Alter1fo vous propose de (re)découvrir la scène musicale rennaise à travers une chronique, hebdomadaire le plus souvent. Des talents émergent, d’autres confirment sur la scène locale. Certains les soutiennent, sortent leurs disques, d’autres leur proposent des lieux de concert, de répétition… Alter1fo donne un coup de projecteur à ces artistes, labels, lieux ou assos qui œuvrent d’arrache-pied pour que la scène locale existe. Permettre aux acteurs et aux publics de se rencontrer, donner la parole à ceux qui font la vie rennaise, tels sont nos buts avoués. Chaque semaine, vous retrouverez donc un ou plusieurs focus sur l’un de ces acteurs…
Michel Le Faou a décidé de monter son propre projet, non pas sous une forme solo, mais davantage en le pensant comme un collectif permettant les passerelles et les collaborations avec d’autres musiciens. Pour la scène, il est donc depuis quelque temps entouré de Julien Chevalier à la guitare et Paul Loiseau à la batterie, autrement dit deux des membres de La Terre Tremble !!! Par le passé, Soazig Le Lay (violoncelle) et Nikki Renard (trompette) avaient également participé à ce projet aux ambiances sombres et cotonneuses et aux atmosphères très cinématographiques. Un premier album éponyme avait alors vu le jour. L’an passé, on a aussi pu voir The Enchanted Wood sur la scène du Jardin Moderne avec des musiciens de Fordamage. Ces derniers avaient apporté, live, un son beaucoup plus pêchu aux compositions. The Enchanted Wood a-t-il pour autant l’intention de continuer dans cette voie ? On en discute avec Michel Le Faou au moment de la conception d’un second album enregistré par Dudy Ruby, le guitariste de Leo88Man.
Alter1fo : Pourriez-vous nous expliquer en quelques phrases la genèse de The Enchanted Wood ?
The Enchanted Wood : Après quelques expériences de groupes, je voulais monter mon propre projet. J’ai toujours été plus emballé par les rencontres ponctuelles le temps d’un concert ou d’un enregistrement, que par le côté démocratique d’un groupe, souvent frustrant – à moins d’avoir un énorme terrain commun et une entente parfaite entre les musiciens. D’où l’idée que The Enchanted Wood ne soit ni tout à fait un groupe, ni uniquement un projet solo, mais un projet privilégiant les collaborations au fil des rencontres.
Vous expliquiez enregistrer votre nouvel album. De quoi avez-vous envie avec ce nouveau disque par rapport à votre premier album, The Enchanted Wood ?
Le point commun entre les deux albums c’est un travail assez lent, par petites touches et à la maison.
La grosse différence c’est que le premier a été enregistré seul, avec un micro et quelques instruments, c’est un album confiné, mixé en mono.
Le nouvel album sera nettement plus arrangé, étoffé. C’est le résultat naturel des rencontres de ces derniers temps; il y a pas mal d’invités comme Julien et Paul de la Terre Tremble!!! qui sont actuellement le noyau dur du projet en concert, mais aussi Leo88Man, les gens de Fordamage et Lena Jonsson, une violoniste suédoise.
Mon envie est que l’album soit mixé comme aux débuts de la stéréo, quand les consoles ne donnaient qu’un choix radical entre « droite », « gauche » et « au milieu » pour placer une piste. Beaucoup de chansons de la fin des années 60 que j’affectionne ont cette particularité. C’est intéressant de s’y essayer à notre époque, et de voir si l’on peut s’en sortir.
Vous avez enregistré avec le guitariste de Leo88man derrière la console. Comment s’est passée la rencontre ? Pourquoi avez-vous choisi d’enregistrer avec lui ?
Je cherchais quelqu’un qui pourrait apporter des idées et une oreille critique. Avec Dudy Ruby, que je connais depuis fort longtemps, on a à peu près la même façon de travailler et j’aime beaucoup ce qu’il fait avec Leo sur Leo88Man. Il m’a donc semblé naturel de faire appel à lui.
Comment est–ce que vous composez ? Sur votre site web, vous expliquez être aussi influencé par le cinéma et la littérature. Comment est-ce que cela se traduit dans vos morceaux ?
La plupart des chansons émergent d’abord au contact d’un instrument en faisant tourner quelques accords. Je suis un peu collectionneur/bricoleur d’instruments, et c’est souvent l’instrument qui amène les idées. En posant les doigts sur un piano, un banjo, ou tout autre instrument peu maîtrisé, ou juste en essayant un accordage de guitare un peu singulier, on sort des choses auxquelles on n’aurait pas pensé avec l’instrument dont on a l’habitude.
