Maintenant 2015 – Moritz Simon Geist : We are the robots

Créer des instruments dédiés à la musique électronique avec des sonorités mécaniques, c’est ce que réalisent Moritz Simon Geist et son collectif Sonic Robots, notamment pendant Maintenant. Quitte à fabriquer un jouet démesuré, à se prendre les oreilles dans les erreurs mécaniques et à démystifier un instrument cultissime de la musique électronique. Explications.

Mr-808 - Moritz Simon Geist

Au commencement des eighties, les musiciens fauchés qui souhaitaient s’aventurer vers un son novateur se tournèrent vers une boîte à rythmes créée par la firme japonaise Roland, moins coûteuse que les DX7 alors en vogue chez les professionnels de studio de l’époque, une des rares qu’ils pouvaient s’offrir : la TR-808 (ou la TR-909). Le Rythm Composer était plutôt intuitif et proposait une gamme de sons de percussions analogiques pas vraiment réalistes (ce qui entraîna d’ailleurs l’arrêt de sa construction -qui dura de 1980 à 1983-, la Linndrum aux sons plus « réalistes » la supplantant rapidement). Entièrement programmable, la TR-808 proposait une gamme de sons très reconnaissables : une grosse caisse profonde, une caisse claire légère, voire clinquante, une hi-hat légèrement grésillante et cette fameuse cloche (cowbell) particulièrement synthétique.

Bref, si beaucoup se détournèrent de l’instrument lui préférant un succédané plus réaliste, les soi-disant défauts de la TR-808 emballèrent en revanche une tripotée de musiciens avant-gardistes. Parmi eux, Grandmaster Flash, maître ès scratch entre autres, fut le premier à l’utiliser sur scène, la machine lui permettant de programmer chaque élément (grosse caisse, caisse claire, clap, cymbales, tom…) séparément.

Mais c’est Afrika Bambaataa qui a rendu la TR-808 reconnaissable entre toute puisqu’on l’entend sur Planet Rock. A sa suite, les pionniers de la house de Chicago et les gamins de Belleville (la triplette de Detroit) -et leurs descendants- en ont fait l’un de leurs instruments de prédilection. Tant et si bien que la TR-808 est devenu l’un des fleurons du son de la techno (à l’instar de la TR-909 et du générateur de basse TB-303) et de la musique électronique en général. « Une même machine sert à Derrick May, qui la vend pour quelques dollars à Franckie Knuckles, qui lui-même la prête à Marshall Jefferson » (Ariel Kyriou, Techno Rebelle). Les musiciens peu intéressés par un son réaliste ont ainsi préféré les productions résolument synthétiques offertes par les machines Roland.

Roland_TR-808

Dans un mouvement inverse, Moritz Simon Geist, jeune ingénieur et musicien allemand, ayant notamment collaboré avec Mouse on Mars, s’est proposé (avec le collectif Sonic Robots) de créer une réplique plutôt monumentale de la TR-808, en version mécanique : la Mr-808. Sauf que cette fois-ci la caisse claire, la charley, la cabassa, les claves, le clap, les toms et la cloche sont joués par des robots. Un énorme cadre reproduisant le boîtier de la mythique boîte à rythmes contient une grosse dizaine de « vrais » instruments actionnés via bobines et moteurs. L’action de chaque robot étant contrôlée par le musicien à l’aide d’un dispositif électronique et un micro-contrôleur arduino. On pourra la découvrir en action de mardi 13 octobre à la Salle de la Cité.

A l’inverse des sons électroniques joués par des musiciens derrière leur laptop, la création de chaque élément sonore est ici rendue visible. « Normalement, quand tu es producteur de dance musique ou de musique électronique, tu as du matériel électronique qui crée le son de façon électronique. Nous essayons de ramener cette création sonore du domaine digital au domaine physique. Nous prenons des robots pour faire le travail. Par exemple il y a un tambour qui est frappé par un moteur, une ficelle par un électro-aimant. Tous ces moteurs, électro-aimants sont assemblés pour finalement produire un son similaire aux sons électroniques et capable de créer la structure de la musique électronique. Je pense que c’est une manière intéressante de procéder. D’après moi, peu de gens le font et il y a beaucoup de choses qui peuvent être réalisées dans ce domaine » explique le musicien à Shape.

