand nombre : une majorité de propositions sera une nouvelle fois gratuite pour favoriser l’accès à tous les publics.
Un cabinet de curiosités à l’inquiétante étrangeté
Avec l’identité visuelle de cette 22ème édition, cabinet de curiosités complètement loufoque à l’inquiétante étrangeté réalisé par Amandine Urruty (dont on avait découvert l’univers entre le muppet show et Jérôme Bosch avec le visuel de l’édition d’Avatars 2013, mais également l’exposition Certains l’aiment chiot ! à l’Antipode) et Pierre Graphics dont les block marks apparaissent comme un jeu de construction pop à l’équilibre étonnant, le festival donne une idée de l’éclectisme débridé qui sera à l’œuvre durant ces quatre jours et dégomme d’ores et déjà facétieusement les raccourcis faciles en proposant une identité visuelle réalisée uniquement au crayon à papier pour un festival tourné entre autre vers les technologies et leurs usages artistiques.
Super Samedi ! à passer en famille mais pas que…
C’est d’ailleurs autour de l’univers teinté d’absurde d’Amandine Urruty que le festival proposera un après-midi pour les familles (mais pas que) où minots et moins minots pourront expérimenter, jouer, créer et même danser le samedi 8 octobre après-midi au Jeu de Paume.
Dresser des robots fantômes, fabriquer des chapeaux lumineux, composer des univers sonores un brin festifs, créer des tatouages animés éphémères, découvrir le cabinet de curiosités d’Amandine Urruty et danser comme un fou/une folle jusqu’au bout de l’après-midi au son des sélections musicales du collectif féminin rennais Les Vagins enchantés (amusez-vous à expliquer leur patronyme à vos bambins) pour une méga boum chaleureuse et conviviale : voilà ce que vous propose ce Super samedi ! qui devrait, on en est certain.es, se révéler d’anthologie pour les loupiotes et les loupiots.
Sculpter l’eau et l’air au Vieux St Etienne
On sera d’autre part ravi de retrouver le travail de Tristan Ménez au Théâtre du Vieux Saint Etienne, lieu emblématique du festival s’il en est qui sera à nouveau cette année le cœur battant et chaleureux de cette édition pendant quatre jours. On y découvrira notamment deux expositions dont celle de Tristan Ménez justement.
L’artiste, déjà présent avec sa fascinante installation Bloom en 2018 et de retour l’an dernier associé à Benjamin Le Baron pour une performance inspirante à l’Antipode (Instabilités) s’attachait déjà à rendre visible le phénomène sonore. A la manière des physiciens du 19ème Franz Melde, Jules-Antoine Lissajous ou August Kundt qui ont tenté de créer des dispositifs (avec des moyens particulièrement rudimentaires) afin de visualiser les phénomènes acoustiques et sonores, l’artiste renno-morlaisien a inventé un système de jet d’eau bluffant avec Bloom et poursuit ses recherches et son expérimentation avec cette nouvelle installation, Pulse.
Quatre fontaines massives à base pyramidale sont disposées dans un espace sombre et se transforment sous nos yeux en sculptures mouvantes et magiques qui rendent le son visible. L’eau mise en vibration à l’aide d’un haut-parleur diffusant des infrabasses se retrouve affectée par les phénomènes vibratoires du son. Ceux-ci sont alors rendus visibles par un système stroboscopique. Celui-ci fige le mouvement de l’eau en d’impressionnants mouvements : gouttes suspendues, explosions aquatiques, tout est en même temps immobile, suspendu dans le temps et pris dans les rets de l’éphémère puisque la sculpture reste toujours en mouvement, est toujours changeante (un peu comme si Parménide et Héraclite se rejoignaient enfin). Le résultat est aussi impressionnant que surprenant. D’autant que si pour Bloom, l’eau était colorée en blanc, pour cette nouvelle sculpture à quatre pôles, l’eau est de toutes les couleurs (on ne sait si c’est sous l’effet d’une coloration ou des lumières stroboscopiques qui la sculptent), soulignant d’autant plus l’infinité des variations de ces oscillations aquatiques qui rendent visible l’invisible.