La musique de films peut être une influence sur les ambiances que je souhaite évoquer. Et certains films ou romans inspirent parfois en partie un texte. Peut-être parce que j’ai vu un peu plus de films que je n’ai écouté de disques, et été plus marqué par des livres que par la musique dans ma jeunesse.
On serait d’ailleurs tenté d’utiliser davantage de noms de films (Dead Man, par exemple) que de disques pour parler de votre musique. Les ambiances sont plutôt sombres, cotonneuses, parfois avec une sorte de parfum d’antan, comme sur The Lady from Venice avec une instrumentation souvent folk. Quelles sont les influences musicales que vous vous revendiqueriez ?
Pour ce qui est du cinéma je pense plus à des compositeurs comme Bernard Hermann et à ses instrumentations atypiques sur des films comme Vertigo ou Le Jour où la Terre s’arrêta. Bien que ce morceau The Lady from Venice évoque plutôt le cinéma italien ! Sinon, j’écoute des vieilles choses comme les chansons de la Motown, des crooners, ou encore de la musique punk, industrielle… Également certains groupes dits néo-folk anglais. Mais à vrai dire je n’écoute pas tous ces groupes actuels sur lesquels on aime bien coller l’étiquette « folk », pour peu qu’il y ait une guitare acoustique devant et un chant un peu mièvre…
Si vous deviez citer 3 disques sans lesquels vous ne pourriez pas vivre ?
Il n’y en a pas, alors juste trois chansons, le reflet du moment :
Gene Pitney: Something’s Gotten Hold of my Heart
DAF: Der Raueber und der Prinz
Death in June : Let the Wind Catch a Rainbow on Fire
Nikki Renard joue de la trompette sur le titre Sorrow River et ces arrangements apportent un vrai plus à la chanson. Vous avez parfois travaillé avec une violoncelliste (Soazig Le Lay qui avait aussi l’excellent projet solo The Milk), un contrebassiste (David Cadoret) par exemple. Qu’apportent ces collaborations à votre travail ?
Nikki et Soaz furent les deux premiers camarades de jeu à m’avoir appelé spontanément, très emballés, quand j’ai distribué ma démo sans savoir encore si j’allais en faire quelque chose, leur soutien a donc été très important. Le tout premier concert était d’ailleurs avec Soazig. De manière générale ce sont les rencontres qui nourrissent le projet et me donnent envie d’essayer de nouvelles choses.
L’année dernière vous aviez joué deux titres avec des musiciens de Fordamage sur la scène du Jardin Moderne, ce qui avait donné un son beaucoup plus pêchu à vos compositions. Souhaiteriez-vous éventuellement aller parfois dans cette direction ?
Oui, d’ailleurs on a enregistré ce même morceau, The Phantom Creeps, avec Fordamage pour l’album à venir. Je suis emballé par ce son et en effet, c’est une direction qui m’intéresse, ayant écouté beaucoup de groupes assez durs comme Swans ou The Birthday Party. Récemment Fordamage m’a aussi invité à jouer du theremin sur leur titre Clean Dirty Water qu’on a enregistré en live avec quatre batteurs et une dizaine de guitaristes suramplifiés. C’était intense ! (à voir ici )
Votre musique semble très cinématographique. Seriez-vous intéressés pour écrire des bandes originales de films ? Ou bien souhaitez-vous simplement suggérer des images dans le cerveau de vos auditeurs par le seul biais de la musique ?
De manière générale j’aime beaucoup l’idée de suggérer des images dans le cerveau d’autrui.
Mais bien sûr écrire une bande originale, pourquoi pas! Si Bela Lugosi m’appelle demain pour un de ses films, je fonce.
(Rires) Sur la scène rennaise, comment vous situez-vous ? Êtes-vous en contact avec d’autres artistes rennais ? Desquels vous sentez vous proches ?
La plupart du temps, je fuis les mondanités, mais il m’arrive de faire une exception pour les soirées très habillées de La Terre Tremble!!! J’invite parfois Tim Bewlay à boire le thé. Et j’apprécie également les gens de Beast Records, qui font les choses bien dans leur coin, et ont réussi à créer des ponts entre Rennes et les antipodes.
Quant à la scène rennaise, elle est trop occupée à se féliciter de sa gloire passée. Je trouve qu’il y a des choses plus novatrices dans des villes comme Nantes, Cherbourg ou Brest.
Pour finir, d’éventuels projets à venir ?
Sortir l’album en cours, faire des concerts, et enregistrer beaucoup plus rapidement le suivant ! L’idée d’un ciné-concert me trotte aussi dans la tête.
Merci !!
A votre service !
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Le site de The Enchanted Wood : http://www.theenchantedwood.org/