La Jardin Moderne – 4 concerts, 1 expo. Et puis Trunks.

2013-02-TRUNKS-alter1fo 12Encore un sans-faute pour le Jardin Moderne qui nous avait concocté une nouvelle fois une parfaite soirée ce jeudi 28 février. On a applaudi, transpiré, crié, hurlé même. Quatre concerts, une expo. Misst1guett, The Enchanted Wood, The Wâll Factory, Filiamotsa. Et puis Trunks. Trunks. Trunks. Compte-rendu.

En entrant dans le Café Culturel, ce jeudi soir, une immense fresque nous accueille sur le grand mur derrière la scène. C’est l’œuvre de Mist1guett [interview ici] dont le vernissage de l’exposition a lieu ce soir.

Des usines de nuages : l’expo de Misst1guett

Réalisée en mêlant dessins et créations à la craie, la fresque nous invite à pénétrer dans l’univers fantasque et coloré de la jeune graphiste-illustratrice, diplômée de l’école Boulle, avec trois têtes de profil, surgissant, telles des volutes de fumée, de trois cheminées industrielles : « Hi ! Welcome to my cloudy home » expliquent-elles.

2013-02-The_Wall_Factory-alter1fo 2Et pour cause : Misst1guett travaille en effet sur la communication visuelle de l’artiste The Wâll Factory et a notamment réalisé son premier clip pour le projet du musicien. Fabriqué à partir de dessins qu’elle a ensuite photographiés puis progressivement animés, le clip (Cloudy Home, donc) a nécessité pas mal de matière. Que la jeune femme a souhaité mettre en valeur en proposant au Jardin Moderne de monter une exposition pour montrer l’envers du décor. Reprenant les dessins utilisés pour la réalisation du clip, mais en les réorganisant parfois pour renforcer la cohérence de l’exposition, Misst1guett a ainsi recouvert les murs de petites vignettes minutieuses de nuages colorés sur une chaîne de montage industrielle, de murs de brique, de bouches qui s’ouvrent ou de colombes à cœurs ouverts, auxquels les collages et découpes donnent davantage de relief.

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The Wâll Factory : solo dans les nuages

Ce sont d’ailleurs les images animées du clip qui accompagnent le concert de The Wâll Factory dans le Café Culturel ce soir. L’ancien chanteur de Lebowski nous avait expliqué [] avoir eu envie de mêler « deux symboles forts (…) l’usine et le bison » , l’un représentant « l’industrie, les machines, le travail, la fumée. Un univers froid, mathématique, binaire » ; l’autre reprenant « le côté animal, libre, vivant, coloré, incarné par un bison (un coup de cœur et une figurine amérindienne psychédélique, lors d’un voyage au Mexique) » . Le clip diffusé en boucle derrière le musicien durant toute sa prestation reprend ainsi ces deux symboles déclinés avec force couleurs. Si vous ajoutez à cela deux petites lampes champignons colorées de part et d’autre de l’ordinateur du musicien, vous aurez une petite idée de l’univers coloré et intimiste que le garçon s’efforce de créer.

2013-02-The_Wall_Factory-alter1fo 6Le musicien nous avait ainsi expliqué avoir « été « voir des projets solo en concert, pour analyser les configurations et adapter la [s]ienne à [s]a sensibilité, [s]on caractère et [s]a non technique. » Tout seul sur sa petite scène, le jeune homme alterne principalement entre guitare (acoustique ou électrique) et accordéon et s’accompagne de boucles lancées sur son ordinateur. Ses morceaux, plutôt pop-folk dans l’esprit, rappellent parfois Beck période Odelay. Le projet n’en est encore qu’à ses prémices et s’avère encore un peu jeune pour être totalement abouti. Néanmoins, malgré quelques problèmes de justesse (le café culturel est bien plein et le stress doit y être pour quelque chose), la prestation est fort honnête et pleine de promesses pour l’avenir. Le musicien nous avait d’ailleurs confié :  » The wâll factory est un projet de vie en chantier, je ne suis pas pressé, (…). Il y a toujours des clips en cours de construction, des remises en question sur la configuration scénique et sûrement, des partenariats futurs, au gré des rencontres. » A suivre, donc.

