L’excellent duo de guitares acoustiques [kataplismik] fête la sortie du sublime EP Tarantula le samedi 17 mars au Marquis de Sade, accompagnés pour l’occasion par le talentueux Thomas Le Corre. Immanquable.
[kataplismik] est un duo de guitares classiques (Franck et Flavien) que nous affectionnons tout particulièrement ici. La faute à Tendre Apparence, l’un de nos albums préférés, paru il y a tout juste 3 ans : leurs mélodies intemporelles et furieusement addictives mêlent astucieusement ambiances cinématographiques et douce folie délicieusement imprévisible. Des compositions malicieuses, aux ruptures inopinées, qui surprennent et ravissent. Les voici de retour avec un 5 titres, Tarantula, qui non seulement confirme le talent des deux guitaristes pour ciseler des harmonies somptueuses, mais qui surprend aussi par son immédiateté qui cache tout de même son lot de surprises. Un EP qui figure déjà parmi nos incontournables de ce début d’année, et dont on ne ratera la Release Party pour rien au monde. Leurs prestations scéniques nous ont, à chaque fois, collé des frissons et laissé des souvenirs étoilés : nous vous encourageons donc vivement à venir ce samedi 17 mars au Marquis de Sade pour (re)découvrir les excellents [kataplismik], accompagnés du talentueux Thomas Le Corre.
Nous avons rencontré Flavien et Franck à la Forge, un lieu magique dans lequel ils ont réalisé l’enregistrement. Interview de deux passionnés pour nous parler de cet EP tout aussi passionnant.
Alter1fo : Franck, tu as rejoint Flavien en 2009 pour étoffer la version électrique de [kataplismik], qui était au départ un projet solo. Tu l’as rejoint avec ta batterie et 4 ans plus tard vous sortez l’acoustique Apparence, uniquement composé à la guitare classique. L’EP acoustico-électrique Hypnose amorçait déjà un virage. Qu’est ce qui fait qu’on passe d’un duo électrique guitare batterie à un duo acoustique de guitares classiques ?
Flavien : Ça s’est fait assez rapidement. Les morceaux acoustiques se sont rapidement greffés dans l’électrique. On n’a pas fait beaucoup de concerts uniquement électriques, un seul je crois, à l’Elabo. Assez vite on a alterné électrique et classique. On a rapidement joué les morceaux acoustiques d’Hypnose en live (Écoute et Virus).
Donc quand Franck te rejoint avec sa batterie, dans ton esprit, il te rejoint aussi avec sa guitare classique.
Flavien : Non, pas du tout. Avant il n’y avait pas du tout de guitare classique et Franck trouvait ça intéressant de faire des morceaux avec.
Franck : De mon côté j’ai aussi été contraint de ne plus pouvoir jouer de batterie, donc ça a aussi motivé ce choix. Et puis on se sentait plus à l’aise comme ça.
Flavien : C’était compliqué matériellement de faire les deux versions : trimballer une guitare électrique, une batterie, deux guitares classiques, les amplis…
Franck : Il y avait aussi le vidéoprojecteur pour jouer devant une vidéo. Quand il faut tout gérer à deux, les samples à préparer en amont, les images, qu’il faut en plus se caler dessus, ça demande un travail qu’on n’avait pas le temps de faire. On a rapidement écrit des compos à la guitare classique et on s’est rendu compte que tout était plus simple : en concert, on a deux guitares et deux amplis, point.
Depuis plusieurs mois, vous jouez de nouveaux titres sur scène, mais vous sortez un EP en février, Tarantula, avec uniquement des inédits. Que vont devenir les morceaux joués en live ?
Franck et Flavien : On est un peu tordus (rires). C’est pour le prochain album.
Vous n’avez pas eu envie de tester les titres de Tarantula sur scène ?
Flavien : On n’a pas eu le temps. Le dernier concert date d’avril 2017 au Bar’Hic : ils étaient écrits mais on ne les avait pas encore travaillés. À la base, l’idée était de sortir l’album avant l’EP mais les titres étant plus compliqués, on s’est dit que ça allait prendre pas mal de temps. On voulait quand même ressortir quelque chose, donc l’EP est finalement venu avant l’album.
Franck : Les morceaux de Tarantula se veulent simples, plus primaires. Et les titres du futur album sont plus d’inspiration math-rock et demandent pas mal de boulot.
On commence par la pochette de l’EP et les noms des titres. Pourquoi avoir nommé chacun des titres par d’imprononçables espèces d’araignées ?
Franck : Il y a une subtilité de Flavien : à la verticale, les premières lettres donnent « kata ».
