Les métropolitains rennais prennent-ils moins leur voiture au profit des transports collectifs ? C’est ce que la communication de Rennes Métropole laisse penser ; on a pourtant montré hier sur alter1fo que le nombre de kilomètres parcourus en voiture n’a pas cessé d’augmenter. Qu’est-ce qui la rend si addictive ? Le phénomène est lié aux choix opérés en matière d’aménagement du territoire ; car penser la voiture, c’est penser la ville, et la façon dont elle se construit.
Alter1fo tente de comprendre comment des choix d’aménagement nous condamnent à l’automobile.
Une aire d’influence grandissante
Sans exception, toutes les villes majeures françaises exercent une zone d’influence de plus en plus importante. Et Rennes ne déroge pas à la règle. En l’espace de 10 ans, sa progression est spectaculaire comme on peut le voir sur ces deux cartes de l’INSEE : elle se rapproche aujourd’hui de celle de Nantes et effleure les frontières du Morbihan et des Côtes d’Armor.
Rennes Métropole compte aujourd’hui environ 400.000 habitants – dont la moitié se situe à Rennes – et tire majoritairement sa croissance démographique des communes périurbaines. La pression foncière et le désir de propriété compliquent la tâche des différents aménageurs qui tentent vainement d’en limiter les effets.
Une concentration de l’emploi
D’un autre côté, Rennes Métropole est ambitieuse dans sa politique économique. Elle cherche à rayonner pour être compétitive, et ainsi attirer de nombreux investisseurs. L’image d’une métropole forte passe alors par l’implantation de sièges sociaux, d’une centralisation des pouvoirs à l’échelle régionale, et donc d’une concentration des emplois.
Ce sont bien ces deux phénomènes qui participent à l’augmentation des mobilités, et ils sont tout à fait remarquables sur ces deux cartes produites par l’AUDIAR :
Elles illustrent parfaitement les tendances spatiales qui se dégagent de ces deux thématiques. Sur la période 1999 – 2006, l’emploi s’est concentré sur Rennes tandis que la population a augmenté sur une surface de plus en plus étalée.
Une incitation à l’usage de la voiture
En termes de mobilités, cela se traduit par une augmentation conséquente des déplacements domicile-travail qui explique l’augmentation du nombre de kilomètres parcourus en voiture par habitant. Et ce phénomène est largement issu de la dépendance automobile des habitants du périurbain.
D’une part, ces habitants ne bénéficient pas d’un système de transports collectifs aussi performant que celui qui s’opère actuellement à Rennes (1) : trop coûteux, trop complexe à organiser, le maillage du réseau STAR à l’échelle de la métropole ne peut pas être aussi dense qu’à Rennes. Pour des raisons pratiques ou parfois personnelles, il est plus adéquat d’utiliser sa voiture sans avoir une réelle intention de diminuer les distances ni les coûts de déplacements (2).
En outre, la consolidation des axes majeurs du réseau routier permet de se déplacer encore plus rapidement en voiture, permettant ainsi de ne pas dépasser le seuil de temps de déplacements maximal toléré. A titre d’exemple, le passage de l’axe Rennes – Redon en 2×2 voies permettra sans doute de s’installer plus loin du noyau urbain, tout en continuant à s’y rendre pour le travail dans des temps de déplacements raisonnables.
Trafic sur la rocade ouest vers 18h en semaine
Déplacements domicile-travail : l’enjeu prioritaire
L’emploi, principalement concentré à Rennes et en première couronne, reste ainsi l’enjeu prioritaire des déplacements effectués. En effet, il motive presque 1/3 des déplacements des habitants de la métropole (3).