Pulse, Tristan Ménez (teaser) from Association Electroni[k] on Vimeo.
On est tout aussi impatient de découvrir le travail de Guillaume Cousin au poétique patronyme Soudain Toujours interrogeant également notre rapport à l’imperceptible, qui se proposera non pas de sculpter l’eau et le liquide comme Tristan Ménez mais de sculpter… l’air. Et rien que sur le papier, on écarquille déjà les yeux ! Scénographe et éclairagiste dans le spectacle vivant, l’expérimentateur-constructeur comme il aime à se définir, a créé une énorme soufflerie qui génère un immense tube d’air parfaitement parallèle sans turbulence aucune, accompagné d’un dispositif sonore qui utilise le son lourd et massif de la machine. Ce flux laminaire, courant d’air unidirectionnel soufflé à vitesse constante mesure pas moins de 4 mètres de long et c’est là que va être générée la sculpture mouvante : de la fumée, de la lumière, qui progressivement rendent visible le désordre de la matière en une sculpture mouvante et éphémère. Sans jeu de mots aucun, cela a l’air à couper le souffle.
Jouez à saute-moutons !
On profitera également de la tenue du festival pour découvrir Moutonium qui sera inauguré le 8 octobre à 14h30 au parc Grande Prairie à la Courrouze. Issu des propositions du budget participatif rennais porté par l’association Electroni[k], le projet ludique réalisé par le bien connu par ici Guillaumit et les Bordelais du Bruit du Frigo est un jeu urbain monumental qui propose en même temps des assises pour tout un chacun.e dans le parc et revisite le saute-mouton des cours d’école en version monumentale et pérenne dans l’espace public ! Autrement dit un espace de rencontre chaleureux et décalé au cœur du parc pour en favoriser la convivialité. Imaginez donc une cinquantaine de moutons en bois, peints à la main, tous différents, qui s’éparpilleront gaiement dans la Grande Prairie du parc pour un pâturage pérenne pour la plus grande joie des petit.es et grand.es. Méfiez vous cela dit, il semblerait qu’un loup rôde depuis l’annonce de la descente des estives du troupeau dans le quartier.
Hacktivismes
Partant du postulat que « la technologie n’est pas neutre, que son déploiement exponentiel impacte l’ensemble de notre écosystème et que la place de l’art et de la culture est essentielle pour explorer ces questionnements et ces enjeux », depuis trois ans, l’association Electroni[k] en partenariat avec Oblique/s et Stereolux propose des conférences autour des rapports entre technologies, art et société. Pour sa troisième édition ce jeudi 6 octobre à 14h30 au Tambour, après s’être intéressé aux mutations environnementales et aux mutations du vivant les années précédentes, Ambivalences se centrera cette année sur les mutations politiques en proposant un premier temps de réflexion autour des hacktivismes en s’interrogeant notamment sur la désobéissance numérique comme levier d’action politique. « La digitalisation progressive de nos sociétés engendre des transformations profondes dans de nombreux aspects de nos vies (…) Quels regards portent les artistes d’aujourd’hui sur ces mutations et de quelles manières utilisent-ils ces technologies dans leur travail pour porter un discours politique et en révéler la dimension émancipatrice, aliénatrice ou subversive » précise le programme.
Partez à la découverte d’un cratère de 100km de diamètre
Le rapport entre art, sciences, monde du vivant, technologies sera également développé cette année dans la présentation d’un tout autre projet, celui de Paul Duncombe qui documente les paysages pour mieux les « décomposer, les recomposer et les faire pénétrer dans l’espace d’exposition ». Travaillant avec des spécialistes et artistes de tous horizons (ici avec une poète innue, un géomaticien, un écrivain, un documentariste, une exploratrice, une plongeuse-documentariste, l’équipe scientifique de François Girard de l’université de Montréal et on en passe) l’artiste traverse les frontières et les disciplines, mêlant art, sciences et technologies pour explorer les différentes échelles du paysage.
