« Rennes, ville étudiante ». Sans faire figure de slogan officiel, c’est un fait : les étudiants font bien partie des symboles de la ville. Ils sont en majorité originaires du Grand Ouest, mais aussi de toute la France voire de l’étranger. Pour beaucoup d’entre eux, la capitale bretonne n’est finalement qu’une terre de passage, où cet effectif hétéroclite est en perpétuel renouvellement. Cela signifie aussi que peu d’entre eux votent à Rennes, mais plus souvent dans la même commune que leurs parents. Un paradoxe pour cette tranche de la population qui aurait un poids important sur l’issue des municipales…
Entrée nord de l’université Rennes 2 à Villejean
« Une ville dynamique à taille humaine »
Ce n’est heureusement pas le cas pour Blodwenn, Lucie et Quentin qui ont leur carte d’électeur à Rennes. 25 ans de moyenne d’âge, originaires du Grand Ouest, ils sont en formation d’assistante sociale ou en master de recherche en littérature.
De leur sentiment global sur la ville, leur point de vue est unanime. Quentin affirme qu’il « adore Rennes » et considère cette ville « comme sa résidence principale ». Lucie avoue qu’elle est « très attachée à Rennes » et estime que c’est une ville « dynamique à taille humaine » tandis que Blodwenn trouve que c’est une ville « riche d’un point de vue culturel ».
Une satisfaction de l’offre culturelle
Forte de son tissu associatif et de ses nombreuses manifestations culturelles, Rennes est souvent bien perçue par les étudiants déjà installés mais influence aussi ceux qui hésitent encore à y déposer leurs valises. Nos trois étudiants se rejoignent sur ce point et expliquent que c’est l’une des raisons de leur attachement à cette ville. Selon eux, Rennes leur offre un accès à la culture qui leur permet de s’épanouir et de sentir véritablement chez eux. Même s’il n’est pas ici question de quantifier l’évolution de l’offre ou de l’accès à la culture, Lucie a « le sentiment qu’il y a de plus en plus de choses à Rennes ». Elle s’appuie sur l’exemple de l’opéra en plein air1 tandis que Quentin met en avant les séances proposées à 4€2 qui « sont bien plus accessibles que celle de la capitale ». Il se risque même à dire : « je ne vois pas ce qui pourrait être amélioré, c’est déjà tellement riche […] Mais en même temps, est ce qu’ils [la municipalité] ont vraiment le choix ? Il y a tellement de demandes, tellement d’étudiants à Rennes, que ces demandes ne peuvent être ignorées ». Blodwenn modère ce propos et pense que l’accès à la culture ne concerne pas que les étudiants, mais toute la population. En exemple, elle cite « la mise en place de navettes pour les festivals », mais aussi la carte Sortir!3 qui « multiplie le public et permet à beaucoup de gens qui n’y avaient pas pensé d’y aller ».
Fermeture de la salle de la Cité, baisse d’activité dans la rue de la soif : signes d’une perte d’identité pour le centre-ville
Qu’en est-il des nuits rennaises ? Tous les trois, comme bon nombre d’étudiants, profitent des bars et des concerts pour sortir en soirée. S’ils estiment que la ville offre dans l’ensemble beaucoup d’opportunités, il en demeure certaines déceptions. Lucie évoque la fermeture précoce des bars à 1h et le manque de possibilités pour continuer la soirée : « tout ferme à 1h, il faudrait avoir davantage de petits clubs, mais pas des boites de nuit. ».
Blodwenn regrette pour sa part la fermeture de la salle de la Cité : « j’aimais bien la salle de la Cité. C’était une petite salle avec des petits groupes qui donnait l’impression d’être proche des gens ». Elle évoque également sa localisation privilégiée du vieux centre, à proximité des bars, avec une atmosphère plus chaleureuse que le Liberté.
Concernant les horaires de fermeture des bars, Quentin y voit néanmoins les joies des rencontres éphémères de cette jeunesse effervescente : « Quand on voit la Place des Lices à cette heure là, ça fait délirer ! Comment c’est possible de voir autant de monde dans une ville aussi petite ? On ne voit même plus le pavé ! ». A ce type de rassemblement, il considère que « la personne avec qui tu discutes est peut-être un peu saoule, mais tu peux t’en faire un pote ».
