Le Hellfest a commencé vendredi. Dernier coup de projecteur. Le meilleur.
Pour parler de la musique de Neurosis, replongeons une fois de plus dans les histoires d’étiquettes et de scènes. La plupart des lecteurs le savent à présent, le festival des musiques extrêmes a 6 scènes : deux principales pour les groupes les plus rassembleurs (Mainstages), une double pour le death et le black metal (Altar/Temple), une pour le hardcore (Warzone) et notre préférée : The Valley.
Les chevauchements entre groupes sont donc obligatoires. En général, 3 possibilités sont offertes en même temps. L’alternance entre les deux Mainstages est évidente, de même qu’entre celles du double chapiteau. Warzone et Valley jouent donc au ping-pong également.
C’est là qu’arrive le râleur : « Mais pourquoi vous mettez en même temps la Valley et la Temple ???? Quand on aime le sludge, on aime le black !!!! » Ce à quoi, un forumeur de bon sens répondit que les liens avec le hardcore sont bien plus évidents qu’avec le noir (pas Bernard).
La preuve : Neurosis.
Si les gens d’Oakland font une musique plutôt lente mais surtout intense, on ne leur colle pas l’étiquette suscitée (sludge). Pour tout dire, quand ils ont inventé leur propre musique à la fin des années 80, il a bien fallu trouver un nouveau mot pour la décrire. Le post-rock ayant fini par désigner les étirements des Tortoise et autre Slint, les feignasses de journalistes utilisèrent le terme post-metal. Tant pis. Tant mieux. Ce qu’il faut retenir, c’est qu’on a là des défricheurs et qu’une multitude de groupes ont suivi leur voie.
Les Californiens ont débuté en 85. Rétrospectivement, des formations hardcore qui décident de ralentir leur musique, on en trouve un paquet. Black Flag déjà, l’avait tenté. Mais pour obtenir cette intensité, cette majesté, dans les années 90, il n’y a personne d’autres.
D’abord parce qu’il y a une question de voix : celle de Scott Kelly, et celle de Steve Von Till. Pour les situer, allez voir leurs projets en dehors de Neurosis. Dans une veine folk, leurs timbres graves, chargés vous foutent le même bourdon, la saturation en moins.
Ensuite, il faut quand même dégainer le mot « ambiance ». C’est Noah Landis qui s’occupe des samples et des claviers et on a l’impression que son apport est de plus en plus pertinent au fil des ans. Il y a aussi l’aspect visuel : ces derniers temps c’est Josh Graham qui s’occupait des vidéos accompagnant le show. Pete Inc l’avait précédé et a créé aussi des pochettes d’albums.
Enfin, pour la partie disque, Neurosis travaille avec Steve Albini depuis « Times of Grace » en 99.
Certains pensent qu’un artiste dit tout en 2 ou 3 albums, puis rabâche. Ce n’est pas le cas ici. Avoir une identité forte et rester excellent, ce n’est possible qu’aux meilleurs. S’il n’y avait qu’un groupe à voir au Hellfest cette année : Neurosis, The Valley, 0h00, le vendredi 21 juin.
Sans Neurosis, pas de Isis, de Pelican, pas de Cult of Luna.
Les Suédois sont 7, et sont allés jusqu’à 8. Un bassiste. Un clavier. Mais trois guitaristes. Qui ne se marchent pas sur les pieds. Bel exploit, une des clés du son de la bande. Et deux batteurs, ou un batteur et un percussionniste. De quoi mettre des couches. De quoi saturer. Et pourtant eux aussi savent en faire moins.
Quand Magnus Lindberg ne frappe pas avec ses baguettes, il est derrière la console, pour enregistrer. Erik Olofsson ne s’occupe pas que de sa 6-cordes mais aussi du graphisme. Les deux autres gratteux (Persson et Khilberg) sont aussi les voix.
6 albums depuis l’éponyme de 2001. Le petit dernier est arrivé le 25 janvier dernier. « Vertikal » est énorme. Qu’est-ce qui rend Cult of Luna encore intéressant à suivre après toutes ces années de post-bidule à tirelarigot ? On pourrait dire « le talent » pour faire court, mais bien sûr les gens d’Umea ne font pas toujours dans le bref (mais pas non plus toujours dans l’interminable). Alors on expliquera qu’il leur est arrivé de s’inspirer de Mogwai, 16 Horsepower ou Tom Waits.
La mention des Ecossais amène à dire, d’ailleurs, que si le culte de la lune fait dans « l’après », c’est parfois plus dans l’après-rock que dans l’après-métal.
Et là on a sans doute l’élément qui touche plus : les capacités mélodieuses du groupe. On ne parle pas d’un groupe pop mais simplement d’une musique qui, outre les qualités propre au genre dans laquelle elle évolue, a ces nuances de lumière qui donnent envie de les voir, eux et pas d’autres.
Ça tombe bien : Masters of Reality a fait comme d’habitude, ils ont annulé. Résultat, tout le monde a décalé et Regarde Les Hommes Tomber gagne le premier créneau. Mais nous on gagne 20 mn en plus de Manilla Road (mouaif) et surtout, 20 mn en plus de Cult of Luna. Bingo.
Cult of Luna, the Valley, 0h00, le samedi 22 juin
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