Apnée – Le bien être sous l’eau – Arthur Guérin-Boëri

La commission apnée de la ffessm (Fédération Française d’études et de Sport Sous-Marins) d’Ille et Vilaine organisait début avril, un colloque sur l’apnée à destination d’un public averti ou de pratiquants voulant creuser leurs connaissances sur le sujet. Un parterre d’experts était invité pour discuter, de l’entrainement, des techniques de nage, des accidents et de l’adaptation du corps à l’apnée. Ce fut une journée riche car elle permit, même pour des pratiquants expérimentés d’approfondir leurs connaissances : l’apnée est une discipline jeune et encore très peu étudiée.

Bien sûr, l’homme nage et plonge depuis la nuit des temps, mais très peu de choses nous sont parvenues. Il y a bien ce pêcheur d’éponges grec qui aurait récupéré une ancre d’un navire de guerre italien à 80 m de fond au début du XXème siècle. On connaît aussi les Amas, ces pêcheuses huîtres perlières au Japon, mais sinon pas grand-chose. En fait, la connaissance et l’essor de l’apnée en temps qu’activité sportive sont principalement dus à 2 personnes : Enzo Maiorca et Jacques Mayol. Leur aventure a été romancée et fantasmée par le film à grand succès de Luc Besson, Le grand bleu. Le film a ses qualités et ses défauts, mais comme souvent, une bonne histoire ne tient que si on peut y jouer un drame. Sans drame, pas d’intrigue.

Jacques Mayol, joué par Jean-Marc Barr a vécu enfant le deuil de son père, et durant tout le film, il doit chercher une bonne raison de remonter à la surface au lieu de rester avec son père dans le grand bleu. Bizarrement, de tous les apnéistes que j’ai pu croiser ou entendre, jamais personne n’a voulu rester au fond de l’eau. Dans la vrai vie, par contre, l’apport de ces 2 personnes est primordial. Longtemps on a cru que sous l’effet de la pression, disons, entre 30 et 40 mètres, la cage thoracique s’effondrerait. Bien sur, Mayol et Maiorca réussirent à plonger bien au-delà de cette limite théorique, mettant en évidence un mécanisme réflexe, le Bloodshit. Concrètement, le corps va donc envoyer du sang vers les poumons pour protéger le thorax. C’est l’une des adaptations du corps à l’apnée, que l’on appelle, le réflexe d’immersion. Une autre de ces conséquences, c’est une diminution du rythme cardiaque et d’une redistribution du sang vers les organes nobles, cerveau, cœur, poumon. Exactement comme les mammifères marins.

Le succès du film va avoir pour conséquence la création de l’AIDA (Association Internationale pour le Développement de l’Apnée) à Nice. La FFESSM, rattache elle l’apnée à la commission ‘chasse sous marine’ puis en 2004, crée une commission spécifique. Dés lors, le développement de l’activité apnée est lancée. Depuis les performances explosent et mises à part les descentes en no-limit, c’est à dire, comme dans le grand bleu où l’apnéiste descend à l’aide d’une gueuse et remonte avec un parachute gonflable, les accidents sont assez rares. Mais il faut respecter la règle d’or de l’apnée. On ne pratique jamais seul !

Le principal risque en apnée, est la syncope hypoxique, c’est à dire que l’oxygène que l’on a emmagasiné diminue tellement que le corps se met en ‘stand by‘. L’apnéiste perd donc conscience et subit une atonie musculaire afin de préserver l’oxygène restant pour le cerveau. L’oxygène continue de diminuer jusqu’au moment où le corps provoque une respiration réflexe. Si l’apnéiste est toujours immergé, il va inhaler de l’eau et se noyer. Donc la surveillance mutuelle est primordiale lors de la pratique de l’apnée afin de secourir son binôme en cas de problème.

Mais concrètement, qu’est ce que l’apnée ? Il s’agit uniquement de retenir son souffle, de faire cet acte complètement contre-nature, d’arrêter de respirer. Paradoxalement, retenir son souffle implique d’apprendre à respirer. On respire inconsciemment 10 à 15 fois par minute, et à chaque inspiration on va renouveler un 1/2 litre d’air. Sur les 4,5 litres disponibles, c’est peu. Alors on va donc apprendre à optimiser le remplissage de ses poumons en utilisant les techniques des yogi, comme le Parayama. Là encore, l’idée vient de Jacques Mayol, tout comme l’utilisation de la méditation et des techniques de relaxation. Car si l’apnée est une activité physique, c’est au moins pour moitié une activité mentale, un dialogue intérieur qui doit lutter contre cette soif d’air. La conjugaison, voir l’équilibre de ces 2 forces, le physique et le mental associé à la respiration, procure aux apnéistes un immense bien être.

C’est tout cela que nous conte Arthur Guerin-Boërie au travers de son histoire. Cet attrait de la mer qu’il découvrit très jeune sur la côte méditerranéenne. Puis le jeune adulte à Paris qui décide de se remettre à faire du sport et qui se laisse tenter par l’apnée. Et c’est là que l’histoire s’emballe. En 6 ans, Arthur va faire tomber le mur mythique des 300m en apnée dynamique. Il s’agit d’une discipline où il faut parcourir sous l’eau la plus longue distance possible. En comparaison, c’est comme courir le 100m en moins de 10′ et sans dopage … !! L’apnée on l’a vu, est une discipline du bien être. Quand on s’entraîne, on ne cherche pas à sortir de sa zone de confiance, on l’élargit. On est bien loin du discours dominant qui par la recherche du toujours plus, brise les sportifs. En apnée, on évite de se mettre en danger, et Arthur en parfait exemple, n’a jamais fait de syncope de sa vie. On ne peut guère faire mieux pour se préserver.

Ce discours repris par Christian Vogler et Guillaume Lescure respectivement entraîneur de l’ équipe de France et coach d’Arthur, durant le colloque a une fois de plus surpris le public. On peut s’entraîner au plus haut niveau sans jamais forcer inutilement. L’entrainement doit être stratégique, il ne doit jamais dégoûter le pratiquant. A titre d’exemple, Athur n’a jamais dépassé les 150m à l’entrainement, soit la moitié de la distance de son record mondial. Cela laisse rêveur non ?

Pour conclure, le livre d’Arthur Guerin-Boërie est un ouvrage d’une limpidité déconcertante et on espère qu’il vous amènera comme lui, à essayer l’apnée et pourquoi pas, faire tomber un nouveau record ? Mais si vous avez bien suivi, la course aux records n’est pas une fin en soi en apnée. Le plus important, même si vous aimez performer, c’est le bien être sous l’eau.

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