Une association de petits éditeurs rennais vient de se monter. L’occasion d’échanger avec Jean-Marie Goater, son président.
Alter1fo : Peux-tu nous présenter la Rennaise d’édition ?
Jean-Marie Goater, Président de la Rennaise d’Edition : La Rennaise d’édition est une nouvelle association de « petits » éditeurs de Rennes et du pays de Rennes. Actuellement, nous sommes 11 et ensemble nous publions une cinquantaine de livres par an.
Quels sont ces éditeurs ? Dans quels champs travaillent-ils ?
Voici la liste des éditeurs à ce jour :
L’Age de la tortue (éducation populaire, poésie, photo, récit)
Éditions de Juillet (photo, littérature, patrimoine, histoire)
Éditions Goater (littérature, essai, jeunesse)
Éditions du Kyste (livres contre l’aéroport de Notre Dame des Landes)
l’Oeuf (Bande dessinée d’auteur)
Sav-heol (grammaires et littérature jeunesse en breton)
Pontcerq (essai, critique littéraire, politique)
Éditions du Coin de la rue (beaux livres, sport)
Éditions de la rue Nantaise (littérature, polar)
Les Portes du large (histoire, patrimoine, bretons voyageurs)
Les Perséides (littérature, histoire, essai)
On imagine que tous ces gens se rassemblent pour devenir plus costauds. Quel est le but de l’asso ? Comment fonctionne-t-elle ?
C’est une toute jeune asso qui doit inventer son fonctionnement.
L’édition est souvent le fruit du travail singulier d’unE auteurE et d’unE éditeurTrice, il n’est donc pas commun d’organiser une vie collective d’éditeurs/éditrices.
Nous pensons que collectivement, nous pouvons nous renforcer individuellement et trouver plus de lecteurs/trices pour nos livres. En améliorant notre visibilité, en adoptant des outils communs comme un site portail, un catalogue, en se déplaçant en groupe sur des salons, dans des librairies, dans des bibliothèques, dans des villes, en ouvrant un local sur Rennes.
Nous sommes volontaires pour participer à toutes sortes d’initiatives culturelles sur Rennes, co-éditions, projets multi-supports, échanges artistiques.
OK. Est-ce qu’on peut avoir l’adresse de ce site ? Est-ce que ce local est déjà ouvert ? Et dans ce cas où le trouve-t-on ?
On n’a pas de local actuellement, c’est un projet. Actuellement la plupart des éditeurs travaillent chez eux.
Tu parlais de « petits » éditeurs. Pour qu’on puisse se rendre compte (la plupart des gens n’ayant pas de notion sur l’économie du livre en France), peux-tu nous dire à combien d’exemplaires en moyenne sortent les livres qui viennent de chez vous ? Vous êtes tous de tailles comparables ?
Qu’est-ce qu’un petit éditeur ? Vaste question. Car celui qui est petit n’a pas vocation obligatoirement à le rester. De même, si nous nous rassemblons, ce n’est pas parce que nous sommes similaires mais bien parce que nous sommes différents et complémentaires.
Alors en effet, comparativement, nous sommes des petits éditeurs par rapport à d’autres plus connus. L’économie du livre est dominé par quelques grands groupes d’édition : Hachette, Lagardère, Gallimard… Ces groupes contrôlent bien souvent une partie de la chaîne du livre qui va de l’édition au libraire réel ou virtuel en passant par l’impression et la distribution.
A côté de ces mastodontes, il existe une multitude d’éditeurs de taille très hétérogène. Entre Actes Sud, Ankama ou La Fabrique, ce n’est ni la même démarche, ni les mêmes réalités économiques. Ainsi, lors de la création d’une association d’éditeur, à moins d’être un syndicat, il y a forcément une démarche affinitaire. Sur les tirages, cela va d’une centaine (en numérique) à plusieurs milliers (9000 pour Détachez vos ceintures des Éditions du Kyste). L’édition fait rêver. On s’imagine que les auteurs vont devenir célèbres et riches et que les éditeurs roulent sur l’or. Ce n’est pas la cas. La rémunération des auteurs est très faible comparativement à d’autres professions artistiques et les éditeurs sont plus souvent bénévoles qu’autre chose.