Après s’être par exemple intéressé aux terres irradiées de Fukushima, aux forêts boréales ou aux banquises du Labrador, il a cette fois choisi de partir à la découverte d’une zone protégée du Québec, Manicouagan, une réserve écologique interdite au public (sauf autorisation pour des activités de recherche, scientifique ou éducative) qui se trouve sur le territoire de la nation Innue. Et ce n’est pas n’importe quel territoire puisque c’est là qu’il y a 214 millions d’années, une météorite s’est écrasée, formant un immense cratère et origine supposée de la 4ème grande extinction du vivant !
Les 6 créateurs et leurs équipes répartis en 3 groupes de recherches (l’un parcourant à la rame la baie Memory, puis à pied la forêt vers le sommet du Mont Babel proéminence rocheuse à 952 mètres au cœur du cratère de l’impact, l’autre partant à la rencontre des personnalités innues du territoire, la troisième enfin menant une exploration sous-marine en pleine forêt boréale immergée( !)) ont mené une investigation des cultures locales et du territoire tout en collectant informations et données sur ce site exceptionnel et gigantesque.
Données scientifiques collectées (et également partagées) et découvertes culturelles serviront de matériau à la création d’œuvres plastiques, littéraires, audiovisuelles… dont Paul Duncombe nous présentera les premières créations durant Maintenant, d’une part à travers une exposition au CCNRB où les forêts englouties numérisées deviennent par exemple des partitions, d’autre part par le biais d’une conférence aux Champs Libres le samedi 8 octobre à 15h30 durant laquelle l’artiste nous présentera l’expédition et son travail artistique et qui promet d’être passionnante.
Des ballons qui jouent de la flûte, une lyre mêlant antique et modernité et une symphonie de chantier
Hybrid #1 – ⥀6
On est également ravi de retrouver le travail d’Andreas Trobollowitsch qui nous avait déjà stupéfaits lors des éditions 2017 et 2018 du festival. Le doux bonhomme concentre principalement son travail sur des compositions conceptuelles, des installations sonores et la création d’instruments de musique artisanaux… et inattendus ! En 2017, il était venu présenter son Ventorgano au Bon Accueil et dans l’atelier mécanique de l’EESAB, un instrument totalement nouveau, une sorte de synthétiseur électro-acoustique composé de 5 cordes de guitare, de 5 caisses de résonances (faite en bois de violon) et de 10 de ventilateurs préparés, en partie contrôlés par l’interprète-musicien, avant de revenir l’année suivante, pour une performance suspendue et étonnante sur le marché des Lices, le Santa Melodica Orchestra, autrement dit une vingtaine de performers tenant un immense tuyau surmonté d’un mélodica et d’un ballon de baudruche, éparpillés sur la place à mille endroits plus ou moins incongrus créant un drone aérien et dansant épatant.
S’il s’est d’abord défini comme un artiste sonore, Andreas Trobollowitsch a toujours intégré une dimension visuelle à ses performances, jusqu’à reconnaître davantage l’importance de cet aspect dans son travail. Modifiant les instruments existants pour en faire de nouveaux objets sonores, il utilise les objets du quotidien et les détourne pour en faire des instruments de musique inattendus, mais aussi des instruments à pleinement regarder, tels ses ventilateurs dont les hélices sont remplacées par des crins d’archet. Sa Feedbackboxx, par exemple, installation sonore composée de haut-parleurs, de microphones, de ventilateurs et de morceaux de papier propose un ballet à la fois visuel (les papiers qui dansent) et sonore. Ses créations aux confins de la sculpture et de l’art conceptuel sont aussi captivantes à voir qu’à écouter. Le garçon peut ainsi aussi bien écrire une partition pour trois musiciens-bûcherons armés de haches de différentes tailles qui l’exécutent face à des bûches de diverses longueurs et duretés (Hecker – le résultat est bluffant), qu’une pièce pour plante verte tournant sur une platine vinyle entre deux haut-parleurs, le son de sa rotation (notamment lorsque les feuilles viennent buter sur le micro) étant capté et diffusé par les enceintes.