Flavien : Pour le nom des titres, il fallait que les lettres passent. J’aime bien les albums avec une thématique. Les titres, c’est toujours compliqué à trouver : je fais des listes et on pioche dedans.
Franck : C’est toujours compliqué de donner des titres à des morceaux instrumentaux, sauf si ça t’évoque vraiment quelque chose.
Flavien : Et la pochette est un petit hommage à l’album Tortuga de Sons of Frida : le morceau caché est une reprise de Mirinda qui figure sur cet album.
Franck : On a essayé d’y mettre notre patte, mais on l’a enregistré à l’arrache, sans l’avoir répété avant. On est resté comme eux dans l’esprit punk-noise, avec tout ce qui va autour, de la fausse note, de l’abeille…
Flavien : Le guitariste de Sons of Frida a un projet solo, Emboe : il avait fait un EP avec la pochette d’Apparence, avec la tête de Rihanna dans le cadre, parce qu’il y avait une reprise de nous, de Rihanna et de Sonic Youth, un truc complètement improbable.
L’EP contient 5 titres aux ambiances très variées, qui sonne [kataplismik], mais en plus épuré, moins orchestré. Quel était votre intention avec cet EP ?
Flavien : L’idée était avant tout de composer des morceaux simples, tous composés par Franck.
Franck : J’amène la matière première, mais quand on les joue ensemble ensuite, on revient sur les cahiers de partitions parce que les morceaux ont évolué dans le jeu. On était parti sur l’idée de faire avant tout des morceaux rapides à jouer, à la différence des morceaux de l’album que l’on travaille en ce moment. Des choses simples techniquement, où on n’a pas besoin de se torturer l’esprit, avec des accords basiques : c’est d’ailleurs une énorme contrainte parce que ce n’est pas facile de composer des morceaux avec des accords simples.
Flavien : Simples mais riches : chaque morceau a ses difficultés techniques. Ça ne se sent pas forcément à l’écoute, mais il y a des points d’accroches.
Franck : Oui parce qu’il y a une subtilité : ce sont 4 morceaux avec chacun un tempo qui ne bouge pas, contrairement à tout ce qu’on a fait avant. On oscille beaucoup sur le ternaire, le binaire, ça donne l’impression que le tempo fluctue, alors qu’il est strictement identique du début à la fin. C’est en cela que ce n’est pas forcément simple à jouer. Tout ce qu’on faisait avant, c’était complètement anarchique au niveau du tempo. Je voulais quelque chose de plus linéaire, mais sans que ça s’entende.
Flavien : Ça donne des morceaux plus digestes à l’écoute. Il y a d’ailleurs beaucoup d’accords, les morceaux sont plus accessibles.
Franck : À part Theraphosa Blondi pour lequel il n’a pas un seul accord : il est purement classique, ça tricote dans tous les sens, ça s’entrecroise. Il n’a pas ce côté « accroche mélodique ».
Tarantula commence par Kukulcania Hibernalis, qui a des allures de ballade pop.
Franck : Complètement, c’est un morceau pop avec le même thème qui tourne. À la fin, la trompette, le xylophone, les guitares reprennent tous les thèmes qui ont été abordés depuis le début, et tout est joué ensemble en canon. Ce sont toujours les mêmes thèmes, superposés les uns sur les autres.
Le morceau se termine avec une magnifique montée sonore grâce à la trompette de Nounours Lhoumeau. Il était venu sur quelques titres d’Apparence (Regarde, Rêve dénué de sens et Perdue).
Franck : Le résultat est encore meilleur, mais à l’époque d’Apparence, tout est de notre faute. Je ne savais pas écrire les parties trompette, et sur Apparence, il a joué ce qui était écrit. Je n’y connaissais rien en nuances : j’avais tout écrit en forte et il a tout joué en forte. Ça marche bien, mais il manquait quelque chose. Quand je l’ai rencontré quelques jours avant l’enregistrement de Kukulcania Hibernalis pour lui présenter les partitions, j’ai eu une longue discussion avec lui. Il m’a dit, ce qui est important, ce qui fait la musique, ce sont les nuances, et tout s’écrit. Du coup, j’ai repris mes partitions et j’ai écrit les nuances. Et comme c’est un super musicien, ça s’est entendu tout de suite lors de l’enregistrement.
Flavien : J’avais un peu peur, l’enregistrement se passait à 9h un dimanche matin : j’avais prévenu les voisins, « il y a un trompettiste qui va jouer dans la Forge », mais finalement c’était très calme avec les nuances apportées.
La ligne de trompette est doublée ?
Franck : Oui il y a une ligne qui joue la mélodie et l’autre le soutien basse.
