Le Jardin Numérique, ce n’est pas que pour regarder. On y vient pour mettre la main à la pâte, soulever le capot. Et si ici, il y a peu de risque de ressortir les mains pleines de cambouis (encore que?), pas question de rester les bras croisés. C’est pourquoi le format des ateliers a été privilégié. Parmi eux, les ateliers Arduino sont organisés durant deux après-midis ce week-end, et à destination de vrais débutants comme d’utilisateurs confirmés qui viendront ici finir leur projet. Ces sessions seront animées par Baptiste Gaultier (Telecom Bretagne) et Julien Rat (Les Petits Débrouillards).
Mathieu Vitry (Hacknowledge) qui animait les ateliers l’an dernier avait pris le temps de nous expliquer ce que sont les kits Arduino, petites cartes électroniques qui, associées à un ordinateur et à votre imagination, peuvent faire clignoter des Leds, piloter une petite tondeuse à panneaux solaires, ou pourquoi pas fabriquer une batterie portable avec un Ipad et des boites Ikea. Les nombreuses vidéos disponibles sur internet en témoignent, il ne s’agit pas seulement de bricolage, mais bien d’une prise de pouvoir sur les objets qui nous entourent, voire nous encerclent ! Non, les grille-pains de tout poil n’auront pas le dernier mot. Explications.
Alter1fo : Tout d’abord, pouvez-vous vous présenter?
MatV : Mathieu Vitry aka MatV, 27 ans, Ingénieur de Formation, bidouilleur, président et fondateur de l’association Hacknowledge, une association rennaise de promotion du Do-It-Yourself numérique.
Vous [animiez] les ateliers Arduino [l’an dernier] durant les après-midis du Jardin Numérique, en quoi cela consiste-t-il ?
Il s’agit d’ateliers d’initiation et de perfectionnement à Arduino, une petite carte électronique facilement programmable et très facile à prendre en main. Durant ces ateliers, les participants [peuvent] apprendre à réaliser ce qu’ils ont peut-être toujours cru hors de leur portée : robots, objets intelligents, objets communicants.
Arduino est, à tous les sens du terme un outil « accessible », peu cher, ouvert aux débutants ne sachant pas programmer, et en open source. En quoi est-ce un projet/outil différent ?
Arduino a été élaboré pour débuter l’électronique numérique avec un maximum de simplicité. Fini les centaines de pages de documentation à lire avant de se lancer. Arduino est fourni avec des centaines d’exemples simples, compréhensibles et open source. La plupart du temps il est possible de réaliser ce que l’on souhaite en partant de ces exemples, en les combinant, les modifiant, les compliquant si nécessaire. C’est ça la force du libre : réutiliser, modifier, et si possible reproposer ces améliorations.
Que veut dire le logo d’Arduino (les signes + et – dans le signe infini)?
A mon sens, « plus » et « moins » c’est pour l’aspect simplicité d’utilisation : « le fil rouge sur le bouton rouge, le fil vert sur le bouton vert ». le signe « infini » dénote l’infinité d’usage qu’il est possible d’en faire.
[A qui s’adressent ces ateliers dans l’idéal ?]
J’aimerais voir venir des personnes de tous âges et de tous milieux. La bidouille et le DIY numérique concernent tout le monde. De plus en plus de biens embarquent des systèmes numériques de nos jours, l’idéal serait que chaque personne soit capable de les comprendre et de les modifier à sa guise.
Sur le Web, il semble y avoir une grande communauté d’utilisateurs d’ARDUINO, qui montrent leurs productions, mais qui surtout donnent presque à chaque fois toutes les clés pour pouvoir les refaire ou s’en inspirer. Y a-t-il aussi une importante communauté en France? Est-ce qu’ARDUINO est davantage utilisé dans certains pays ?
A vrai dire, c’est une communauté qui ne se soucie pas des frontières, comme tout le reste de la communauté open source d’ailleurs. Il est vrai que sur Internet, le contenu au sujet d’arduino en français n’est pas fréquent, mais c’est aussi parce que, par convention, la langue de communication technique est l’anglais.