Pour cette nouvelle édition de Maintenant, Andreas Trobollowitsch revient avec Hybrid #1 – ⥀6 au Musée des Beaux-Arts les samedis 8 et dimanche 9 octobre, autrement dit une installation sonore et visuelle éphémère constituée de six flutes, six ballons et trois platines vinyles mécaniques. Les ballons, gonflés d’air, « soufflent » dans les flûtes en se dégonflant, engendrant une sorte de drone sonore hypnotique, la fascination étant encore renforcée par le mouvement tournoyant de l’installation. En effet, pour créer de mini variations de timbre, d’intensité et de hauteur, l’artiste a en plus choisi de placer son mécanisme sur une platine vinyle tournante : le mouvement rotatif crée une variation de pression sur les ballons et ceux-ci laissent échapper l’air de façon moins uniforme, engendrant de très légères variations de son. Magique !
hybrid #1 – ⥀6 from Andreas Trobollowitsch on Vimeo.
Lyraei
Les mêmes jours, mais dans la rotonde de l’Opéra de Rennes pour sa part, l’artiste chypriote Mihalis Shammas viendra également nous présenter l’un des instruments qu’il a créé, le Lyraei, autrement dit un instrument hybride à la croisée de l’ancienne harpe grecque et du synthétiseur. Intéressé par la création de nouveaux outils d’expression musicale à la frontière de la sculpture sonore, Mihalis Shammas a ainsi créé un kyklophonon, par exemple, avec des cordes de saz, des poulies à courroie ou des poids de filets de pêche qui peut aussi bien être joué de façon automatisée que manuellement ou un arbre à engrenages actionné par un petit moteur. Avec sa Lyraei, Mihalis Shammas a développé un instrument à cordes électromagnétiques qui mêle ensemble instrument à cordes mécaniques et électronique modulaire. Les impulsions magnétiques font vibrer les cordes sous forme d’oscillations continues, ces oscillations étant amplifiées par des micros. Du conflit, du frottement entre l’électronique et le mécanique, de la confrontation entre les impulsions magnétiques précises et la résonance naturelle des cordes, son (on hésite entre masculin et féminin) lyraei fait naître un drone profond, hypnotique, qui emplit l’espace de vibrations ténues et sensibles. A voir et à entendre également, donc.
La poésie de l’environnement sonore urbain : Symphonie d’un quartier en construction
Le piano préparé et les synthétiseurs du compositeur italien Fabrizio Rat (Cabaret Contemporain) trouveront quant à eux matière pour ne pas dire matériau sur le chantier Baud Chardonnet puisque sa performance le samedi 8 octobre à 19h -c’est déjà complet- sur l’un des toits du quartier mixera les sons produits par les ouvriers du chantier collectés en amont par le collectif de création sonore Ars Nomadis lors d’une performance musicale inaugurale qui donnera lieu à une œuvre symphonique dans deux ans Building, symphonie d’un nouveau quartier.
Regarder le métal danser
On a carrément hâte le même jour (le samedi 8 un peu plus tôt à 17h30) d’aller découvrir la performance de Ralf Baecker aux Champs Libres, A natural history of networks/soft machine qui promet d’être bigrement fascinante. Imaginez du métal liquide (du galinstan, alliage métallique de gallium, d’indium et d’étain dans une solution d’hydroxyde de sodium pour les plus chimistes d’entre vous) animé en temps réel par des électrodes (8 cathodes et une anode) par l’artiste allemand, filmé par plusieurs caméras et projeté sur un grand écran. Inspiré des travaux du chercheur et inventeur britannique du siècle dernier Gordon Pask autour de l’ordinateur « organique » et des apprentissages électrochimiques, tout comme par les récents travaux autour du biomimétisme (s’inspirer des mécanismes et des propriétés du vivant pour fabriquer des innovations durables) et la matière programmable, Ralf Baecker propose une performance à la croisée de l’analogique et du numérique, totalement fascinante. D’autant plus que les étonnantes variations visuelles sont accompagnées de couches sonores traduisant les processus électrochimiques à l’œuvre dans l’alliage métallique, entre glissements électroniques, glouglous métalliques, pulsations et autres glitchs synthétiques. Épatant !