L’arrivée prochaine de la ligne LGV et des chantiers tels qu’EuroRennes risquent d’accentuer le phénomène. En effet, l’ensemble des projets de ZAC prévus dans cette zone (EuroRennes, La Courrouze , Le Blosne , Maurepas/Gayeulles , Baud-Chardonnet, Pacé, Armorique – Motte Brulon) totaliseront à eux seuls quelque 450.000m2 d’activité tertiaire en plus (4). De fait, une telle dynamique attirera davantage de travailleurs vers ce noyau urbain, sans pour autant qu’ils aient les moyens – ou le souhait – d’habiter à proximité du réseau de transports collectifs.
Le New Way, bâtiment d’affaires de 16.500 m2
L’objectif de réduction de 20% d’émissions de CO2 d’ici 2020 : c’est mal parti
Rennes Métropole, qui s’est engagée à réduire de 20 % ses émissions de CO2 d’ici 2020 (5), risque donc de connaître des difficultés pour atteindre cet objectif. Et pour cause : selon les chiffres qu’elle a énoncés (5), le trafic routier représente à lui seul presque la moitié des émissions (48 %), devant l’habitat (26 %) et les bâtiments tertiaires (16 %). Avec l’augmentation de l’usage de la voiture, le pari semble (presque) perdu d’avance.
Toutefois des moyens sont mis en place pour s’attaquer au problème, à commencer par la densification urbaine (6). Ce concept, souvent associé au développement durable, semble retenir l’attention de nombreuses collectivités pour repenser leur territoire. Et Rennes Métropole en fait partie : la Courrouze, le Blosne, Maurepas-Gayeulles, Baud-Chardonnet… Autant de projets urbanistiques qui cherchent à ancrer l’image de Rennes comme ville Archipel (7). Néanmoins, cette solution est-elle pour autant viable ? Permet-elle de juguler le phénomène d’étalement urbain ? C’est ce que réfute le géographe Jean Ollivro en affirmant : « nulle part dans le monde la concentration métropolitaine ne freine le déferlement périphérique » (8).
Quartier de la Courrouze. Crédit : D. Gouray
D’autre part, Rennes Métropole souhaite favoriser le report modal (9) par une politique de transports collectifs intensive. Le symbole de cette dynamique reste encore aujourd’hui la mise en service de la ligne A du métro en 2002 qui a bousculé les usages des habitants. Par une explosion du trafic, la structure du réseau STAR a du être repensée pour adapter l’offre à la demande. Les aménagements récents reposent notamment sur des lignes de bus en site propre (10) – outre le métro – afin d’acheminer les Rennais dans des temps de trajets concurrentiels à la voiture, tout du moins sur Rennes.
Or, des études montrent que ce type d’infrastructure permet d’augmenter le trafic des transports publics sans pour autant limiter le trafic automobile (11). En effet, les habitants du périurbain restent ceux qui roulent le plus en voiture, là où l’offre de transports collectifs s’essouffle d’autant que l’on s’éloigne du centre.
Voies de bus en site propre sur l’axe Est-Ouest. Crédit : D. Gouray
Quels choix pour quel avenir ?
En l’état actuel des choses, limiter l’usage de la voiture semble être un problème insoluble. Il est perceptible que les choix des décideurs ne sont pas tranchés, et qu’il existe une cohabitation de deux politiques contradictoires à bien des égards. Celle d’une part, de la transition énergétique pour une consommation plus respectueuse de l’environnement. De l’autre, celle du rayonnement métropolitain avec une volonté de croissance et de concentration des services et des emplois.
Privilégier la première au détriment de la seconde revient à tendre vers une politique de décroissance, mais qui demeure peu présente dans les discours de la plupart des élus.
Une autre voie envisageable consiste à parier sur le tissu dense de villes petites et moyennes qui caractérise la Bretagne. C’est le sens de « l’appel pour l’équilibre urbain de la Bretagne » lancé en 2011 par plusieurs élus et géographes bretons, qui dénonçait en creux les ambitions hégémoniques rennaises. Accusation balayée par Daniel Delaveau d’un revers de main (12) : « Le développement de Rennes, avait-il répondu, ne nuit à personne ».
