Il y aurait tant à dire sur le groupe Chinese Man. Leur deuxième album Shikantaza, mélange les sonorités. De l’atmosphère asiatique du premier titre aux tonalités hip-hop de Liar, Chinese Man nous invite à un voyage à travers le monde. Il y a comme un subtil alliage entre la tradition et la modernité qui atteint son paroxysme avec ce deuxième album. Sûrement leur plus belle production. Seize titres, Seize ambiances différentes. Deux mois après la sortie de l’album, le groupe est à la Nouvelle Vague à Saint-Malo pour un concert affichant complet. Nous les avons rencontrés quelques heures avant le début du concert.
Alter1fo : La question vous a été posée des milliers de fois mais d’où vient le nom du groupe ?
Sly : On va faire très vite. C’est le nom du premier morceau que l’on avait composé tous les 3. On avait pris l’extrait d’un film qui faisait état d’un chinese man. Au moment de trouver un nom pour notre première sortie vinyle, on n’avait pas vraiment d’idée. Léo le bug, qui fait partie du label, nous a dit que ça sortait du commun et que ça sonnait bien. Ensuite, ça nous a permis de développer tout l’univers visuel autour de l’Asie.
Pouvez-vous expliquer vos pseudonymes ?
Sly : Pour moi, c’est simple. C’est parce que je m’appelle Sylvain.
Zé Mateo : En italien, Matthieu c’est Mateo. Zé vient de la cité de Dieu.
High Ku : C’est en référence au « haïku » japonais.
Votre premier EP est sorti il y a 12 ans. Quel regard portez-vous dessus rétrospectivement ?
Sly : Ça fait très longtemps qu’on ne l’a pas réécouté. Musicalement, je pense que ça a peut-être un peu vieilli par rapport aux techniques de production. Nous, on a progressé en tant que musicien, mais si on le réécoutait, ce serait un peu comme la madeleine de Proust. Ça nous rappelerait comment et quand on l’a fait. C’est quelque chose que l’on assume mais on ne referait pas la même musique maintenant.
Lorsque Mercedes reprend votre titre I’ve got that tune pour une de leurs publicités, c’est un tournant important dans l’évolution du groupe et de votre label Chinese Man Records. Vous avez longtemps hésité concernant ce partenariat ?
High ku : Oui, on a pas mal hésité. A l’époque, on n’avait rien sorti en CD donc c’était vraiment pour une toute petite niche de population. On savait que c’était un grand cap mais on a décidé de le faire dans la mesure où ça nous permettait de pérenniser le label sur les 2-3 années à venir. On a juste défini les conditions dans lesquelles on voulait le faire.
Concernant votre label, comment s’est faite la rencontre avec le groupe Deluxe ?
High Ku : En fait, on les connaissait via des relations personnelles que Mateo avait avec certains membres du groupe. Naturellement, ils sont rentrés dans le projet et ils ont sorti le deuxième album.
Les demandes doivent se multiplier pour intégrer votre label. Comment faites-vous pour intégrer de nouveaux groupes tout en conservant le côté indépendant ?
High Ku : Maintenant, on arrive au moment où l’équipe qui s’occupe au quotidien du label nous propose des choses puisqu’on ne peut pas tout écouter. On est dans une niche assez particulière donc tout ce qui est rap français ou techno n’est pas la base de ce qu’on produit.
Sly : Si les gens qui écoutent notre musique savent comment on fonctionne, ils n’envoient pas juste une démo mais sollicitent une rencontre. Parfois, c’est simplement pour nous demander des conseils.
Le dernier album est sorti il y a deux mois et s’intitule Shikantaza. C’est aussi le titre du premier morceau. Pouvez-vous expliquer le choix de ce titre ?
High Ku : Sur ce morceau-là, on a samplé des voix africaines mais qui, pour nous, avait une consonance manga japonais. On a demandé autour de nous à des personnes qu’on connaissait de nous soumettre des idées et c’est un des noms qui est ressorti. Le terme signifie « assis » et ça correspond bien avec le thème de la méditation.
