Fidèles lectrices et lecteurs d’Alter1fo, Jessica 93 vous dit sans doute quelque chose : vous avez forcement lu ce nom à travers les annonces ou les excellents reports de ses concerts, rédigés par le non moins excellent Mister B (ici ou là). Pour rappel, Jessica 93 est le projet solo de Geoffroy Laporte, connu également en tant que guitariste au sein de groupes tels que « Louise Mitchels », « Missfist » et « Besoin Dead ». L’année derniere, Jessica 93 nous a méchamment lâché une bombe « front-wavienne » avec la sortie de son deuxième album « Who cares ». De la no-wave, du post punk et une pointe de shoegaze brumeux qui te remue l’estomac et te retourne comme un lendemain de gueule de bois (la mauvaise haleine en moins), la musique de Jessica 93 te prend aux tripes, à la limite de l’hypnose : ça en deviendrait presque malsain tellement c’est diablement efficace.
Pour notre plus grand plaisir, Jessica 93 revient nous voir au Terminus à Rennes, le 30 Janvier, l’occasion pour nous de discuter avec lui et de revenir sur cette riche année qui vient de s écouler …
► ► INTERVIEW ◄◄
► Alter1fo : Salut Geoffroy. Jessica 93 est ton projet solo mais tu participes également à différents autres projets, qui ont un point commun, celui d’avoir des noms teintés d’un certain humour noir et de second degré : MissFist, Besoin dead, Louise Mitchels… Peux-tu nous expliquer d’où cela vient-il ?
Jessica 93 : Monter un groupe est finalement ce qui a de plus simple, par contre, trouver un nom, c’est le truc le plus difficile. Moi et mes potes avec qui j’ai toujours joués, nous venons tous de la scène « squat » , « punk » et « Do It Yourself » et c’est un peu une marque de fabrique que d’avoir des noms avec des jeux de mots…disons de « merde », du genre jeux de mots de coiffeur (rires…). On part du principe que le nom doit toujours nous faire rire.
Par exemple, pour « Missfist », à l’origine, c’est parti d’une soirée où, bourré, j’étais incapable de dire « misfits ». Tous mes potes se sont foutus de ma gueule et on a gardé le nom. Pour Jessica 93, on trouvait ça totalement pathétique pour un trentenaire (rire…)
► Pour décrire ton projet, de nombreuses chroniques t’associent à des groupes issus de la scène de Seattle comme les Mudhoney, Nirvana et puis venant de la New wave comme The Cure…en même temps, tu l’as cherché un peu car tu as fait un reprise du titre « pornography« . Est-ce que réellement ce sont des groupes que tu as écoutés, et cela t’embête-t-il d’être toujours « étiqueté » à ces derniers ?
Non, non, cela ne m’embête pas, je trouve cela normal. J’ai l’impression que quand les gens apprécient un truc, ça leur parle parce qu’ils retrouvent quelque chose de déjà connu. Les groupes que tu cites sont assez justes pour ce qui est de la scène de Seattle. C’est avec le grunge que j’ai eu mon premier coup de cœur musical (Tad, Mudhoney, Bikini Kill, Babes in Toyland, Sonic youth…). Ensuite, j’ai longtemps écouté The Cure pour le côté new wave. « Pornography » est un album que j’ai dû me passer un millier de fois. Mais, ce qui est marrant, c’est que des gens me trouvent aussi des influences dans des groupes que je n’ai jamais écoutés. Dernièrement, on m’a cité le groupe anglais « Bauhaus« .
► « Jessica 93″ est peut être né d’une envie de reproduire ce son « new-wave » ?
