En guise d’apothéose de son dithyramb’hic mois de mars, l’association rennaise Alambik s’acoquinait avec le festival Sonic Protest pour une très belle soirée du 18 mars. Il fallait se rendre zone de Lorient aux Agités du Bocal pour avoir le bonheur de se prendre en pleine face la furie incontrôlable des mythiques The Flying Luttenbachers, les splendeurs alambiquées du superbe troisième album de La Terre Tremble!!! en live et les détours imprévisibles de 178°.
Avec pour programme : deux groupes du coin qu’on suit de très près et une légende américaine des musiques libres et barrées, c’est peu dire qu’on attendait de pied ferme cette soirée du samedi 18 mars. Nous nous sommes même arrangés pour avoir l’occasion de causer en amont des concerts avec les deux premières formations. Guettez attentivement nos colonnes, car l’entretien avec La Terre Tremble !!!, lors duquel nous avons principalement causé de leur merveilleux dernier disque, fut diablement riche et l’échange avec le trio 178° fut joyeusement chaotique. Bonne nouvelle, nous ne sommes pas les seuls à avoir été émoustillés par l’affiche de la soirée et un public conséquent et joyeux va progressivement investir le lieu. On appréciera d’ailleurs beaucoup l’accueil et la gentillesse des hôtes. Comme quoi ce sont souvent les lieux les plus roots qui sont les plus chaleureux.
C’est le trio rennais 178° qui ouvre les festivités. Nous avons eu le privilège d’entendre leurs tonitruantes balances et nous nous attendions à une belle détonation sonore, sauf que la matériel va en décider autrement. On retrouve d’abord tout ce qu’on aime dans le groupe : son éclectisme sauvage, ses rythmiques concassées, ses textures sonores toujours surprenantes et ses harmonies de voix fragiles et mélancoliques. Sauf que l’on se rend compte assez rapidement que rien ne semble vraiment aller comme cela devrait. Les machines semblent avoir décidé de se greffer une volonté propre et les plantages et autres arrêts impromptus vont s’accumuler. Dommage pour les nouveaux morceaux dont on n’entendra qu’une version tronquée ; par contre, le dépouillement ne nuit pas vraiment à l’ensemble. Ce dénuement finalement pas désagréable met en pleine lumière la qualité des compos et des arrangements vocaux. Le set se révèle donc très plaisant dans son ensemble mais aussi frustrant par son côté tronqué. Rendez-vous donc au prochain concert en leur souhaitant des conditions techniques un peu moins chaotiques.
Avec cette nouvelle tournée française, The Flying Luttenbachers font leur retour inespéré après dix ans de hiatus. Le trio américain mené à la baguette par Weasel Walter va rapidement montrer qu’ils n’ont rien perdu de leur folie scénique malgré les années qui filent. Très classe dans leurs costards, les gars défouraillent avec un humour pince-sans-rire et une énergie assez irrésistible leur free noise bourrée de breaks, d’accélérations foudroyantes, de rythmiques déconstruites, de riffs dissonants et de basses enragées. Ce chaos sonore hyper-maitrisé devrait tout avoir pour nous réjouir mais nous allons pourtant rester un peu en dehors de la chose au final. Ils font pourtant tout ce qu’il faut pour nous englober dans leur maelstrom mais on va progressivement se détacher du set pour au final le trouver un peu redondant. On aurait vraiment aimer se laisser emporter mais, malgré la qualité évidente du concert, ce ne sera pas pour cette fois.
Le concert qui nous a le plus épaté et aussi le plus frustré fut bien celui de La Terre Tremble !!!. Depuis sa sortie le 3 mars dernier, nous nous passons en boucle Fauxbourdon, leur quatrième album et à chaque nouvelle écoute, on se pince pour vérifier qu’on ne rêve pas une telle qualité d’écriture et de finesse sonore. Vu la subtile complexité du disque, le passage au live était un vrai défi. On va vite se rendre compte de l’énorme boulot abattu par Julien Chevalier, Benoît Lauby et Paul Loiseau. Chaque morceau, y compris ceux de leur album précédent Salvage Blues, a été entièrement démonté à la main puis reconstruit avec une précision d’orfèvre. Le groupe a aussi profondément remanié son approche de la scène. Il y a d’abord l’évolution du matériel. Si la batterie garde sa place au cœur du dispositif, les guitares sont désormais en retrait et les synthés prennent la part du lion de l’espace scénique. On sent par contre une volonté de ne pas laisser les claviers envahir aussi l’espace musical et l’équilibre entre les différents instruments a visiblement été soupesé avec soin. On note aussi une évolution radicale dans l’attitude. L’énergie du groupe reste palpable mais elle est juste domptée ce qu’il faut pour qu’elle ne prenne pas le dessus. Les morceaux s’enchainent et on est fasciné par cette capacité à remettre aussi profondément en question ses habitudes de scène. Les morceaux y gagnent une profusion de détails, une finesse du jeu rythmique et d’utilisation des synthés, le plus chouette restant la qualité de l’interprétation des harmonies vocales. Ça aurait donc du être un pur moment de magie mais rien n’aura été décidément simple dans cette soirée.
Le mérite du groupe ce soir-là n’en aura été que plus grand que les nombreuses intrusions sur scène d’un olibrius coutumier du fait vont ajouter une nervosité, des ruptures et une tension dont ils se seraient bien passé. Bravo à eux d’avoir réussi à garder leur calme et tenu un set d’une telle qualité jusqu’à son terme. Dommage pour nous que ces interruptions répétées n’aient empêché le concert d’atteindre les sommets qu’ils auraient pu tutoyer.
Nous sortons de là, à la fois impressionné par la superbe évolution de La Terre Tremble !!! et déçu d’avoir cependant le sentiment d’un rendez-vous manqué. Celui que l’on ne ratera par contre sous aucun prétexte, ce sera celui du retour du groupe le 1er juin à l’Ubu. On a hâte d’avoir l’occasion de voir comment le set a encore évolué et surtout d’apprécier les morceaux sans formule quatuor.
Merci et bravo aux artistes, à l’Alambik, au Sonic Protest et aux Agité du Bocal pour cette, malgré tout, très chouette soirée qu’on espère être la première d’une longue série. Le Sonic Protest revient d’ailleurs très vite avec une très prochaine soirée au Terminus dont on vous reparle très vite.