Maintenant 2013 – Nuit Electronique 2, une faille spatio-temporelle ?

Nuit electronique 2 - Maintenant 2013 - Actress (8)Pour sa seconde Nuit Electronique de l’édition, Maintenant avait invité Actress, John Heckle, Delta Funktionen et MSH à l’Antipode. Compte-rendu les bras en l’air.

On arrive juste pour le début du set d’Actress. On regrette un peu d’avoir loupé MSH aux platines pour le warm up de la soirée. L’homme aux multiples casquettes et aux chimères époustouflantes, notamment connu sous le pseudo Mioshe pour d’autres réalisations, plastiques celles-là, ouvrait en effet cette seconde nuit électronique après avoir clôt la première soirée Expérience mardi soir au Tambour avec Ufodyssea, performance audio-visuelle menée avec Kiwisubzorus et pour laquelle notamment, on avait pu l’entendre derrière les platines. On n’a néanmoins pas le temps de s’appesantir sur nos regrets tant la déferlante Actress va nous centrifuger les sens en quelques minutes à peine.

Nuit electronique 2 - Maintenant 2013 - Actress (6)Le garçon, sans conteste l’un des plus talentueux compositeurs de sa génération, nous a déjà totalement vrillé la tête avec ses productions ambitieuses dont Splazsh en 2010 (album de l’année pour Wire, si on se souvient bien) qui l’a véritablement propulsé sur le devant de la scène et R.I.P. (2012), tout aussi acclamé. Ce soir, en dj set, Actress est planqué sous sa capuche, silhouette sombre qui se détache, fantomatique, sur une lumière or diffusée, cotonneuse, par un épais brouillard de fumées. Il s’efface, se cache même souvent, le nez plongé dans ses flight cases, accroupi derrière les platines, guide invisible d’une longue expérience sonore. Avec seule la musique à suivre.

Et quelle musique, mes aïeux ! Longues basses profondes et vénéneuses, beats massifs à inverser votre rythme cardiaque de lenteur, à vous faire transpirer des larmes de sang. Technique irréprochable. Actress maîtrise les platines sur le bout des doigts, et distille avec une classe à vous faire pleurer votre mère ses lentes mélopées rythmiques.

Pas d’effet de manches derrière les platines, pas de montées ostentatoires qui la ramènent pour voir une forêt de doigts se dresser sur le dancefloor ou même de rythmiques à 140bpm. Non juste ce son ample, qui vous enveloppe complètement, qui devient d’un coup aussi vital que l’oxygène et qui vous brûle les poumons. Lamentations tonales, dubstep oblique, vous rêvez de ne faire qu’un avec cette onde sonore qui remplit l’espace. Tension-libération, toujours avec finesse. Alors oui, on pense souvent à Maurizio, Basic Channel pour cette capacité à jouer des basses infectieuses. Et pour ce long travail de sape de tous vos repères.

On pense aussi à ce que disait Wire (n°338) du Monsieur, à savoir qu’il portait sa musique jusqu’aux marges de ce qui fonctionne sur un dancefloor. C’est exactement ça. A se jouer des lignes, à les franchir dans un sens puis l’autre, Darren Cunningham centrifuge vos sens. Et vous laisse, exsangue et extatique à la fin de son set. Complètement incrédule de voir que le temps est passé si vite. La classe intégrale.

Nuit electronique 2 - Maintenant 2013 - Delta Funktionen (8)Delta Funktionen qui enchaîne a l’air aussi ravi que nous. Le Hollandais laisse d’ailleurs le dernier titre se terminer complètement ainsi que quelques secondes de silence à la foule pour applaudir Actress qui tombe la capuche (avant de se recouvrir le crâne d’une serviette éponge) en remerciant la foule.

Le Hollandais commence alors un long dj set de deux heures idéal pour tout amateur de clubbing très légèrement dirty et de techno/house old school (la filiation musicale avec Drexciya semblait d’ailleurs évidente à l’écoute de son premier long format, Traces, 2012).

Le garçon sait construire son set, gérer les montées. Il coupe les basses, concasse ses rythmes, relance et repart. La pression va et vient, constante, entre de longues montées progressives et la libération des basses.

Nuit electronique 2 - Maintenant 2013 - Delta Funktionen (16)A la différence d’Actress, Niels Luinenburg joue des potards. Il monte les aigus, détache les claps ou fait ressortir les basses de ses vinyles. On suit donc le voyage proposé, les pieds en mouvement constant, comme la foule de clubbers qui semble complètement adhérer, suivant le chemin tracé par ses sillons. Et par les doigts qui se lèvent régulièrement.

Si le mix est finalement classique, il est parfaitement exécuté et Delta Funktionen prouve aisément qu’il connaît son sujet. On aurait bien sûr préféré davantage d’originalité et que le garçon parvienne à distiller autant de groove infectieux que ses modèles, mais force est de reconnaître que le set est mené avec doigté et surtout que le public est complètement dedans du début à la fin, tant la foule a côté de nous reste dense d’un bout à l’autre du set.

Question décor, un visuel accompagne chaque performance. En fond de scène a en effet été disposée une structure composée de formes géométriques de triangles blancs et noirs aux arrêtes métalliques. Les lumières changeantes en font un décor protéiforme tour à tour bleu, violet, blanc éclatant… Simple mais particulièrement réussi !

Nuit Electronique 2 - Maintenant 2013 - John Heckle (16)On applaudit le set efficace du Hollandais avant de se plonger dans le live du dernier artiste de la soirée, l’Anglais John Heckle (Mathematics / Tabernacle/ Creme Organization / Signals). L’homme était précédé d’une réputation flatteuse de dégommeur de dancefloor.

La rumeur était vraie. Pendant un peu plus d’une heure, le garçon va nous concasser les oreilles avec bonheur. Entre techno et house, avec une pincée de psychédélisme retors, le live de l’Anglais va nous faire danser littéralement jusqu’au bout de la nuit.

Rythmiques enchevêtrées qui se jouent du four on the floor, sonorités aliens à la X-102, estampillage house millésime nineties et électro spatiale : John Heckle nous propulse sur les anneaux de Saturne. On garde les bras en l’air, les pieds toujours en mouvement.

Nuit Electronique 2 - Maintenant 2013 - John Heckle (1)Le garçon est quand même sacrément doué. Son set déroule sans aucun temps mort, sans aucune baisse de régime. Derrière ses machines, il tourne des potards, lance des samples, des claps obsédants, des basses vrillées et toujours ces aigus acides qui vous percutent les tympans et ricochent d’un lobe cérébral à l’autre.

Aussi lorsqu’il arrête de jouer quelques secondes à l’heure donnée pour la fin de son set, on ne comprend pas vraiment. Comment diable se fait-il qu’il soit déjà le matin ?

Heureusement, John Heckle repart immédiatement pour un dernier baroud d’honneur, handclaps en tête (TR-707?). Un petit quart d’heure encore à user nos semelles sur le sol trempé par la condensation de l’Antipode au son des hymnes un brin thébaïques de l’Anglais.

On ressort de là heureux, convaincu par un line-up bien souvent passionnant. Mais encore complètement incrédule, on doit le dire, quant à l’heure annoncée par la montre à notre poignet…

 

_______________________________________

L’association Electroni[k] présente Maintenant du 15 au 20 octobre.

Pour plus d’1fos : http://www.maintenant-festival.fr/

Laisser un commentaire

* Champs obligatoires