Les lendemains de fête sont parfois difficiles. Même pour la SNCF…
Déjà, l’inauguration des deux nouvelles lignes LGV lors du premier week-end de juillet a provoqué quelques remous et grincements de dents à cause de la somme astronomique dépensée. Eu égard à la dette du groupe, près de 45 milliards d’euros(1) et en période de restriction budgétaire, ça faisait un peu tâche de voir un happy-hour avec autant de caviar dans un wagon-bar(2). Même E. Macron malgré ses douloureuses dépenses de maquillage(3) se serait moqué du « plaisir coupable des inaugurations » devant Guillaume Pepy, le président de l’entreprise de transports(4). Mais l’honneur fut sauf avec l’arrivée triomphante du 1er LGV en gare de Rennes à 18h15, soit 1h25 après son départ de Montparnasse devant les caméras pour immortaliser l’instant. Et puis, le mois de juillet est passé…
Comme tous les mois, la SNCF met en ligne les données en Open-Data concernant la régularité des TGV. Saluons cette transparence. Mais que nous disent ces chiffres pour le mois de juillet sur la régularité de la ligne Rennes-Paris / Paris-Rennes depuis la mise en route de la LGV Bretagne ? Pour faire simple : ils ne sont pas bons. Mais alors pas bons du tout… ils ont carrément déraillé !
Trains annulés
Alors que de Janvier à Juin 2017, le nombre moyen de trains annulés était de 2 dans le sens Paris-Rennes et de 3 dans le sens Rennes-Paris, il n’y a eu pas moins de 16 trains annulés dans le sens Paris->Rennes et de 14 trains annulés dans le sens Rennes-Paris au cours du seul mois de Juillet 2017. L’ensemble des trains annulés au cours des 5 premiers mois de l’année correspond au nombre exact de trains annulés pour le seul mois de juillet. Joli score ! L’année dernière à la même période, en juillet 2016 donc, aucun train n’a été annulé !
Trains en retard
Avouons-le, la courbe de la régularité des TGV sur la ligne Rennes/Paris dévissait depuis le mois de Février. Il suffit pour s’en convaincre de regarder régulièrement les réseaux sociaux notamment Twitter pour découvrir de nombreux témoignages d’usagers exaspérés.
Destination Montparnasse déjà 1h40 de retard … @SNCF malheureusement les problèmes sont récurrents … 😤#SNCF #montparnasse #galère
— Virginie (@Virginiemaiti) 17 juillet 2017
@SNCF : TGV n°5337. 1h de retard et nous voilà à Rennes, à attendre notre conducteur qui arrive…d’un train en retard ! Inouï !
— Anne-Laure Thomas (@annlann) 7 juillet 2017
Merci à la @SNCF du grand retard (Plus de 3h 30) sans aucune reele prise en charge rennes Paris, dois je vois envoyé ma facture de taxi?
— Levi Carter © (@Levicarter2017) 30 juillet 2017
Le mois de Juillet n’échappe pas à la règle et l’arrivée de la LGV semble surtout accentuer le phénomène. De 84% de trains arrivés à l’heure en juin 2017 dans le sens Paris-Rennes, on tombe à 74%. De 78.6% de trains arrivés à l’heure dans le sens Rennes-Paris, on tombe à moins de 70% en juillet 2017.
Heureusement que nous n’habitons pas Quimper, la régularité stagne lamentablement autour des 16% de trains à l’heure dans le sens Paris-Quimper.
Paris Quimper en 6H20 #SNCF 2h20 de retard … on y croit. Il va finir par arriver ce #tgv
— Jacques Bouleau (@jacquesbouleau) 17 août 2017
Pannes à répétition…
Pour expliquer ce constat peu flatteur, il est bon de rappeler que la panne géante en plein week-end de chassé-croisé entre juillettistes et aoûtiens à Montparnasse a secoué ce colosse aux pieds d’argile qu’est la SNCF et a engendré trois jours de pagaille (retards, trains supprimés…). D’ailleurs, le dirigeant de la SNCF a avoué que les travaux dans le cadre de la mise en service des nouvelles lignes à grande vitesse vers Rennes et Bordeaux étaient à l’origine de la panne(6)(7). Mais ce n’est pas la seule panne estivale ! Par exemple, le 13 juillet, un défaut d’alimentation électrique a perturbé 13 TGV et le 17, c’est une rupture caténaire qui a touché 75 TGV.
Ces pannes à répétition ont malgré eu l’effet « bénéfique » de révéler l’urgence des besoins de maintenance et de modernisation d’un réseau ferroviaire vieillissant. Quand on sait que la minute gagnée entre Rennes et Paris a coûté 100 millions d’euros, le budget total de la LGV Bretagne étant de 3.3 milliards d’euros, on est en droit de se demander si la priorité donnée aux lignes à grande vitesse n’a pas empêché la modernisation des infrastructures existantes. Certains investissements n’auraient-ils pas pu mieux être répartis afin qu’ils profitent à tout⋅e⋅s ? « Ce que l’on paie, c’est la stratégie de la SNCF et de l’Etat de miser prioritairement sur les lignes grande vitesse (LGV) », indiquait déjà Marc Fressoz, auteur de « Faillite à grande vitesse ». En 2010, la Cour des Comptes dénonçait elle-même des retards d’investissement accumulés depuis 20 ans pour le réseau dit historique de par cette stratégie(9)(10).
Attendons les chiffres du mois d’août pour affiner l’analyse.
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(1) Ces 6 chiffres inquiétants qui minent la SNCF
(4) SNCF. L’inauguration de la LGV aurait coûté entre 3 et 6 millions d’euros
(5) Montparnasse: une panne géante révélatrice d’un réseau vieillissant
(6) Panne à Montparnasse: « Les travaux de la LGV » sont responsables, selon la SNCF
(7) Panne de signalement de Vanves-Malakoff (92)
(8) Incident à Montparnasse : trafic fortement perturbé entre l’Ouest et Paris
(9) Les lignes grande vitesse, seules responsables des maux du réseau ferré français?
(10) Rapport de la Cour des Comptes
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[24 Juillet 2017] – Un jour, un dessin… LGV en 1h30 : La Grande Vanne !
Je peux confirmer l’urgence de mettre à niveau les réseaux des TER qui permettent aux locaux de se déplacer au quotidien, à l’image de l’axe Grenoble-Lyon qui subit pannes et retards en permanence.
Et dire que certains élus râlent de ne pas voir aussi de LGV se développer entre Grenoble et Paris. Cela laisse pantois…