Non, pas forcément. Mon projet est venu par hasard et je ne me suis jamais dit « Tiens, je vais sonner New-Wave ». C’est juste le matos que j’utilise comme ma boite à rythme qui tourne en rond qui fait plus penser à The Cure qu’à Shellac…forcément (rire…). Moi, je suis un peu limité comme je joue tout seul. J’utilise donc des boucles et du coup cela fait vraiment penser à « Pornography ». Même moi, cela m’a étonné la première fois où l’on a posé les chansons de « Who cares » : je m’en rappelle, on se regardait avec mon pote et on se disait « putain, y a un coté assez New Wave, assez années 80 »
► Revenons sur cet album « Who cares » sorti l’année dernière. Déjà, doit-on dire premier ou second album ?…
« Who Cares » est mon deuxième album car j’avais sorti un premier album éponyme en 2012 mais généralement, il est considéré comme un EP par la plupart des gens. Pour moi, c’en est vraiment un…même s’il ne contient que 4 titres : c’est juste que les chansons étaient tellement longues que je ne pouvais pas en mettre plus.
► Donc ton deuxième album « Who cares » a reçu énormément de bonnes critiques. Comme c’est d’usage en fin d’année, beaucoup de fanzines, de magazines ont placé ton disque dans leur top des meilleurs albums de 2013. Comment vis tu la chose ?
C’est plutôt inattendu car ça fait déjà un paquet d’années que je fais de la musique et pour une fois, cet album marche. Cela me fait plutôt plaisir et me motive encore plus.
► Ça te rajoute du coup un peu de pression que tu n’avais peut être pas avant finalement ?
Ben oui, j’ai toujours fait de la musique et tout le monde s’en foutait. Là ça change un peu la donne. Je sais que je vais être attendu et je pense déjà à la suite. J’ai toujours peur qu’elle ne soit pas à la hauteur de ce que les gens pourraient en attendre.
► « Who cares » a un côté très sombre, très noir. Quand tu composes, tu tombes toujours dans ce style musical ou alors il t’arrive d’écrire parfois des chansons plus « pop » mais que tu ne garderais que pour toi ou que tu refilerais à tes potes ?
J’ai une tendance à composer des chansons très sombres. C’est un point commun avec tous mes autres projets. Missfist est encore plus sombre mais c’était le but du jeu. On m’a déjà fait remarquer que j’apportais ce côté très dark dans les groupes que j’accompagnais et à les tirer « vers le bas », c’est assez naturel chez moi. Et effectivement, je suis incapable de composer une chanson pop.
► Mais ce côté obscur presque glauque de ta musique transpire-t-il un aspect de ta personnalité de la vie de tous les jours ?
Je peux être joyeux si je suis assez bourré (rire…). Non, je n’ai pas l’impression d’être un mec particulièrement glauque, ni dark, on passe de bonnes soirées avec moi.
► Je n’en doute pas (rires…). Pour revenir à tes futures compositions, comme tu es tout seul, est ce que tu n’as pas peur de tomber dans une sorte de mécanique bien huilée, et peut être de tourner en rond ?
J’ai toujours gardé ça en tête, même bien avant de faire ce projet. Si je regarde deux ou trois ans en arrière, je suis étonné du nombre de chansons que j’ai pu faire. Il y a des périodes où tu vas sortir trois chansons d’un coup, et d’autres où rien ne va aller.
Je ne me pose pas cette question dans le temps, je laisse le truc vivre et si un jour je me rends compte que ça fait effectivement un bon bout de temps que je n’ai pas réussi à sortir un truc , là je penserais à changer. Après le souci de la création, cela reste toujours gérable. Des fois, il suffit juste de changer une guitare, un son de batterie pour avoir l’impression de renouveler le truc.
► C’est parfois plus compliqué effectivement en étant seul que d’être en groupe où chacun peut amener ses idées et sa touche personnelle mais je suppose que tu trouves également ton compte en faisant ce one-man-band?
Oui, le fait d’être tout seul me plait car je peux avancer à ma vitesse et je n’ai pas de contraintes par rapport à un groupe. Tu sais, en France, c’est compliqué de monter des groupes car on ne gagne pas beaucoup de fric et si tu veux faire ça à plein temps, c’est ultra compliqué. Moi-même, je l’ai fait pendant des années et tu finis par vivre avec 50 boules par mois. Être tout seul te permet d’être super actif : déjà, je répète quand je veux et quand on me propose de jouer quelque part, j’y vais direct sans avoir besoin de demander si tout le reste du groupe est ok et dispo.