Il y a aussi dans ce titre un xylophone ou un glockenspiel, non ?
Franck : En fait, c’est un instrument inventé, un xylospiel ou un glockenphone (rires). On n’était pas fan du son du glockenspiel pur, trop agressif, et on trouvait le xylophone trop ploc-ploc. On a finalement enregistré les deux et on s’est dit qu’on verrait au mix ce que ça donne. Et on a finalement mélangé les deux.
Il y a ensuite le très cinématographique Acanthoscurria Geniculata, qui fait forcément penser à Ennio Morricone avec le sifflement caractéristique des westerns spaghettis de Sergio Leone. Vous cassez le côté linéaire de cette balade par un pont kataplismikien qui tape en plein dans le mille. Quand un titre roule tout seul, vous aimez y insérer une cassure : c’est pour surprendre l’auditeur ? Par peur de vous ennuyer à le jouer ?
Franck : Les deux. On devient auditeur aussi et je m’ennuie très vite en musique s’il ne se passe pas des choses qui me surprennent. Ce morceau est composé comme un exercice. Il paraît tout bête, mais il fait partie des morceaux qui ne sont pas faciles à jouer. C’est le même thème qui est joué en binaire et en ternaire. Le pont est en ternaire : à la fin du morceau, on reprend le thème du début en ternaire. Et la dernière phrase est rejouée en binaire : le morceau tourne en boucle.
Flavien : Quand on a commencé à le travailler, c’était une torture : tu n’as pas le choix, il faut taper du pied.
Le côté cinématographique m’amène à vous poser la question naturelle du clip : est-ce que vous envisagez de le faire, et sous quelle forme ?
Flavien : Si tout va bien, les quatre morceaux auront un clip.
Franck : On a construit une boite noire géante et les quatre clips seront tournés dans cette boite.
Envisagez-vous de les projeter en live ?
Flavien : Non, c’est toujours techniquement compliqué de se caler sur les images.
Theraphosa Blondi débute comme une étude de guitare classique, comme un exercice qui déraperait : je crois que c’est parfois le départ de tes compositions Franck, un exercice qui s’accélère, qui dissone tout en restant très harmonique ?
Franck : J’ai besoin de contrainte pour pouvoir écrire, sinon c’est le bordel : c’est déjà un peu le cas quand j’ai des contraintes, donc imagine quand je n’en ai pas (rires).
Pour (presque) finir, Atrax Robustus, le morceau le plus rock de l’EP, bourré de chausse-trappes, de cassures, d’accélérations, de ralentissements soudain. C’est jouissif à la première écoute et on a immédiatement envie d’y retourner pour découvrir toutes les subtilités : comment compose t’on un morceau avec une dizaine d’idées dedans sans que ça se casse la gueule ?
Flavien : Paradoxalement à son côté rock, c’est le morceau qui a le tempo le plus lent, on est à 75. La sensation de morceau plus rythmé vient du fait qu’on passe à un moment en double croche.
Franck : Pour moi ce morceau est on ne peut plus bateau, il a un début ballade, avec une mélodie très simple. Et on joue sur le contraste avec ce départ inopiné à la Iron Maiden.
Justement au niveau de la manière de composer, vous disiez dans l’interview réalisée pour Alter1fo en novembre 2013 que Franck apportait l’idée de base, puis que vous bossiez sur partitions chacun de votre côté puis vous passiez aux répétitions. Depuis que vous êtes quasiment voisins, est-ce que le processus de composition a changé ?
Flavien : On fonctionne toujours sur partitions, avec des fichiers qui contiennent des idées ou des bouts d’idées. En ce moment c’est vrai qu’on bosse beaucoup ensemble.
L’ultime surprise de l’album, Mirinda, puisqu’il s’agit d’un morceau chanté. J’ai l’impression qu’il y a deux voix, ce sont les vôtres ?
Flavien : Il y a deux voix mais j’ai fait les deux, l’une chantée, l’autre chuchotée.
Il y a aussi de nombreux évènements sonores à l’écoute du titre, comme un prolongement de l’interlude sonore enregistré au bord de l’étang de Marcillé (malheureusement sans les grenouilles). Ces évènements sonores viennent de la captation sonore ?
Franck : Il n’y a pas de grenouilles mais il y a une magnifique abeille charpentière.
Flavien : Oui au tout début de Mirinda, il y a une continuité sonore. On a également rajouté des bruits sur une partie qu’on trouvait un peu creuse parce qu’il n’y avait pas de voix. Ça correspond à un passage noise dans l’original de Sons of Frida. Donc on a rajouté des bruits de presse métallique et de scie circulaire. Ça s’est décidé au mixage avec Mari qui possède toute une banque de sons.