Dans le titre Maläd, on entend la voix d’Alejandro Jodorowsky. Quel rapport entretenez-vous avec cet artiste ?
Zé Mateo : J’ai eu la chance de le rencontrer pour aller l’enregistrer. Il y a des parallèles qui se font entre le côté spirituel de la musique et ce qu’il écrit. Ça faisait écho aussi à ce que l’on avait précédemment produit. Je suis allé chez lui et c’était une belle rencontre. Je suis plutôt en contact avec sa femme qui s’occupe de tous les liens avec le monde extérieur (rires).
Au début du morceau Step Back, on entend un homme crier et les voix se calment après quelques secondes. C’est tiré d’un film ?
Zé Mateo : C’est tiré d’un film des années 50.
High Ku : En fait, il y a deux extraits différents. Un des extraits provient d’une émission de télévision et l’autre provient d’un concours de danse dans un film.
Pour les samples, vous allez dénicher des sons dans votre collection de vinyles ?
High Ku : En général, c’est comme ça, mais quelquefois on fait des recherches sur Youtube notamment pour des extraits de films.
Deux clips tirés du dernier album sont déjà sortis. Certains artistes n’aiment pas cette mise en image des chansons. Quelle importance accordez-vous aux clips ?
Zé Mateo : On travaille depuis plusieurs années avec les mêmes personnes sur nos clips donc on n’a pas de surprise. Ce n’est pas comme si on avait commandé un clip à quelqu’un. Ça a déjà été le cas mais c’était avec des personnes qu’on connaissait et dont on appréciait le travail. Il y a eu très peu de surprises. Ce deuxième album a apporté de nouvelles gammes, de nouvelles images et ça va être très enthousiasmant dans les mois à venir.
Sly : On a toujours fait une musique qui pouvait être illustrée facilement. Peut-être que les artistes qui sont moins chauds, ce sont ceux qui ont des paroles et l’image peut trahir leurs mots. C’est un accompagnement visuel que l’on transporte aussi sur scène et ça correspond avec l’idée du collectif.
Quel rapport entretenez-vous avec le cinéma ?
Zé Mateo : On est tous bien branchés cinéma, notamment le cinéma asiatique. On a un lien avec un festival de cinéma à côté de Marseille [Festival International du film d’Aubagne, NDLR]. A titre personnel, j’ai fait plusieurs courts-métrages.
Est-ce que l’on vous a contacté pour des bandes originales de film ?
Zé Mateo : J’ai eu la chance d’en faire une pour un court-métrage l’année dernière mais pour plein de raisons, ça nous semble très difficile. On adorerait en faire pour des petits cinéastes comme Martin Scorsese ou Quentin Tarantino (rires).
Sly : On a fait une adaptation de certains de nos morceaux pour un spectacle de cirque et ça nous donne encore plus envie d’aller sur ce terrain-là. Avec le temps, ces liens vont se renforcer et on aura peut-être d’autres occasions.
Vous jouez ce soir, dans cette salle. Comment sentez-vous cette nouvelle tournée ?
High Ku : fatigante (rires). On est dans les deux dernières semaines donc on commence un petit peu à tirer. Sinon, c’est une très belle tournée. Il y a un très bon accueil lorsqu’on joue le dernier album. Il y a très peu de gens qui se plaignent.
Sly : On a fait le pari de jouer 85 % de nouveaux morceaux et on était inquiet par rapport à une possible frustration du public concernant les anciens titres. Cette inquiétude s’est envolée avec les premiers concerts.
Quels sont vos projets pour la suite ?
High Ku : Les vacances! 2017-2018 seront consacrées à Shikantaza.
Sly : On sortira un disque avant cet été, mais pas un album. Le processus de création est assez long. On a même réduit le nombre de titres sur le dernier album. L’album a pris toute notre inspiration et on n’aura pas un grand projet avant quelque temps.