 

2013-02-The_Enchanted_Wood-alter1fo 4The Enchanted Wood : parenthèse hors du temps

Juste avant The Wâll Factory, nous avions couru dans la salle de concert afin d’être sûrs de voir la prestation de The Enchanted Wood en entier. Projet rennais lui aussi, mené par Michel Le Faou, The Enchanted Wood a sorti un joli deuxième album, Monster Parade, en décembre 2012.

Conçu davantage comme un collectif permettant les passerelles et les collaborations avec d’autres musiciens (« De manière générale, ce sont les rencontres qui nourrissent le projet et me donnent envie d’essayer de nouvelles choses » nous avait précédemment expliqué le musicien []) que comme une aventure solo, The Enchanted Wood se présente ce soir sur scène sous la forme d’un septuor : en plus de Michel Le Faou au chant et à la guitare, on retrouve Astrid Radique (Mermonte) au xylophone (métallophone ?) et au chant, Julien Chevalier à la guitare (et à la pedal steel ?), Paul Loiseau à la batterie (tous deux issus de La Terre Tremble !!!), ainsi que les Fat Supper (avec Leo88Man au clavier, Pierre Marolleau à la batterie et Dudy Ruby à la basse).

Le set reprend pour l’essentiel les morceaux du nouvel album, dans l’ordre du disque. Après un The Ogre at Midnight qui nous plonge immédiatement dans une ambiance sombre et cotonneuse, Chidren of Solitude joue sur un tempo (légèrement) plus enlevé, sur lequel les chœurs d’Astrid Radigue sont le parfait contrepoint à la voix grave et profonde de Michel Le Faou.

2013-02-The_Enchanted_Wood-alter1fo 6En quelques morceaux, déjà, le groupe a réussi à camper ses atmosphères cinématographiques. On s’attendrait presque à voir glisser cette parade de doux monstres mélancoliques dans un halo de fumée entre les deux batteries ou bien à les découvrir s’élever au-dessus des cordes de la pedal steel. Pour en rajouter à cette ambiance de vieux films d’épouvante, l’une des cymbales de la batterie de Paul Loiseau a été remplacée par une scie à dents circulaire !

On apprécie particulièrement le travail sur les sonorités et les timbres qui donnent un son « plein » à chacun des morceaux. Chaque arrangement, parfaitement dosé, apporte du grain à moudre à nos oreilles : quelques accords de piano ici, un arpège de guitare là, se détachent sur des nappes de pedal steel accompagnés par quelques notes au xylophone, tandis qu’une maracas frappe un tom de batterie. On soulignera notamment le travail des deux batteurs qui parviennent (à deux batteries !) à jouer tout autant sur l’énergie que la délicatesse et dont les recherches sur la variété des timbres (Paul Loiseau est coutumier du fait) sont particulièrement intéressantes.

On aurait parfois juste souhaité quitter épisodiquement le midtempo, afin que le set gagne davantage de relief. La prestation s’achève sur un un impeccable The Phantom Creeps qui referme cette parenthèse mélancolique et hors du temps de belle manière.

2013-02-TRUNKS-alter1fo 2In Trunks we trust !

Quand on retourne dans la salle de concert, c’est pour y voir le groupe qu’on attend avec une impatience qui frôle l’indécence. Et autant le dire tout de suite, le moment va se révéler démentiel. Oui, Trunks [interview ici]est un putain de groupe. Oui, on a pris une dérouillée mémorable. Et oui, on s’est mangé une claque sonique droit en pleine face dont on gardera longtemps la trace.

Bien sûr, on l’avait déjà dit, on aime ce groupe d’amour. Parce que ces funambules éclatent les formats et culbutent les genres, tout en restant dans un cadre défini (le rock) pour mieux s’y balader avec intensité. Et cela avec deux albums qui se sont immédiatement avérés indispensables à notre discothèque, les excellents Use less (2007) et On the Roof (2011) ainsi qu’avec un ep qui nous aura marqué au fer rouge (Kniee / Journey to the line, 2010), et plus récemment encore avec un split vinyl, le très réussi 3ème épisode de Rosemary K’s Diaries (décembre 2012) initié par les Disques de Plomb. On a donc plus que hâte de les retrouver en concert, d’autant que la formation, impeccable sur sillons, dégage une énergie exponentielle en live.