Créer ensemble, partager : métissages musicaux
Il y a un peu plus d’un an, l’association Electroni[k] a lancé Ensemble, une série de podcasts pour mettre en avant les visions de jeunes artistes par le biais de créations sonores d’une heure, un nouvel espace pour réaffirmer l’importance de partager différentes expressions artistiques, ensemble, car « l’intensité continue des crises environnementales, sociales, politiques et économiques ré-interrogent nos manières de partager et d’être ensemble. » En proposant plusieurs rencontres de musiciens aux univers variés durant ces quatre jours de festival, des artistes parfois éloignés les uns des autres, en les invitant à partager ensemble un temps de création, entre eux d’une part, avec nous d’autre part, le festival offre un bel écho à cet élan de partage qu’il souhaitait initier avec cette série de podcasts.
Pianiste nomade cherche trouve musicien électronique
Le vendredi 7 octobre, on sera tout ému de retrouver le rennais Pavane aux Champs Libres à 17h30 (va falloir réussir à sortir du boulot à temps) qu’on avait justement découvert grâce à Maintenant en 2014 et dont on a depuis fort régulièrement écouté la musique (les deux eps de 2014 et 2016 L’échappée et Pppp). Autrefois membre du groupe Thraces projet collectif aux directions et influences foisonnantes, Damien Tronchot aka Pavane s’est resserré sur son projet personnel à mêler ensemble influences classiques et électroniques pour un résultat des plus emballants. Autrement dit des développements mélodiques amples et foisonnants, associés à des rythmiques électro pour une œuvre dynamique et riche, agrémentée d’interludes au piano seul. Et puis un jour, dans le parc où jouaient leurs enfants, Pavane et le pianiste nomade Björn Gottschall se sont rencontrés et ont commencé un échange artistique fructueux… Le musicien allemand qui aime à poser son piano acoustique de 6 octaves un peu partout, en extérieur, dans des paysages sauvages, en bord de mer, en forêt, de façon insolite, en s’adaptant au lieu, au temps et à l’ambiance, « faisant de la nature une salle de spectacle et du passant un spectateur » a trouvé un acolyte talentueux et tous deux ont commencé à collaborer ensemble, les synthés analogiques et les machines de Pavane venant donner un relief et un grain différent au piano acoustique de Björn Gottschall. Si l’on en croit le premier titre issu de leur collaboration, le remix de Les enfants sauvages de Björn Gottschall par Pavane, on devrait passer un fort chouette moment aux Champs Libres.
Un pont tendu entre classique et maloya
Également venue de la musique classique (et précédemment venue à Maintenant pour une collaboration avec le musicien électronique Murcof en 2012 à l’Opéra de Rennes), la pianiste Vanessa Wagner collaborera cette année avec les musiciens de l’Orchestre National de Bretagne et le musicien et compositeur d’origine rennaise Labelle signé chez Infiné pour un concert construit autour d’Ennéade, composé par Labelle mêlant musique électo-acoustique et influences réunionnaises maloya (tradition musicale héritée des populations d’esclaves puis des ouvriers pauvres de l’île), soulignant une fois de plus l’importance essentielle des échanges, des métissages et de la porosité des frontières. A découvrir le vendredi 7 octobre à la Confluence à Betton.
Flûtes enchantées et trafiquées
Il en sera de même le dimanche 9 octobre à la salle de la Cité à 16h avec le concert réunissant la flûtiste portugaise Violeta Azevedo (qui animera également un workshop le jeudi 6 octobre, Electrify your sound, invitant les musiciens d’instruments à vent classiques à découvrir différents effets sonores par le biais de pédales d’effets appliquée à leurs instruments) qui expérimente autour de son instrument en en modifiant les sons via des pédales d’effets justement et Félicia Atkinson, co-fondatrice des essentielles Shelter Press, compositrice électroacoustique et artiste visuelle, dont les disques nous accompagnent depuis longtemps déjà et dont le travail tout en nuances et en délicatesse, fait de voix chuchotées en plusieurs langues, de notes de piano, de field recordings, de sons électroniques qui prennent le temps de s’égarer, est de ces respirations qui apaisent les errances chaotiques du monde comme il va. On est donc plus qu’impatient de découvrir de quelle manière les univers des deux artistes vont s’unir et se répondre et déjà immensément confiant quant à la découverte de la musique qui va s’y révéler.