Comment s’est passé l’enregistrement de Tarantula ? En prise live comme sur Apparence ?
Franck : Oui on l’a enregistré en live, mais rien à voir avec Apparence. Sur Apparence, le son est beaucoup plus travaillé, il y a une rondeur des guitares qui sonne studio. Sur Tarantula, on est plus dans le côté âpre du live.
Flavien : On a quand même soigné l’enregistrement : il y avait sept micros. On a été enregistré par Mari, qui n’est pas ingé son à la base. Elle travaille dans le cinéma, elle est monteuse de tous les bruitages. Elle avait fait le son lors d’une captation vidéo dans la Forge. C’était pour elle une première, donc on a travaillé ensemble pour toute la partie mixage.
Franck : L’enregistrement s’est passé sur deux jours et on s’est rencontré ensuite pour le mixage. On est content du résultat, c’est ce qu’on recherchait.
Le mastering par Sébastien de Near Deaf Experience, comme sur Apparence.
Oui le gros avantage avec Sébastien, c’est qu’il réalise un master qui ne dénature rien : il s’occupe juste des niveaux, de manière à ce que ça ne sature pas et que ça puisse passer dans tous les lecteurs. Il ne touche absolument pas au mixage, c’est bluffant. Ni même à l’équilibre, il respecte le mixage de départ.
Au sujet du futur album, on a donc découvert au Mondo Bizarro il y a presque un an quelques nouveaux titres. Avez-vous composé tous les titres ?
Flavien : Oui tout est là. Il peut y avoir quelques modifs’ mais l’ensemble est prêt.
Franck : On fonctionne comme sur les autres enregistrements. On fait d’abord de la préprod’ : on s’enregistre nous même pour avoir du recul. On en est là, on voit ce qui fonctionne, on corrige certaines choses. Et surtout on essaye de voir comment on va insérer les instruments additionnels.
On a découvert la version brute au Mondo. L’album va donc être plus orchestré que sur l’EP ?
Flavien : Ils ne vont pas tous être orchestrés, mais certains le seront, dont deux qui nous posent réellement souci, car il va nous falloir un orchestre, un orgue et une chorale.
Avez-vous une idée de quand vous allez l’enregistrer, le sortir ?
Franck : On aimerait bien le sortir en 2019, si tout va bien.
Dans l’interview donnée à Alter1fo, vous parliez également de reprendre la phase de composition en formule guitare/batterie pour sortir un disque électrique : avez-vous définitivement basculé du côté acoustique, ou bien la version électrique reste en projet ?
Flavien : Ça reste dans un coin de nos têtes, mais on n’en dira pas plus pour le moment.
Vos projets immédiats ? Des concerts pour la sortie de l’EP ? Une tournée ?
Flavien : On va essayer de faire quelques concerts pour la sortie de l’EP mais pas de tournée envisagée. Plutôt pour l’album je pense.
Franck : C’est mieux de partir en tournée avec suffisamment de matière pour proposer un set entièrement nouveau et qui fonctionne en live. On a constaté que notre set manquait de morceaux punchy : quand tu es face à un public qui a plus envie de parler que de t’écouter, ce n’est pas avec des morceaux comme Regarde que tu vas capter leur attention. Par contre, pas forcément avec l’EP, à part Atrax Robustus, les futurs titres sont beaucoup plus nerveux, plus dynamiques, et devraient fonctionner en live, à l’image de Spam ou Cauchemar.
Puisqu’on parle concerts, vous jouez sur deux guitares classiques avec très peu d’effets : vous n’avez pas la sensation d’être à poil sur scène ?
Franck : Tout le temps, on est des vrais naturistes de la musique. La guitare électrique te permet de masquer tellement de pains, d’abeilles. Et pourtant on n’est pas complètement maso puisqu’on joue sur guitares classiques. Tu fais la même chose sur deux guitares folk, c’est une horreur.
Pour finir, si vous deviez définir kataplismik en trois mots ?
Flavien : Duo guitare classique.
Les trois albums sans lesquels vous ne pourriez pas vivre ?
Flavien : C de Turzi, Vive la Vie du Klub des Loosers et Escalation d’Ennio Morricone.
Franck : Somewhere in Time d’Iron Maiden, The Edges of Twilight de The Tea Party et Nursery Cryme de Genesis.
Release Party de Tarantula par [kataplismik] + Thomas Le Corre + Don Lurie’s dj set, le samedi 17 mars à 21h, Le Marquis de Sade, 39 rue de Paris, 5 euros