Au centre de la scène, Régïs Boulard, tourne le dos au public pour mieux faire face à ses fûts. Immense, on doit le dire, à l’image de sa batterie et de cette cymbale à la circonférence impressionnante. A sa gauche, Stéphane Fromentin à la guitare (il switche parfois avec la basse de Laetitia) et Laetitia Sheriff à la basse (ou à la guitare, donc parfois). A sa droite, Florian Marzano à la guitare et Daniel Paboeuf au saxophone (écrit en entier s’il vous plaît). Entre lesquels, le copain Régis Gautier (ancien guitariste de la formation, et présent à la composition du premier album), vient, rayonnant, se glisser pour quelques titres au milieu des sourires de ses camarades dans les applaudissements. Les copains de Filimotsa feront également une apparition éclair, le temps de crier eux aussi, durant quelques mesures.

2013-02-TRUNKS-alter1fo 11La paire Hardifscurry / Screaming Idiots nous cueille immédiatement. Basse hypnotique et profonde, dialogue des guitares et saxophone qui parle au ventre : c’est à la fois massif, rentre-dedans. Et subtil. Ajoutez à cela un Régïs Boulard immense donc, qui, avec le flegme jazz qu’on lui connaît, rebondit sur ses toms tout en légèreté et décoche, riposte et suspend. Mais martelle aussi, et avec quelle puissance ! Et avec quelles nuances ! On en a les yeux et les oreilles écarquillés.

Sur Screaming Idiots, les guitares, tout en uppercuts, nous renvoient dans les cordes. Les accords, décochés en attaque sont autant de poings qui s’abattent sur nous. On a à peine le temps de relever la tête sous cette volée de bois vert, qu’on se prend aussitôt un riff de saxophone à couper le souffle qui nous plie littéralement en deux. Les hurlements libérateurs à la fin du morceau, qu’on pourrait s’entendre crier avec eux, le poing levé, finissent de nous coller au tapis. Allez, vous en reprendrez bien un petit peu ? Les cinq bougres, avec une complicité qui fait plaisir à voir, ont de toute façon décidé de nous achever et de nous laisser exsangues, les oreilles extatiques.

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Malgré un petit problème de tête d’ampli (durant lequel Régïs Boulard et Daniel Paboeuf improvisent comme un seul homme, comme si de rien n’était, avec une classe désinvolte), la suite du set est du même acabit. Avec ses temps d’accalmie (oui, Blue Dots commence tout en douceur) ou ses ralentissements de tempo, négociés avec une maîtrise désarmante, qui se révèlent tout aussi prenants.

Who’s my favorite ? et ses contor[t]ions à la E.S.G. se jouent de nous. Free, post, no. Trunks est un peu tout ça à la fois. Rock, wave, jazz. Le groupe balance ses montées en puissance, le pied au plancher. Et puis. Il y la voix de Laetitia. Qui crie avec ses compères. Mais aussi qui chante. Doucement, toujours posée, parfaite de bout en bout. Dont chaque accent vous file la boule au ventre.

2013-02-TRUNKS-alter1fo 13Bien sûr nos deux voisins qu’on aurait souhaité un peu moins diserts et volubiles nous obligent à prendre un peu de distance avec la scène. Pour autant, on ne perd pas une miette. Une note. De ce que les cinq joyeux drilles nous assènent sans faiblir. Bees (issu du dernier ep) gagne trois tailles et devient XXL en live et là encore, on pourrait hurler à plein poumons sur sa fin bourdonnante, tant ce titre est libérateur.

On ne savait pas à quel point on connaissait ces morceaux par cœur.

Autour de nous, autant le dire, c’est le même enthousiasme. Trunks est acclamé. A sa juste mesure. Et pour tout le monde, la fin du set (pourtant de longueur honorable) arrive bien trop tôt. On n’a pas du tout envie que ça s’arrête. Fort heureusement, les cinq musiciens reviennent pour deux titres dont un Pull My Daisy (sur Use Less) totalement jubilatoire avant de finir sur un tempo plus lent avec le dernier morceau. Are you trunked ? demandaient les Trunks sur leur premier LP. Yes, we are. Définitivement.