► Tu disais dans une interview « que la musique devait rester un divertissement » mais à t’entendre, tu ne vis que pour cela aujourd’hui : as tu un statut d’intermittence ou les cachets de tes concerts te permettent de pouvoir continuer ainsi ?
Oui, ce sont les cachets et les ventes de disques qui m’aident. L’intermittence, je n’y pense vraiment pas car pour l’instant, ce n’est pas possible pour moi : je suis vraiment tout seul, je n’ai pas de tourneur, ni personne derrière moi pour m’aider à démarcher des dates de concerts avec des cachets déclarés. Après, je m’en plains pas, je joue assez pour arrondir mes fins de mois…
Les seuls mecs en intermittence que je connais sont ceux qui ont un vrai tourneur derrière et qui les font bouger ou alors les mecs multiplient les groupes et les projets pour avoir un maximum de dates.
► Tu as connu une période de ta vie où tu pouvais jouer et faire de la musique pendant 12 heures sans voir personne. Le fait d’être sollicité pour jouer, pour répondre à des interviews te laisse forcément moins de temps. Est-ce une période qui te manque ?
(rire…) Franchement, je ne sais pas si cela me manque. C’était une grosse période de ma vie mais en regardant en arrière, ce n’était pas non plus le seum mais ce n’était pas super cool, enfin j’étais un peu associable. Là, je trouve ça juste mortel de partir tout le temps, de rencontrer pleins de gens et de passer de bonnes soirées.
Après, le revers c’est que j’ai moins de temps c’est vrai, mais je sais que je vais me barrer un moment à l’étranger pour retrouver justement ce côté-là où tu prends vraiment le temps de réfléchir à tout, d’avoir des journées entières à pouvoir composer sans avoir à gérer d’autres trucs à coté qui t’obligent à penser à autre chose.
► Avant que tu t’en ailles à l’étranger (rires…), tu nous reviens donc pour la quatrième fois à Rennes fin janvier. Si on t’a déjà vu au Grand Sommeil l’année dernière, en avril ou septembre : reverra-t-on le même set, ou évolue-t-il constamment par l’ajout de nouvelles chansons, par exemple ?
Ce que j’aime bien faire, c’est d’essayer mes nouveaux morceaux en concert avant de les enregistrer. Ça me tient à cœur parce que je vois à peu près le processus de création, de « comment faire mes boucles », dans quel ordre etc… Comme ça à l’enregistrement, j’ai déjà un gros aperçu de ce que je veux.
Au terminus, il y aura sans doute deux nouveaux morceaux par rapport au G.S. et en gros, il ne doit rester que « Away » et « Poison » de « Who cares ».
► Ce sera une première pour toi au « Terminus » ?
Non, la première fois que je suis venu jouer à Rennes, c’était au « Terminus » fin 2010 ou début 2011. Je jouais dans la même soirée avec Robin de « Grand prédateur » avec qui j’ai enregistré le premier LP de Jessica.
► Ta dernière venue ici à Rennes a eu lieu lors de la soirée d’adieux du déjà-regretté café concert « La bascule ». Pourtant, tu jouais déjà dans la même soirée quelques heures avant au Mondo bizarro dans le cadre des Transmusicales…Comment tu t’es retrouvé à jouer à la Bascule ?
C’est David de KFuel et Hélène (Mistress bombe H) qui m’ont demandé si je voulais bien faire un deuxième set à la Bascule, histoire de marquer le coup, vu que c’était la dernière grosse chouille là-bas. Comme je connaissais bien le lieu, j’y étais déjà venu jouer avec d’autres projets, et comme David et Hélène sont de bons potes, j’ai dit oui. En plus, il y avait pleins de monde et c’était carrément mortel… C’était même mieux qu’au Mondo Bizarro (rires…)
► C’est toujours triste de voir un café-concert qui ferme. Toi, à travers tes différents concerts en France, quelle est ta vision sur ces lieux qui ont de plus en plus de mal à organiser des concerts ?
