Vous avez déjà peut-être croisé les photographies de Sarah Le Fournis, aka La Menace, cet été, lors du festival Quartiers d’Été. Elle y montrait ses travaux tirés de longs séjours dans les villes d’Amérique latine marquées par les luttes sociales contemporaines, thème qui constitue l’un de ses points d’intérêts principaux. Elle expose aujourd’hui au bistrot de la Cité, rue Saint-Louis, une longue série de portraits de Rennais, galerie érigée en alternative et en clin d’œil aux « 1OO qui font bouger la ville » de certaines couvertures de journaux.
Sarah est bretonne, mais c’est en Colombie qu’elle s’est formée à la photographie, et c’est l’Amérique du Sud qui lui a fourni ses premiers thèmes de travail. Partie au Chili pour se confronter à un chantier humanitaire, elle y découvre une effervescence politique, où la rue est sans cesse transformée en tribune des activismes sociaux et artistiques. Immergée dans les manifestations de Santiago à Mexico DF, elle en témoigne alors par de magnifiques photos où l’urgence et l’oppression policière voisinent toujours avec une certaine forme d’allégresse des manifestants. « Même si les thèmes que je porte sont les droits, en général, les violences, l’oppression de l’état, des médias, j’essaye d’y associer, dans mes portraits ou mes photo-reportages, un visage joyeux, résistance allègre au pouvoir en place (l’alegria)« .
Sarah pratique le reportage et le portrait, avec autant d’empathie pour les deux. Cette fois-ci, au Bistrot de la Cité (où elle travaille), à Rennes, c’est cette dernière technique qu’elle aborde, avec une idée originale: « l’idée est née pendant une conversation de comptoir, alors que je cherchais à prolonger l’énergie de mon expo aux Quartiers d’Été. La vue d’une couverture associant les portraits de cent personnalités rennaises qui font bouger la ville m’a donné l’idée de proposer une galerie de portraits, de personnes croisées au Bistrot ou place Ste-Anne, acteurs de la vie nocturne et culturelle rennaise (qui font bouger la ville dans les milieux nocturnes ou culturels)« . Elle l’appelle « Halte à la sinistrose, l’expo des vedettes », on pense à une création d’archivage, où chacun des 85 portraits apparait dans la même mise en page.
N’y voyez pas seulement une galerie d’amis ou de clients, la photographe n’a pas fonctionné seulement à l’affectif. Beaucoup de sujets photographiés ont un point commun avec l’auteure: beaucoup sont intermittents, précaires, ou artistes ne pouvant pas vivre totalement de leur art. Dans l’exposition, on découvre ainsi une photographie du mouvement des précaires et intermittents en manifestation silencieuse, Place du Parlement, au Printemps dernier. Sarah envisage de proposer cette exposition en dialogue avec de futurs travaux en Amérique du Sud, où la question de la création serait centrale: comment peut-on vivre de la création aujourd’hui, au Chili ou en France? Elle souhaite ainsi, par exemple, briser le cliché de la création et de ses métiers privilégiés, en France, où chaque artiste pourrait vivre de sa passion.
Halte à la sinistrose
Bistrot de la Cité, 2 au 22 octobre,
Photographies de Sarah Le Fournis, Aka La Menace.