Let’s dance
Le contexte sanitaire le permettant enfin, cette édition verra également le retour d’une Nuit électronique, qu’on pressent déjà d’anthologie à l’Antipode le samedi 8 octobre puisque pas moins de 8 artistes/groupes s’y produiront pour le plus grand bonheur des clubbers de toujours ou d’une nuit. Pour ses Nuits Électroniques, le festival associé ici à l’Antipode, aime en effet concocter des programmations exigeantes, alliant talents en devenir, têtes chercheuses et efficacité sur le dancefloor avec des artistes emblématiques d’une recherche actuelle, qui parlent tout autant à la tête qu’aux jambes, histoire de danser toute la nuit sur un futur en train de s’écrire… Avec huit projets, résolument hors-normes qui explorent les musiques électroniques dans des directions différentes mais avec autant de réussite que de passion, la programmation de cette soirée risque de se révéler d’une richesse et d’une efficacité aussi folles que redoutables.
L’Antipode sera partagé en deux espaces, deux scènes si vous voulez, l’une d’entre elle accueillant plus particulièrement « l’atelier de création » mais toutes les deux se partageant indifféremment dj sets et lives pour une nuit qu’on pressent dense et métissée. D’une part parce qu’on y retrouvera Célélé, la lyonnaise désormais rennaise d’adoption, issue du collectif Limbololo Soundsystem pour un dj set à la fois énergique et suave entre kuduro, afro trap, baile funk, tropical bass et global club. Sur la même scène la dj et performeuse Pö nous proposera une sélection encore plus chaloupée : issue de l’essentiel collectif Nyege Nyege, basée entre France et Ouganda, la musicienne mélange pour le plus grand bonheur des clubbers la fine fleur des sons de la scène électro underground d’Afrique de l’est et de l’ouest (on se souvient à quel point Slikback nous avait remué.es lors de la Nuit électronique de 2019), sans oublier rythmes brésiliens et afro-caribéens : kuduro, gqom, singeli tanzanien… Nos jambes ne devraient pas avoir une minute à elles.
D’autant que la frénésie des inspirations singeli de Judgitzu ne devrait pas nous laisser mollir non plus. Ethnomusicologue aux ramifications avec un héron cendré d’ici, Judgitzu autrement dit Julien Hairon, nous a ramené de fascinantes cartes postales d’Asie, d’Océanie et d’Afrique (on se souvient de Reak, documentaire autour d’une cérémonie de transe chamanique diffusé pendant une soirée Alambik) et s’est fendu, après un séjour en Tanzanie justement, de deux titres originaux à couper le souffle et les jambes sur label ougandais Nyege Nyege Tapes. Autant dire que nos oreilles et nos gambettes feront ensuite le grand écart pour découvrir l’électro pop so eighties d’Alexis Lumière (The Cavaliers, Cité Lumière,…) : le compositeur est en effet aussi bien capable de magnifier des hymnes au « plus sous-estimé des synthétiseurs analogiques » eighties (le casio) que de composer des titres au même grain analogique en hommage à Drexciya ou même de surfer comme Jacno sur les angles de ses synthés. Amoureux solitaire en peau de léopard période Daho, le producteur (du bien nommé studio Fiat Lux), a priori performer espiègle tout en dextérité, devrait ravir les amateurs et amatrices de rafraichissements synthétiques.