Et si l’une des avancées de l’invention de la boîte à rythmes était normalement de parvenir à jouer ce qu’aucun homme ne pouvait physiquement faire, le passage de l’électronique au domaine physique permet à Moritz Simon Geist et ses acolytes de Sonic Robots de jouer sur les erreurs inhérentes à la mécanique. On se souvient de Dj Pierre effaçant la ligne de basse de la TB-303 et tournant les potards, inventant ainsi par erreur et accident Acid Trax, la pierre philosophale de l’acid house. Comme de cet employé de Duke Reid oubliant d’appuyer sur le bouton enregistrant la piste vocale sur la dubplate que Rudy Redwood est venu chercher, inventant sans le vouloir le remix. On sera loin de toutes les citer mais l’histoire de la musique est pleine d’erreurs qui ont alimenté et favorisé la création. « J’aime l’idée d’introduire plus d’erreurs dans la musique. Une percussion frappée par le bras mécanique d’un robot ne pourra jamais être aussi prévisible que le son généré par un ordinateur. Par conséquent, le caractère mécanique de l’installation MR-808 introduit la faillibilité dans la performance. »

C’est d’ailleurs la même idée qui sous-tend Glitch Robot, la seconde performance proposée par Moritz Simon Geist au public de Maintenant (cette fois-ci le mercredi 14 octobre aux Champs libres). En informatique,  on appelle glitch une petite défaillance (qui normalement ne devrait pas survenir !), dans l’alimentation électrique d’un circuit électronique, provoquant la défaillance temporaire d’un ordinateur. Pour Glitch Robot, l’installation est cette fois-ci composée de robots collectés sur des imprimantes 3D recyclées : disques durs, moteurs, solénoïdes et autres pièces mécaniques amplifiés jouent ainsi une formidable pièce sonore qu’on croirait électronique. Car c’est l’une des réussites du travail des Sonic Robots : la musique qu’ils produisent reste toujours facile d’accès et alors qu’il s’agit d’une symphonie mécanique, semble sonner comme n’importe quel disque de musique électronique.

Sauf que pour une fois, on en voit les rouages (la performance aux Champs Libres est d’ailleurs audio-visuelle : les mouvements des robots sont filmés et projetés rendant visible leur chorégraphie rythmique). Comme tout hacker qui ne s’est pas résigné à voir les choses comme des « boites noires », qui veut toujours apprendre et comprendre et qui ne peut se résoudre à utiliser les objets seulement pour ce à quoi ils ont été destinés, Moritz Simon Geist pratique le hacking musical pour ne pas rester passif, et « grâce auquel l’individu peut avoir un impact sur son environnement, son statut et son état d’esprit » conclue-t-il.

Retrouvez ici tous nos articles sur Maintenant avant, pendant et après le festival.

 


  • Maintenant 2015 présente MR-808 de Moritz Simon Geist du mardi 13 au dimanche 18 octobre de 12h30 à 22h à la Salle de La Cité (5 rue d’échange – Rennes).

Mardi 13 octobre à 20h (ou 20h30, on n’a pas trop compris?) : performance ouverte à tous.

  • Maintenant 2015 présente Glitch Robot par Moritz Simon Geist le mercredi 14 octobre à 12h30 aux Champs Libres -salle de conférence Hubert Curien- (10 cours des Alliés – Rennes) – Entrée gratuite, réservation conseillée au 02 23 40 66 60 –
  • Plus d’1fos : sur le festival Maintenant – sur le travail de Moritz Simon Geist et Sonic Robots

Maintenant aura lieu du 13 au 18 octobre 2015.

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