Au niveau local, il est souvent possible de trouver des structures qui regroupent des passionnés d’électronique, d’informatique. On peut par exemple citer les structures de type «hackerspaces», des lieux de bidouille pour tous ceux qui veulent modifier des appareils, les détourner de leur utilisation première, en créer à partir de pièces récupérées, laisser libre cours à leur créativité technologique. Les habitués de ces lieux sont souvent friands d’Arduino et de ses différentes déclinaisons. Renseignez-vous, il existe sûrement un tel lieu près de chez vous, et si ce n’est pas le cas, créez-en un !
Plusieurs associations existent sur Rennes, comme Haknowledge.org, qui font se rencontrer les passionnés et réalisent des projets (les Mardis Bidouilles). Cela va à l’encontre (et c’est tant mieux) du cliché du geek/nerd enfermé chez lui devant son ordinateur, ne parlant à personne et déconnecté du réel. Avec ces assos, on a au contraire l’impression que c’est plutôt le règne de l’esprit collaboratif, des bidouillages, et de beaucoup de fun… Vous êtes d’accord ?
C’est bien ce que nous avons recherché en mettant en place les Mardis Bidouilles dans notre hackerspace. Internet est un outil formidable pour permettre aux gens de travailler ensemble sur des sujets dématérialisés (logiciels, articles, etc…), mais dès lors que l’on a besoin de travailler à plusieurs sur un sujet matériel, il n’y a pas d’autre solution que de se réunir dans un lieu dédié à cette activité. Nous essayons de développer au mieux cet esprit collaboratif autour du bidouillage dans notre local (…).
Le Hacker n’est peut-être pas celui qu’on croyait. Ce n’est pas un pirate, mais plutôt quelqu’un qui veut comprendre, démonter, partager… Qu’en pensez-vous ?
Un hacker est quelqu’un qui, peu importe son âge, a gardé sa curiosité d’enfant et ne s’est pas résigné à voir les choses comme des « boites noires », c’est donc quelqu’un qui veut toujours apprendre et comprendre. C’est aussi quelqu’un qui ne peut se résoudre à utiliser les objets seulement pour ce à quoi ils ont été destinés. Par exemple utiliser un ouvre-boite pour découper un morceau de tôle peut-être considéré comme du hack.
Le numérique est donc un eldorado pour les hackers puisque les objets numériques sont souvent reprogrammables : il est donc possible de changer leur fonction et leur comportement, comme par exemple prendre une console de jeu portable et en faire un outil de mesure Wifi, etc.
Les gens qui, il y a 30 ans, ont inventé Internet, ceux qui de nos jours, dans les labos Google ou Apple imaginent des systèmes improbables, ces gens-là ne sont rien d’autre que des bidouilleurs, des hackers.
Il faut surtout comprendre que le terme « Hacker » est un terme générique.
On trouve des hackers qui utilisent leurs compétences pour améliorer la vie de chacun, on trouve des hackers qui militent pour ou contre des causes : les hacktivistes. On trouve aussi des hackers qui utilisent leurs connaissances à des fins criminelles ou mafieuses, ce sont seulement ceux-ci qu’on qualifierait de pirate. Il ne faut pas se méprendre, la majorité des hackers sont des gens bien qui n’ont rien à se reprocher.
Est ce que les ateliers Arduino sont aussi là pour susciter des vocations ?
Comme dans tous les domaines, il y a la peur de l’inconnu, tant qu’on a pas fait une chose soi-même, on pense que c’est difficile, on s’en fait des idées fausses. Cet atelier est là pour mettre un pied à l’étrier. Il y a fort à parier qu’une partie des participants deviendront des aficionados d’arduino ou même de systèmes plus complexes et plus puissants. Modifier son grille-pain pour qu’il envoie un twitt à chaque tartine n’est pas très compliqué avec les bons outils.
Beaucoup d’objets (numériques, mais pas que) autour de nous sont tous des « boites noires » que nous sommes incapables de réparer nous mêmes. Est-ce que la philosophie derrière Arduino n’est pas de vouloir changer notre attitude « soumise » à tous ces objets?
Exactement. C’est une philosophie basée sur la compréhension des objets et de leur fonctionnement. Il s’agit de démystifier les technologies et de se les approprier.
(…)
Merci beaucoup !
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Samedi 9 février et dimanche 10 février, de 14h à 18h au Jardin Moderne, 11 rue du Manoir de Servigné à Rennes. Renseignements et inscriptions numerique[at]jardinmoderne.org