C’est un gros problème mais il n’est pas unique à la France. J’étais à Berlin, il y a deux jours, et c’est pareil. C’est ultra limité, il ne faut pas dépasser un seuil sonore. Le bar où j’ai joué n’avait pas le droit de mettre de subwoofer et du coup, ils n’avaient que des enceintes dégueulasses.
► Tiens, as-tu ressenti une ambiance particulière du public allemand venu te voir, car ils ont un sacré background musical niveau new wave et post punk ?
Et bien pour l’Allemagne je sais pas trop, disons que j’étais dans un club français (madame claude) alors du coup il y avait pas mal de français finalement. Mais non, a priori, j’ai pas trop vu de différence : je crois que les Allemands et anglophones qui sont venus étaient là par curiosité en voyant les Français se faire tourner l’info sur le net. Et comme, ma musique sonne 80’s évidemment, ça leur a peut être plus directement parlé et a attisé cette curiosité due à ce gros background. Ce que j’en retiens c’est ça, des Français expatriés contents de venir écouter la zic, les autres en mode « alors voyons voir ce que ça donne » (rires…).
► Cela prouve qu’il reste des gens curieux pour se déplacer dans ces petits lieux (clubs, cafés concerts…) , en espérant que cela ne devienne pas une minorité…
Je ne sais pas si la plupart des gens se rendent compte que ce sont dans ces lieux là que les groupes peuvent se former. Ce sont ces lieux-là qui te laissent la liberté pour venir jouer avec ton groupe, et même si tu te plantes, ou si rien n’est déclaré, ce n’est pas grave. C’est important d’avoir toujours ces cafés concerts pour commencer à jouer, à bosser mais aussi pour passer du bon temps, un peu comme à la Bascule, c’était mortel. Les SMAC, c’est bien joli, c’est super carré, mais c’est « trop » à la limite…
► Oui et puis il est nécessaire d’avoir une étape avant de passer de ton local de répét à une SMAC…
Je sais qu’il y a des groupes de petits jeunes qui commencent direct par les SMAC, c’est juste hallucinant. En plus, les SMAC représentent à peine 10% de la masse de groupes qu’il y a en France, tous les autres jouent dans des cafés concerts. Quand tu vois qu’à Paris, leur espérance de vie n’est que de un ou deux ans… Après soit ils ferment, soient ils arrêtent les concerts.
► Quels sont tes futurs projets dans les mois à venir…?
Je suis en train de travailler sur le prochain Missfist, qui est bientôt fini et après pour Jessica, j’ai un split avec Mistress Bomb H qui sortira courant mai et quelques participations également attendues sur différentes compilations. Sinon, j’aimerais beaucoup ressortir un truc pour la fin de l’année.
► Juste une dernière question, le pochon de crack de la pochette de ton album a été trouvé lors d’une de tes promenades… tu peux nous situer le lieu précisément, histoire d’aller faire un tour aussi (rires…)
(rires…) Je n’en ai jamais retrouvé depuis malheureusement… C’était dans la ville ou j’habitais pendant très longtemps encore, à Bondy dans le 93. En fait, on l’a trouvé précisément sous le pont que l’on voit sur la pochette arrière du CD…
Vu tout ce qu’il y avait, le mec qui l’a perdu a dû être vraiment très énervé (rires…)
► Merci beaucoup pour ta disponibilité en tout cas !
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« Who Cares » by Jessica 93
Label : Et mon cul,c’est du tofu
La belle aventure de la Bascule est hélas bien terminée depuis début décembre :
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La belle aventure de la Bascule est hélas bien terminée depuis début décembre :
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La belle aventure de la Bascule est hélas bien terminée depuis début décembre :
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