Avec son livre « Je reviens d’un long voyage, candide au pays des schizophrènes », Stéphane Cognon, 48 ans, livre son témoignage sur son expérience de la maladie psychique, qui l’a touché à l’âge de 20 ans. Ecrire sur la folie, c’est fou !
Écrire sur la folie, c’est fou !
Je reviens d’un long voyage : Candide au pays des schizophrènes de Stéphane Cognon nous invite à pénétrer dans la géographie complexe d’un malade, et pourquoi ne pas le dire, dans la folie d’un jeune de 20 ans. Puisque l’écrivain utilise souvent ce terme : le fou. Par dérision sans doute. Mais le terme dans le livre est une pirouette qui lui évite de parler de schizophrénie.
Stéphane Cognon nous donne accès par ce judas, cette petite ouverture dans sa porte personnelle, à sa douloureuse aventure humaine, celle d’avoir dû reconnaître qu’il était en plein délire, qu’il allait être interné. Puis d’entendre le médecin lui dire : « Il faudra environ un an pour que tout revienne dans l’ordre, une éternité à 20 ans ».
Mais tout ne redeviendra jamais comme avant, Stéphane est malade, schizophrène ; et cette maladie a mauvaise réputation. « Longtemps mon diagnostic fut : bouffées délirantes ».
Entre « t’es pas fou ! » et « Tu délires ! T’es schizo ou quoi ! », qui d’entre nous ne préfère-t-il pas être considéré, comme un peu fou, tels ces 2000 engagés de la traversée de la Réunion, appelée justement la Diagonale des Fous ?
La qualité de ce livre est l’humour qui s’en dégage : « Je somatise pas mal, je me crée des maux, comme si je n’en n’avais pas eu assez ». Ou encore « Le jeune médecin plongeait dans les méandres de mes explications, il était bien le seul à trouver cela sensé ».
Stéphane Cognon n’ouvrira pas toute la boîte de Pandore, toutefois il donnera un récit émouvant, parfois drôle de son escapade, ou plutôt de sa rechute. Se balader tout nu en pleine nuit n’est plus une plaisanterie de carabin mais la pénible et angoissante retrouvaille avec la réalité de sa maladie. De cette épreuve, il en retirera qu’il ne faut jamais présumer de ses forces… On soupçonne Stéphane Cognon d’avoir gardé les épisodes les plus traumatisants pour lui et ses proches.
Son récit se termine comme en apothéose sur le milieu médical face à la schizophrénie, comme un hommage, en délivrant aussi quelques messages de discrétion, de pudeur : « Parfois ce que je vais dire n’a plus d’importance, mon discours est tronqué » ; « Ma schizophrénie est la cause de tous les maux ».
Comment ne pas terminer un livre qui cherche à démystifier, à expliquer, à rendre humaine une maladie si mal accueillie, par un chapitre intitulé « Un certain romantisme de la folie« . De quoi vous réconcilier avec les fous et ceux qui ont produit de grandes œuvres comme Jérôme Bosch ou encore Van Gogh…
Aujourd’hui Stéphane Cognon regarde le passé, un peu comme tout un chacun. Le passage à la maturité est un long voyage. On met des jours ou des années pour s’assumer. C’est un bonheur d’y arriver. Le regard de Stéphane est plein de projets, ses yeux pétillent, ses trois enfants boivent ses paroles. L’équilibre, c’est magnifique, et le tenir encore plus délicat. Sa compagne est là pour l’assurer, juste lui permettre de bien gravir le prochain échelon. Le roman et l’écriture lui tendent les bras. Il y a déjà la passion de la photo, il y a la musique avec le groupe Bobpop.
Il faut faire connaître ce livre, le diffuser et pour reprendre page 30, cette pensée : «Parfois il faut se jeter à l’eau», «donc je me jetais à l’eau au sens propre, tout habillé». A nous maintenant de nous jeter à l’eau en parcourant Je reviens d’un long voyage. Quel voyage initiatique ! C’est fou.
Florilège de citations
Mon esprit divague parfois en escaliers, dévalant les marches quatre à quatre ou à l’inverse sautant de palier à palier vers un ciel hors d’atteinte. (p. 67)
L’histoire de l’art ne manque pas de génies qui ont côtoyé la folie… Mais cela ne doit pas faire oublier que la folie est une souffrance. Le fou n’est pas marginalisé par choix mais de fait, il ne peut plus vivre comme tout le monde, il n’y arrive plus. (p. 65)
Et puis arrive le moment où il faut le dire il faut l’avouer bon, tant pis, il faut y aller. Point. Maintenant c’est réglé. Je suis suivi. (p. 70)
Combattre les idées reçues. Qu’est-ce que c’est que ce discours sur la schizophrénie? Ce n’est pas ça! Je le sais moi, je peux te raconter! Les fous ne sont pas tous dangereux ! (p. 40)
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Je reviens d’un long voyage : Candide au pays des schizophrènes / Stéphane Cognon
Editions Frison-Roche.