A-t-on le droit d’être riche ? Est-ce de leur faute si Dieu a doté les Norvégiens de formidables réserves de pétrole ? Doit-on leur en vouloir d’être plus prévoyants que n’importe quel pays africain pourvu des mêmes ressources ?
Brut commence par la jeunesse de top model de Katrin et la série d’attentats qui a marqué le monde de cette époque, le milieu du XXIè siècle. Black February sera le nom de ce moment de basculement.
La Norvège s’apprête à en vivre un autre à l’occasion des élections. Le parti populiste FrP va-t-il remporter la mise ? L’ancien mannequin est devenue mère de trois enfants. Il faut caser Sigrid, avec Henryk, l’homme à la tête du fonds éthique chargé de voir si l’argent du royaume va aux bons investissements. Kurt Jensen, le parrain de la jeune fille, cherche à entrer au comité Nobel. Il entre en contact avec Geir Lund, ancien plongeur, abimé par ses séjours au fond de l’océan.
Pas évidente l’histoire de Dalibor Frioux. Est-ce du lard ou du renne ? A-t-on affaire à de l’humour de droite dans certains passages ou serait-ce qu’on n’a pas l’habitude d’être chatouillé à certains endroits ? Ecologie et extrême droite, prison et immigration, violence et virilité. Quand on retrouve des repères, comme les beautés froides nordiques, on peut tenter de nager dans ces eaux pas assez claires, comme cette « boisson » qui rend le pays riche et que l’on donne à goûter (!) à un aréopage cherchant un nom pour un super-champ pétrolier.
L’or noir n’est sans doute pas une chance. A la fin, tout se paye.
Dalibor Frioux
Brut
Seuil
490p, 21.50€
Odjéneb a une dette, envers son aîné. Il quitte donc son village pour se rendre à la ville de Sir, dans la plaine. Après s’être fait tabasser, il est recueilli par Djili, blanchisseuse, veuve, mère de Nasri et Shéra. Une nuit sous son toit et elle l’envoie trouver du travail chez Asral, le scribe, l’homme chargé de recopier les manuscrits où est écrite la parole d’Anouher, celui qui donna ses lois à Sir.
Le berger jouera le rôle du naïf auprès du maître. C’est-à-dire celui qui questionne, qui interroge les bases, apportant son langage archaïque qui remet en question les interprétations usuelles de la loi. Asral y trouve une quête. Sir et Hénab, l’autre ville de la plaine, s’en trouveront bouleversées.
C’est un conte, oriental si on veut. C’est un théatre, de marionnettes d’une certaine façon. Diane Meur ne manipule pas mais donne à voir, prend par la main, nous guide. Il y a beaucoup de malice dans « Les villes de la plaine », accompagnée de tristesse, d’inéluctable. L’amour y est simple, même quand il est compliqué. Simple dans les émotions, compliqué pour se trouver chez les uns, quasiment impossible pour le savant avec Djinnet, le jeune homme à la voix si pure.
Par ses sauts dans le temps vers ce XIXè siècle d’archéologues allemands qui fouillent les restes de la cité antique, l’auteure donne le vertige. Vertige du temps où, peut-être, nous ne serons plus compris.
(livre recommandé par Hélène, de la librairie « Tournez la Page », merci à elle pour celles-ci)
Diane Meur
Les Villes de la Plaine
Sabine Wespieser
372p, 23€
C’est une nuit qui dure une semaine. Une nuit à picoler. Bix fait ce qu’on fait dans ces cas-là : il dérive, il rencontre, il raconte et écoute des histoires. Il sait le faire, il est écrivain. Mais là ça va un peu plus loin.
Les histoires sont très bonnes, l’Europe aussi a ses contes, tel ce récit de « la femme et l’ours ». L’animal l’enlève, la cache. Il en arrive un fils. Il devient fort, part avec sa mère, vit des aventures avec ses 3 compagnons de route.
Oui, ça se passe à Paris. Oui, il est question de couple qui merdouille. Oui mais c’est drôle. Très. Enfin au moins jusqu’à ce que ce soit glauque. Ceux qui se sont perdus dans la nuit le savent.
L’écriture de Jaenada fait la différence. L’émule du fils de la femme et l’ours (Bix) digresse en permanence et l’auteur use et abuse des parenthèses. Ceux qui ont traîné au comptoir savent que l’anecdote se cache dans la réflexion qui se cache dans … si on ne perd pas le fil.
Il paraît qu’il y a plus de lectrices que de lecteurs, aujourd’hui (et de moins en moins globalement). Dans une librairie rennaise où les prénoms des recommandatrices sont indiqués sur les ouvrages conseillés, on peut se demander s’il existe des romans masculins ou féminins.
Un type qui déconne pas mal, plutôt lâche, faisant beaucoup dans l’autodénigrement, voulant revoir son fils, s’inquiétant de la psychologie de sa femme, se sachant déjà plus vieux mais pas encore vieux, ayant envie d’une autre, mais capable de sursaut quand même parfois, ça peut parler à ceux qui lisent.
A ceux qui ont perdu des gens en route. A ceux qui tentent maladroitement. A ceux qui s’accrochent aux branches.
(livre recommandé par Jérome, de la librairie « Alphagraph », merci à lui pour le rire et les sourires)
Philippe Jaenada
La Femme et L’Ours
Grasset
310p, 19€
Envie de tout lire. Vivement les vacances !
Merci Fix pour ces chroniques.