C’est un petit livre qui démarre de manière assez directe : « Le capitalisme néolibéral ravage la planète. Nous devons consacrer toute notre énergie à tenter d’y mettre fin ». Ou comment ancrer dès le début, si le titre ne suffisait pas, l’écologie à gauche.
Les premiers chapitres s’y emploient. Commençant par un état des lieux : de l’opinion, de son évolution, de la planète (le dérèglement climatique, l’érosion de la biodiversité, l’épuisement des ressources, l’accumulation des substances toxiques), les auteurs règlent leur compte à ce qu’il nomme le « capitalisme vert », une entreprise de récupération illustrée selon eux par le Grenelle de l’environnement. Démontant le mécanisme des droits à polluer, ils nous annoncent une crise des subprimes carbone.
Ici, il est intéressant de s’interroger sur l’engouement pour les énergies renouvelables. Dans de nombreuses entreprises dédiées à cette production, on y exploite comme ailleurs.
Le titre du chapitre 3 enfonce le clou : « Pas d’écologie sans sortie du capitalisme ». Mais pour cela, on nous invite alors à observer les possibles porteurs de cette transformation. Le bilan n’est pas brillant. Critiques envers les associations de défense de l’environnement et leur participation au Grenelle, les auteurs se veulent également lucides sur l’avancement des idées chez les syndicats et les partis de gauche. Si les uns n’ont pas encore pris assez en compte la question sociale, les autres ne tirent pas assez de conséquences de celle de la crise environnementale. La jonction reste largement à faire.
S’il ne faut, semble-t-il, rien attendre d’Europe Ecologie, les penseurs de la Décroissance, Hervé Kempf, le NPA et le Parti de Gauche, ont plus les faveurs de Bernier et Marchand.
Mais le reproche fait à l’ex-LCR doit retenir l’attention : un programme « idéal », c’est bien joli, mais les moyens pour y parvenir ne seraient jamais décrits.
Dès lors, on attend beaucoup des deux dernières parties, s’attendant à y trouver ce qui manquerait à la parole de Besancenot.
Le chapitre 4, intitulé « Une écologie politique et radicale » ne nous éclaire que peu. On en retient que la Décroissance est une stratégie discutable et que l’Etat c’est bien. Visiblement, la pensée anarchiste imprègne peu le Mouvement Pour une Education Populaire, l’imprécation républicaine est beaucoup plus présente.
De Paul Ariès et ses camarades, on retiendra la proposition de faire baisser la consommation matérielle. Celle sur le revenu universel sans condition est rejetée, au nom d’une conception du travail qui sent un peu le XVIIIè siècle. La Révolution Française (celle de 1789) est une référence.
Il ne reste plus que 25 pages (petites), pour faire « Des propositions de ruptures ». Quelles sont-elles ? Le protectionnisme, la solidarité avec les pays du Sud, la relocalisation, le droit au travail, l’interdiction de certains produits, l’imposition des « meilleures technologies existantes ». La première entrant en contradiction totale avec la construction européenne, c’est à la désobéissance vis-à-vis des traités que nous sommes invités.
Le livre se termine en fait là où on aurait aimé qu’il commence. Car si les pages sur la dégradation de l’environnement sont remarquables par leur synthèse et leur clarté, toutes les questions, toutes les contradictions amenées par ces propositions restent en suspens. C’est bien la peine de faire la leçon à la bande du facteur pour accoucher d’un petit programme politique qui effectivement ne déplacera pas les foules sans un gros paquet de pédagogie, et même beaucoup plus que ça.
On critique, à notre tour, mais cet ouvrage a le mérite, non seulement d’exister, mais encore sous une forme qui le rend accessible à toutes celles et tous ceux en demande d’éclairage sur l’avancement des débats dans une partie de la gauche. Celle qui se revendique « anti-productiviste ».
« Ne soyons pas des écologistes benêts; Pour un protectionnisme écologique et social » Aurélien Bernier, Michel Marchand et le M’PEP
Mille et une nuits
Les Petits Libres n°75
194p 3,5€