Après le très beau concert du week-end dernier, l’association Kfuel remet déjà le couvert samedi 30 novembre au bar Le Marquis de Sade avec une nouvelle soirée qui s’annonce encore une fois particulièrement explosive. Avec la complicité de l’impeccable label Kerviniou Recordz, ils combineront ce soir là la noise sauvagement expérimentale du trio de l’Ohio Drose et la noise furieusement acérée de Mnemotechnic. Ces derniers viendront d’ailleurs célébrer la sortie de leur excellent nouvel LP : Blinkers. Autant dire que tous les ingrédients seront réunis pour faire la fête à vos tympans.
Nous aurons a peine eu le temps de nous remettre de la belle déflagration émotionnelle de Von Stroheim au Bar de la Plage, que voilà donc une nouvelle salve de concerts à haute valeur scénique ajoutée proposée par l’association Kfuel. Les briscards s’associent pour l’occasion à l’excellent label local Kerviniou Recordz pour un duo de concerts
Dans la catégorie « groupe qu’on n’espérait même pas en rêve avoir la chance de voir dans le coin », D R O S E se pose bien là. Ce trio composé de Dustin ROSE (voix et guitare), John MENGERINK (batterie) et Gregory PACKET (guitare) est en effet originaire de Columbus dans l’Ohio. Rassemblés par l’amour d’US Mapple, Oxbow ou encore Harvey Milk, les trois Américains composent une musique aussi singulière qu’hautement personnelle. Nous étions tombés sous le charme grinçant et vénéneux de leur très impressionnant premier album Boy man machine sorti en 2016. Les 10 titres du disque forment un fascinant labyrinthe sonore entre expérimentation noise et musiques industrielles alternant ambiances hantées et déflagrations jouissives. Malgré ses aspérités, le disque est loin d’être un simple délire claustrophobique et stérile. Grâce à un travail sonore remarquable, à une gestion très subtile des respirations et au chant à bout de souffle de Dustin ROSE, le disque est un des plus belles expériences musicales sorties ces dernières années. Entre la distance géographique et la date de sortie (relativement) lointaine de l’EP, nous estimions nos chances de le voir jouer en live assez maigres. Heureusement pour nous, le label Computer Students (de l’épatant Julien Fernandez, ex –African tape) a eu l’excellente idée de le ressortir en version augmentée sous le nom Boy man machine +. Dans un packaging à l’élégance glacée, l’opus prend désormais la forme d’un splendide double LP, avec 7 titres bonus (4 de leur premier 45t et 3 inédits). Cette ressortie est l’occasion d’une tournée européenne et on remercie bien bas l’association Kfuel d’avoir fait de notre bonne vieille ville une des étapes du périple.
Pour en savoir plus sur l’univers bio-mécanique du groupe, nous vous conseillons hautement la lecture de l’interview de Dustin ROSE dans le n°51 de la revue New Noise.
Même sans son astucieux patronyme, Mnemotechnic ferait partie des groupes plus ou moins locaux qu’on garde précieusement dans un coin de nos têtes. Si on avait bien aimé Awards, le premier long format du -alors- quatuor breton (axe Rennes-Brest), sorti en 2013 chez les Britanniques de Smalltown America en 2013 (mais enregistré en 2010 par Miguel Constantino -mixé par Stéphane Laporte et masterisé par Ivan Chiossone), déjà particulièrement énergique et carré (dirait-on sautillant ?), la vraie mandale massive est venue avec l’écoute de leur second opus : Weapons. Sorti en janvier 2017 conjointement chez les copains de Kerviniou Recordz et A Tant Rêver du Roi, ces 7 titres ramassés, raclés jusqu’à l’os, amples, à l’âpre densité réussissent là où le précédent effort tentait et essayait encore. Moins débauche d’énergie que mise en/sous tension, l’album ose les reliefs découpés, déchiquetés, les montées, les effusions corrosives. Plus ramassé, le disque est d’une fracassante intensité. Rythmiques massives, entêtées et entêtantes, déluges de cordes distordues, qui claquent, décochent et t’étalent, la noise-dance-pop-math tordue et retorse des Mnemotechnic est d’une redoutable efficacité. Marqué par un formidable chant hyper mélodique, délivré la rage au ventre, là au milieu de guitares hurlantes, ici au milieu de stridences glacées et répétitives, la démoniaque transe du trio allie irrésistible immédiateté mélodique et massif impact physique. Sur scène, ça devient même carrément tangible. Au Jardin Moderne ou au Bar’hic, le trio nous avait fait une démonstration de force tout en énergie en mode TNT et nous avait collé de multiples suées mémorables.
C’est peu dire qu’on guettait donc leur nouvel album avec une fébrilité certaine. Blinkers est enfin sorti en octobre 2019 toujours soutenu par la belle association de Kerviniou Records et A Tant Rêver du Roi. Le disque reprend avec le même brio le mélange entre noise rock et nappes électro sombres et tortueuses. Il prend cependant le risque de davantage varier le tempo pour y bâtir une atmosphère moins directe, plus insidieuse. Moins échevelé que son prédécesseur, le disque évolue à un rythme plus sinueux qui le rend aussi moins évidemment accessible malgré de généreuses rasades de guitares acérées et d’épatantes bouffées de chaleur rythmiques. L’album ne dévoile vraiment ses sombres charmes qu’au fil d’écoutes multiples qui révèlent toute la saveur vénéneuse du travail sur les voix et les sonorités (avec toujours l’impérial Thomas Poli aux manettes). Mnemotechnic réussit donc l’exploit de se renouveler tout en restant parfaitement cohérent. Bravo à eux. Nous viendrons fêter dignement la sortie de cette splendide galette et nous trépignons d’impatience de nous prendre de plein le méchamment retors Leak The Civilians ou le monstrueux By Accident qui conclut brillamment le disque.
Samedi 30 novembre 2019 – Bar Le Marquis de Sade, 39 rue de Paris, Rennes – 21h – 6€