On est également bien impatient de découvrir la performance audiovisuelle de S8jfou et Simon Lazarus, conçue pour accompagner la sortie de l’album de S8jfou Op Echo en live cette année. Durant cette création, la musique va influer sur l’image et l’image va modifier -ou même créer- de la musique : le dessin physique sur la tablette graphique de Simon Lazarus générera en effet du son qui va ensuite être bouclé en live travaillé par le musicien. Composé avec un seul synthé Operator et un delay écho numérique sur Ableton, ce nouveau long format du producteur se révèle déjà particulièrement immersif. Il est donc fort à parier que les peintures abstraites visuelles de Simon Lazarus qui mettent en tension imagerie virtuelle et matérialité physique devraient encore grandement en accentuer l’hypnotisme. Les dingues d’électronique vont également se précipiter sur le dancefloor à la seule évocation du dj set d’Objekt. Le producteur anglais désormais berlinois est de ceux (quand on partage un maxi avec la légende de Detroit Dopplereffekt, c’est quand même de très bonne augure) qui mettent la piste à l’envers avec des sélections aussi efficaces que passionnantes. Loin de se cantonner à enchaîner les tracks, Objekt s’intéresse à la forme même du mix : en plus de sa table de mixage, il utilise par exemples des pédales delay et n’hésite pas à transformer les morceaux à la volée en utilisant des techniques de mix quasi polyrythmiques et réussit contre toute attente les transitions les plus improbables entre techno, abstract, jungle…
Le duo de Rotterdam Animistic Beliefs composé des producteurs Xakalele et RBF.Linh devrait lui aussi mettre tout le monde d’accord avec un live qu’on pressent aussi redoutable que stupéfiant : synthés modulaires DIY et tripotée de machines vintage servent à moduler ensemble techno et électro hybrides des plus efficaces. Entre Idm techno et vague rave en mode tsunami, cris en direct de Linh, les chamans des machines mêlent techno de Detroit (Dopplereffekt, Underground Resistance) aux sons de Rotterdam (Legowelt, Bunker Records) voire aux sonorités Fluxwork pour un live agressif et passionnant. On devrait en prendre plein les oreilles et les guiboles. On est enfin plus qu’impatient de se laisser gagner par le set imparable que Sherelle ne devrait pas manquer de délivrer à un dancefloor extatique. Avec ses sets sous dopamine (160 bpm, on est plutôt en « cours de step niveau expert » !) aux fréquences basses, toujours désespérément classe, la dj du nord de Londres devrait nous emmener sans peine jusqu’au bout de la nuit : de la Jungle au Footwork (ghetto house de Chicago tout en changements de rythmes) voire Juke en passant par la Drum’n Bass, on devrait se laisser emporter par un set en surtension à l’élégance rare. Vivement.
Et pour commencer
Pour lancer ces belles hostilités, le festival nous invitera pour sa soirée d’ouverture au Théâtre du vieux St Étienne le jeudi 6 octobre avec une performance et un dj set qui devraient mettre tout un chacun.e dans les meilleures dispositions pour profiter de ces quatre jours de parenthèses bienvenues. Sans oublier les découvertes des installations Pulse et Soudain Toujours (voir plus haut).
On commencera avec le son de Tryphème, toujours hyper mélodique, qui frotte la pop de ses développements électroniques à des rythmiques parfois légèrement abrasives mais le plus souvent brumeuses et prenantes. Une IDM pleine de respirations, qui lorgne vers l’ambient et qui trouvera un écho dans les images d’Ulysse Lefort, artiste digital et réalisateur d’animation qu’elle est allée chercher pour créer ce live AV présenté en ouverture du festival. Or étonnamment les images ne viennent pas du dessin, mais sont générées par l’intelligence artificielle s’appuyant sur « des GAN (Generative Adversarial Network – c’est-à-dire une intelligence artificielle conçue comme système d’apprentissage automatique) » et le deep learning. Cependant si les images sont essentiellement construites par la machine à partir de phrases que lui soumet Ulysse Lefort (si on a tout compris ?), elles sont tout de même transformées en temps réel par l’artiste visuel. Un moment très certainement hypnotique.
On poursuivra par un dj set pour mettre en jambes les clubbers de la Nuit électronique du samedi (et les autres) avec Blanca Brusci aux platines. Membre active du crew La Rennes des Voyous et moitié du duo Enhancing Life Unit (avec Swing Loww), la musicienne nous promet un set downtempo, positif et surtout solaire pour lancer le festival de la meilleure des manières.
On vous a dit qu’on avait hâte ?
Maintenant aura lieu du 6 au 9 octobre 2022