En résumé, on peut dire que La Rennaise d’édition rassemble des éditeurs qui pratiquent le compte d’éditeur et qui publient moins de 10 livres par an. Le compte d’éditeur est la pratique normale de l’édition, c’est-à-dire que l’éditeur s’engage à assumer les risques financiers et ne demande pas une participation d’ordre financière aux auteurs (pratique décriée du compte d’auteur et ses dérivés).
Qu’en est-il de vos rapports avec les librairies sur Rennes et les alentours ? Je crois que toi-même tu es à la fois éditeur et libraire (entre autres).
D’une manière générale, le travail des « petits » éditeurs est mal connu des librairies. Les libraires sont submergés par une production éditoriale nationale très importante et par les flux financiers qu’elle engendre. Ils ont peu de temps à consacrer à la découverte de livres qui n’ont pas la même capacité d’apporter à leur commerce des recettes importantes.
Notre association vise à mieux faire connaître aux libraires et aux bibliothécaires notre production éditoriale. Par le biais d’animations, de rencontres, de discussions. Car, de notre point de vue, l’édition hors de Paris est possible. Sans éditeur, pas de livres et donc pas de bibliothèques ni de librairies. De plus, l’édition rennaise nourrit le monde du livre localement. Elle dynamise la création littéraire et le débat intellectuel. Elle stimule les réseaux de lecteurs et d’auteurs.
Il me semble que les librairies et les bibliothèques devraient soutenir les éditeurs rennais avec un peu plus de vigueur. Aucun éditeur parisien ne s’intéresserait par exemple à la Bande dessinée d’auteur rennaise ou à l’histoire du féminisme local. Et pourtant ces sujets sont riches et porteurs de sens et de débats. Enfin, en dépassant les sujets locaux, et pour obtenir une meilleure reconnaissance en Bretagne et dans toute la France, un soutien local est toujours déterminant. M’enfin, nul n’est prophète en son pays.
La bibliodiversité est une « nécessité absolue ». Sans elle, l’uniformisation culturelle sera encore plus forte.
OK. Puisque je te tiens, j’insiste pour que tu nous parles du Papier Timbré. Tu nous racontes ce lieu ?
Le Papier Timbré est un café qui aime les livres, la création et la passion. On y déguste des produits locaux et/ou bios dans une ambiance décontractée. Au moindre rayon de soleil, les terrasses sont de sorties et illumine nos esprits. Pleins de projets naissent au PT, comme des maisons d’édition [les Editions Goater et celles du Kyste], des concerts, des rencontres. Mais aussi un jardin partagé [projet présenté le 17 avril au bar], un repas de quartier, la kermesse du quartier [la prochaine a lieu le 11 mai]. Les Paniers Hiroko, sorte d’amap, distribue ses paniers de légumes bios une fois par semaine. Et les documentaires, les débats, sont fréquents.
Le Papier Timbré s’inscrit dans le réseau des Cafés-librairies de Bretagne bien que l’activité librairie est en sommeil du fait de l’obstruction des propriétaires des murs du bar. De même, les formations musicales sont plus rares à s’y exprimer. Mais là, c’est un problème récurrent en ville. Faut croire que l’intolérance contre les concerts dans les bars a gagné la partie. Merci la Préfecture et la Mairie. Heureusement, la musique n’est pas absente du lieu. Parfois un orgue clandestin ou une guitare, protégé par un cordon d’amateur, brave le silence spectrale de la ville et ouvre les portes de la mélodie des cœurs.
En 2013, le Papier Timbré va sans doute évoluer. Une nouvelle équipe, un nouveau projet. Le mouvement, y’a que ça de vrai.
Pour finir, quelles actualités pour les gens de la Rennaise ? Pour les éditions Goater en particulier ?
L’association sera présente à Atlantide, nouveau salon des littératures à Nantes qui se déroule fin mai.
Les Éditions Goater s’apprêtent à vivre, une évolution déterminante. Un nouveau diffuseur-distributeur, Coop Breizh, qui va nous permettre de mieux faire connaître nos publications, et un programme très riche : pleins de nouveaux livres,en juin : un cahier de vacances pour découvrir une certaine Bretagne et la langue bretonne, et un roman de l’auteur nantais Sylvain Chantal, puis à la rentrée, entre autres, un livre sur la galette-saucisse, une anthologie de textes de science-fiction et un polar de Fred Paulin qui inaugure une nouvelle collection.
Super. Bonne nouvelle pour l’ami Fred.
Je prends date pour les livres sur la galette-saucisse et la SF, deux de mes passions.
Merci beaucoup.