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Est-il possible d’être écologique cohérent et de prôner autre chose que la décroissance, comme une croissance raisonnée ? Qui croit encore à un capitalisme environnementaliste et solidaire ? Nos politiques ne ménagent-ils pas la chèvre et le chou ? L’environnement et la croissance ? Pour plaire au plus grand nombre ?
Excellent article qui soulève pleins de questions. Je vais seulement rebondir sur un des points. J’ai toutes les peines, pour ma part, à croire au pari d’un développement d’un tissu urbain dense de petites et moyennes villes pour plusieurs raisons :
– Sauf à vouloir couvrir littéralement le territoire de zones urbanisées peu densifiées (ce qui n’est souhaité par personne), l’impact sur la réduction de l’utilisation de la voiture comme moyen de transport principal ne me semble fondé sur aucun élément concret.
– Économiquement, les synergies se forment par concentration des activités sur des sites proches. On peut trouver cela dommageable mais c’est une réalité économique.
– Je ne suis pas non plus convaincu que l’installation de 50 000 m² de bureaux à Melesse règle la question de la migration pendulaire. On ne fera que déplacer le problème sur des structures urbaines qui, pour le coup, ne seront pas équipées pour accueillir de tels flux de déplacements
– Créer des pôles de concentration supplémentaires veut dire aussi multiplier les infrastructures routières. A la fois pour accueillir les migrations pendulaires, mais aussi pour permettre aux entreprises de rayonner à minima sur le territoire régional.
Quid du réseau ferré et TER ? Il n’est, en l’état actuel, pas assez dense mais pourrait-il, à l’avenir, être une solution plausible malgré les investissements colossaux qu’il nécessite ?
Rennes Métropole doit-il hyperdensifier son réseau de bus métropolitain accompagnées de mesures incitatives aux travailleurs ? Au risque d’investir des sommes colossales pour 2 pékins et 3 pelés en dehors des heures de migration pendulaire.
Vaste domaine de réflexion 🙂
Tant qu’on obligera les gens à faire 40km pour venir faire un travail de bureau qu’ils auraient pu faire à 10km de chez eux dans des espaces partagés, le problème sera insoluble.
Quand on voit le développement de la zone atalante et l’état de saturation le matin et le soir, c’est déprimant. Nos dirigeants ont tellement peur que l’on ne soit pas productifs si on ne vient pas dans les locaux de la société. Sauf que ce qu’on fait c’est essentiellement de la prestation pour d’autres sociétés donc en d’autre terme déjà du télétravail…. A titre personnel j’ai 45min de route le matin et le soir, ce qui m’oblige à partir à 8h15 pour 9h et j’arrive chez moi le soir au plus tôt à 18h45. En télétravail, ne serait-ce que 2 jours par semaine, on limite la fatigue, on augmente la productivité, on gagne en confort, on pollue moins et on fait des économies, tout le monde y gagne.
Le modèle économique actuel sera t il longtemps viable ? Toujours plus..Après les méga villes on inventra les tera villes ? On oublie que la planète est finie et non infinie. Au lieu d’éloigner la population de la nature il vaudrait mieux la rapprocher. Consommons moins…soyons plus autonome voila une utopie ou un nouveau modèle de société ?
Vite, vite, l’apocalypse écologique pour donne raison à Bruno et Fabien. Ça nous fera toujours une excuse pour ne rien faire…
Il n’y a pratiquement aucun souçis à Rennes même dans le centre et ses faubourg (bus site propre, métro, vélos).
Le souçis vient de l’offre TC « offerte » aux métropolitian des couronnes 1 2 3 et 4. Déjà, il faut repousser les connexions vers les lignes de transport lourd en dehors de la rocade. Je ne dis pas d’aller jusqu’ à Pacé (la ceinture verte bloque mais au moins construire des parking silos le long de la rocade extérieur et un tunnel pour accéder à pied aux terminus (Poterie, Kennedy, St-Jacques, ZI ouest pour l’axe de bus), ce qui évite de rentrer intra rocade avec son véhicule.