Quelle claque, quand même.

Filiamotsa : noise aux idées larges

2013-02-Filiamotsa-alter1fo 5Dur, dur, pour les Filiamotsa d’enchaîner après ce tourbillon à la classe phénoménale. Pourtant le trio de Nancy mérite des oreilles les plus attentives, on en est sûr, tant on a apprécié leur dernier album, Sentier des Roches, sorti il y a une poignée de jours et leurs deux titres sur le split vinyl partagé avec Trunks.

Auparavant duo (violon amplifié, batterie) le groupe de Nancy s’est adjoint les services d’un troisième homme (violon, claviers) pour donner plus de possibilités, une plus grande ouverture à ses recherches soniques. Le projet Filiamotsa soufflant Rhodes, relecture des morceaux du groupe avec un clavier Rhodes et une section de cuivres leur a montré que la formule à deux limitait les expérimentations.

L’apport de nouveaux timbres tout comme la possibilité d’aller vers de nouvelles harmonies, expérimentés avec ce projet, les a convaincus de poursuivre l’aventure avec un troisième membre. C’est donc à trois que la formation se présente sur la scène du Jardin Moderne. Au centre, Emilie Webber au violon avec plein de pédales d’effets devant elle, à droite, Anthony Laguerre à la batterie, et à gauche Philippe Orivel au violon et aux claviers.

Noise aux idées larges, la musique du trio se révèle aussi inventive que percutante, avec des violons dont on ne sait jamais trop comment diable ils vont sonner.

2013-02-Filiamotsa-alter1fo 8Joués en accords comme des guitares, puis torturés de dissonances noise à l’aide des pédales d’effet, ils s’élèvent ensuite dans un dialogue à deux voix étonnamment clairs et mélodiques.

Derrière, Anthony Laguerre percute ses fûts avec force, accompagnant ces développements de roulements et de grondements qui remuent les tripes. Le batteur sait pourtant tout autant dégager une puissance de feu de centrale nucléaire que souligner délicatement avec ses baguettes les (souvent fausses) accalmies de ses camarades.

Le set ne manque pas de relief, et si malheureusement après la prestation époustouflante du tsunami Trunks, le concert semble moins percutant, la performance n’en est pas moins abrasive et passionnante.

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Sur So Noise, Emilie chante (crie !) directement à travers le micro de son violon. Zittern rappelle parfois les plaintes déchirantes d’un Neuköln, à la différence que le saxophone est remplacé par un violon et que les dissonances s’y font davantage entendre. Sur Chiens Déguisés, Anthony Laguerre scande et déclame avec véhémence les paroles en français. Cela devient même encore plus glaçant avec l’inquiétant Cerveaux des familles, dont les paroles parlent d’inceste.

Là encore, le groupe sait faire preuve de nuances et construit intelligemment son set. On est pour notre part ravi que le trio, rejoint par Daniel Paboeuf au saxophone, sur ce dernier titre, termine son concert avec Montroyal.

Le morceau, une nouvelle fois, nous file une belle déculottée (et cela même sans L’Archipel Nocturne, collectif mêlant cordes et percussions, proche des musiques improvisées et/ou savantes présents sur le titre sur le split ep) avec son intro à la Steve Reich et ses explosions tout en retenue. Le saxophone de Daniel Paboeuf donne même encore davantage de profondeur au morceau qui est sans conteste, une vraie réussite.

Et dire qu’il va falloir rentrer se coucher. Heureusement, la bonne nouvelle, c’est que nos copains de Canal B ont enregistré les concerts pour une diffusion ultérieure sur le 94 Mhz. Vivement.

Photos : Caro

1 commentaires sur “La Jardin Moderne – 4 concerts, 1 expo. Et puis Trunks.

  1. sylvain Bee Gee

    The enchanted wood, c était la grose baigne !!!
    un concert remplit d émotions ! ENORME !

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