La petite pluie de fin d’après-midi n’aura pas entamé la motivation et la bonne humeur des premiers festivaliers du Grand Soufflet ! La soirée d’ouverture de l’édition 2022 affiche complet ! Au programme : deux propositions aux antipodes l’une de l’autre. D’un côté, l’orchestre Electrik GEM, ses 14 musiciens et ses sonorités méditerranéennes chaleureuses ; de l’autre, Antti Paalanen, le virtuose finlandais de l’accordéon, seul en scène avec sa voix gutturale et une ambiance surnaturelle digne des contrées nordiques. C’est toute la magie du Grand Soufflet finalement qui s’offre à nous : deux propositions complètement différentes pour un même succès et une même envie d’écouter des sonorités étonnantes et enthousiasmantes. On y était, on vous partage ce chouette moment.
Electrik GEM ou la grande famille musicale
Ils sont 12 à se partager l’espace scénique : Electrik GEM est une grande fanfare qui nous vient de Strasbourg. Trois voix féminines pour un ensemble d’instruments traditionnels propres aux musiques méditerranéennes, saupoudré d’instruments plus puissants tels la basse, la batterie et la guitare électrique. Autant dire que démarrer le festival du Grand Soufflet avec eux, c’est mettre la barre très haut pour nos oreilles !
Le collectif enchaîne les morceaux de son album Radiopolis sorti en 2012 : avec tout d’abord Alexandris puis Radiopolis et sa relecture très moderne de sonorités balkaniques. Le temps d’un branchement instrumental, Grégory Dargent prend la parole et nous explique le combat au quotidien d’un orchestre (contre les accidents de vélos, qui empêchent notamment un membre de la famille Electrik GEM d’être présent ce soir) mais aussi son processus créatif qui erre de capitale en capitale et s’approprie les sonorités urbaines. Melike nous entraîne d’ailleurs à Istanbul, capitale phare et préférée du groupe qui joue ensemble depuis 15 ans. La basse se pose et prend le lead avec une puissante voix féminine. Les boucles musicales sont envoûtantes et lancinantes. Les instruments traditionnels reviennent. Le tout est un savant respect entre ces deux types d’instruments sur scène : basse, batterie et guitare électrique insufflant une énergie vivace et une puissance folle à la mélodie traditionnelle de la gadulka, du oud, du tarhu, de la derbouka, du rek, du daf et des diverses percussions.
L’Ethiopien nous convie dans un autre univers où les transitions rock se font plus fortes. Ce qui pourrait être une grande cacophonie, tant la diversité des instruments sur scène est grande, est en fait une savante organisation qui reste harmonieuse contre toute attente. Les voix font comme un disque rayé et les instruments traditionnels prennent le dessus.
I atahti est le moment « calme » du set. Au trio féminin qui démarre ce morceau et que l’on écoute religieusement (tant le public que les musiciens sur scène) succède la voix grave et pénétrante de l’accordéoniste. On se croirait un temps dans le Désert des Tartares version Ennio Morricone avec les serpents à sonnettes pulsés par les maracas. Puis les Balkans reviennent en force avec violon, accordéon et trombone.
Un nouveau morceau nous entraîne encore très loin dans ce voyage musical mené tambour battant par Electrik GEM. Sons klezmer, airs gitans, choeurs balkaniques ou bulgares, le tout nimbé de rock’n’roll : Electrik GEM assure avec son orchestre un grand maëlstrom musical face auquel on ne peut rester indifférent. Le public ne s’y est d’ailleurs pas trompé ! la salle est pleine et les applaudissements seront nourris quand Grégroy Dargent présentera un à un les virtuoses qui composent cet ensemble. Ils sont eux aussi contents d’être là et remercient chaudement le Grand Soufflet qui a osé inviter tout un orchestre ! La conclusion par Mama Ide nous ramène inexorablement sur un morceau sautillant et dansant et une reprise des standards klezmer.
Un chouette moment avec cet orchestre du grand Est ! Et toutes les photos du concert prises par Catherine Gaffiero ci-dessous :
Antti Paalanen, le solitaire habité
La grande famille laisse place à un one man band finlandais très attendu ce soir : Antti Paalanen et son aura de gentleman voyageur. Après la Méditerranée, place au grand Nord et son imaginaire vibrant.
Une voix profonde, gutturale et puissante s’élève. L’accordéon inspire, expire, s’étire. La pédale marque les beats. Les vibrations montent du sol. Les yeux de l’accordéoniste virtuose roule derrière ses lunettes. Le public, hypnotisé, se met à chanter et à tanguer. Il faut dire que nous accorder Elä en intro de concert, c’est un peu comme offrir un carré de chocolat à 85% à un chocolatomane…
Sur le 2è morceau, Antti Paalanen malmène sa Breathbox, l’étirant rapidement, jusqu’à lui faire produire des Larsen de vibrations. Puis, ses cris interrompent le rythme. Et tout part en distribil [NDLR : en grand n’importe quoi, en breton] : l’accordéon devient fou, comme un piano martyrisé. La bête s’endort. Et se marre… Décidément, ce finlandais semble habité par une force surnaturelle et un esprit facétieux : « Just play accordion and the force is with you ! ».
Antti Paalanen convoque ensuite l’enfant qui sommeille en chacun de nous (Child in You). Lui, il voulait être une rock star. Il est finalement tombé sous le charme de l’accordéon. Ce dernier s’offre d’ailleurs avec douceur lors des premières notes, suivies de près par les basses. Jolie accélération qui semble plaire au public conquis et au fan-club (conquis depuis longtemps !). Les boucles sont lancinantes et on se surprend à fermer les yeux et à se laisser porter par cette voix gutturale et shamanique. Il est seul en scène mais capte complètement l’auditoire…
Mais trêve de rêverie ou de « plânerie », il s’agit dans le morceau suivant d’apprendre quelques mots de finnois. Joo pour Oui et Ei pour Non. Que l’on scandera avec Antti Paalanen sur des résonnances dark et vibrantes. La mélopée devient chant incantatoire et sacré des communautés amérindiennes et s’élève d’bord timidement sous le chapiteau puis avec plus d’insistance. Une pause « very good local tea time » et The Sky is blue and white prend place. La rythmique est très prononcée, les pieds battent la mesure et une ambiance de fin du monde règne. Antti Paalanen est assis mais habité par une force ancestrale venue des entrailles de son accordéon. Il nous invite à chanter avec lui. A cet instant, les grandes contrées sauvages et septentrionales de la Finlande se sont ouvertes devant nous sous le chapiteau.
Meluta, aka We wanna make noise, annonce le programme. C’est le bazar sous le chapiteau : les têtes ondulent, les pieds marquent la cadence. La douceur de la mélodie affronte le guttural Meluta et l’accordéon crisse comme un vieux disque rayé. Aussitôt fini, aussitôt rappelé ! Le public en veut encore et n’est pas prêt à quitter cette hypnose ! Gros succès pour Antti Paalanen, cette force viking qui se confondra en longs remerciements avant de quitter la scène…
Toutes les photos du concert prises par Catherine Gaffiero ci-dessous :
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Festival du Grand Soufflet : du 05 au 15 octobre 2022 – à Rennes et dans toute l’Ille-et-Vilaine
Toutes les informations sur le site du Grand Soufflet : http://www.legrandsoufflet.fr/
La billetterie en ligne : http://www.legrandsoufflet.fr/Billetterie
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