Invesstissons aussi dans un vrai réseau de train express régionaux, avec des petites gares modernes et une gare TER centrale près de l’actuelle gare de Rennes. On nous dit de prendre le train, mais quand c’est saturé, on ne fait rien ou presque pour améliorer les réseaux existants (cf ligne non électrifiée de Retiers-Chateaubriant, pas de vraie ligne avec Nantes alors que la 2×2 voies RennesNantes est saturée, pas assez de correspondance avec le métro : on pouvait en faire une boulevard voltaire avec la ligne B). Marre qu’on nous dise de monter dans une Formule 1 alors que c’est une course de 2cv, un potentiel certain mais si peu d’ambition avec un réseau mal exploité !
Le problème à Rennes est de vouloir limiter la place de la voiture, mais de ne pas proposer d’alternative. Dès qu’on passe la rocade c’est le néant !!!
A quand un VRAI réseau de transport à l’échelle métropolitaine ?
Jean Ollivro est un grand géographe (« « nulle part dans le monde la concentration métropolitaine ne freine le déferlement périphérique » ») mais…
en comparant à l’échelle du monde, on voit bien qu’il y a tout de même une différence notable entre densité, et absence de densité. Comme le montre très bien le fameux graphique de Newman&Kenworthy, 1989 (Consommation d’énergie liée aux transports, par habitant, par rapport à la Densité urbaine), où les villes les plus denses consomment au total bien moins d’énergie, quelque soit la taille de la métropole.
En gros, mieux vaut tenter la densification pour limiter au moins en partie les méfaits environnementaux de l’étalement et la dilatation urbaine sans limite.
Je vous donne en exemple frappant, la ville d’Atlanta (la moins dense du monde! avec la consommation d’énergie la plus élevée), à comparer à l’agglo Parisienne, qui est 2fois plus peuplée, sur une surface plus petite que l’agglo d’atlanta.
Pour relativiser, je veux dire aux anti-croissance urbaine que la Bretagne par rapport au reste du Pays (pour comparer ce qui est comparable) est Déjà un réseau de villes petites et moyennes assez dense. La Bretagne est une région relativement urbanisée en france, dans le sens de la dispersion de cette urbanisation dans la région. La capitale Rennes reste modeste au vu de la population totale de la région. C’est la plus petite des grandes villes de France, moins de 500mille habitants dans l’agglo.
Deuxièmement, croissance économique n’est pas vraiment en contradiction avec d’autres objectifs. Croissance économique veut dire plus d’emplois donc plus d’habitants … et vice versa. Peu importe la taille de la ville au final, il faut bien que les humains présents sur terre trouvent à se loger et travailler, ce qui importe, c’est le mode de vie et de déplacement. Donc la structure du territoire.
De plus, on ne peut continuer à inciter nos jeunes à faire des études supérieures et en même temps condamner leur instalation dans des villes, ca c’est contradictoire.
La contradiction à Rennes, réside plutôt dans l’idée de vouloir favoriser les transports en commun, … tout en se félicitant de et en confortant la structure de ville-archipel (banlieue discontinue) : Entre le centre-ville et le terminus du métro Kennedy, il y a 4 stations. Le reste de l’aire urbaine (de la taille de celle de Nantes) est un maillage de banlieues-villages dispatchées dans la campagne,… malgré les bus, et avec un réseau routier rapide ..gratuit!, bien sûr que le périurbain-tout-voiture se développe fortement. Ca a été dit: faites plus de routes, plus rapides, … l’urbanisation s’éloignera encore plus.
Pour exemple, dans une agglomération réellement agglomérée, on réduit les distances et on densifie des axes potentiels de transports en commun. Autrement, c’est voiture obligée, enfin, c’est le constat. On peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre. La vie en bourgs éparses, et des transports en commun efficaces.