Ce type d’ambiance n’est pas sans rappeler celle que l’on retrouve souvent dans la mythique rue de la soif qui fait encore la réputation de la ville. Mais cette atmosphère semble changer d’année en année, comme l’évoque Lucie : « cette rue fait partie de Rennes […] Je trouve ça important qu’il y ait ce lieu où tout le monde peut se mélanger. J’ai l’impression qu’ils veulent l’aseptiser, et je trouve ça dommage. ». En retour à la question d’insécurité qui nous vient évidemment à l’esprit, elle répond : « bourrer le crâne en parlant de sécurité, forcément les gens vont finir par se sentir en insécurité ».
Projets d’aménagement : « c’est inévitable mais ça m’effraie un peu »
Comme tous les Rennais ont pu le remarquer, les chantiers de construction pullulent à Rennes depuis plusieurs années : ligne b du métro, EuroRennes, la Courrouze, Via Silva, centre des Congrès, … Si Blodwenn n’a pas vraiment d’avis sur le sujet, Quentin s’inquiète de la disparition du patrimoine dans le paysage rennais. Il parle des rumeurs qui courent sur la destruction de l’église St Aubin de la place St Anne ou sur le futur Centre des Congrès qui serait fait « de verre et de béton ».
C’est aussi la crainte de voir la ville construite de manière trop hâtive, sans prendre le temps d’observer l’évolution de la ville. A ce sujet, Lucie exprime son appréhension sur le nouveau quartier de la Courrouze :
A ces projets d’aménagement vient aussi s’ajouter le raccordement de Rennes à la Ligne à Grande Vitesse dont la mise en service est prévue en 2017. Même si Quentin y voit la possibilité d’accéder à l’offre culturelle parisienne en un temps record, Lucie admet cet avantage mais y émet certaines réserves. Selon elle, c’est aussi le risque que « la flambée des prix exclue les populations les plus vulnérables vers l’extérieur ».
A cette éventuelle problématique, Quentin conclut : « Ça sera à la future équipe municipale d’éviter ce genre de conséquences ».
Un manque de logements étudiants qui demeure, la fusion des campus qui interroge
Le problème de manque de logements pour les étudiants est un sujet récurrent à Rennes mais aussi dans toutes les grandes villes étudiantes. Blodwenn se sent d’ailleurs « personnellement concernée par ce problème » et relate ses difficultés d’accéder à la location : « entre le règlement des cautions, les fiches de salaire. Tout le monde n’a pas de parent derrière pour assurer ! […] Et pour les logements HLM, il faut compter un an et demi voire deux ans d’attente pour un studio ou un T1 ».
Cette difficulté se fait d’ailleurs particulièrement sentir à la rentrée en septembre où certains étudiants se retrouvent parfois à loger les premiers mois au camping des Gayeulles4. Pour d’autres, le logement se réduit à leur voiture. Lucie témoigne qu’un de ces amis était dans cette situation et « devait s’arranger avec d’autres étudiants pour prendre sa douche chez eux ».
Tandis que ce problème demeure, un autre événement va sans doute modifier le visage des universités rennaises. La fusion de Rennes 1 et Rennes 2, théoriquement prévue en 2016, ne semble pas faire l’unanimité. Selon les dirigeants des deux universités, cette voie serait « la meilleure solution pour augmenter la visibilité et l’attractivité du site de Rennes et plus largement de la Bretagne »5. A l’inverse, certains syndicats estiment que c’est « une mise en commun de la politique d’austérité qui prépare des suppressions d’établissements, de composantes, d’enseignements et de postes »6.
Sur ce sujet houleux, nos trois étudiants n’ont finalement pas d’avis tranché et semblent éloignés de ces débats tendus. Ils estiment néanmoins que les deux universités sont deux modèles bien différents, tant du point de vue géographique, urbanistique et philosophique. Quentin s’inquiète également que cette fusion engendre de possibles suppressions de filières : « déjà il n’y a plus de lettres classiques à Rennes 2, et il n’y a pas eu besoin de fusion. Alors quand il y aura la fusion, ça peut aboutir à des choses comme ça. Pire que ça. ».
Et pour les municipales, déjà une idée de vote ? « J’ai pour l’instant la tête ailleurs »
Les prochaines municipales, c’est finalement dans moins de deux mois. Visibles sur les marchés, sur Internet ou parfois à notre porte pour recruter, les partis candidats ont maintenant lancé leur campagne depuis plusieurs semaines. Pour autant, nos trois étudiants ne se sont pas encore penchés sur les programmes mais assurent qu’ils vont voter.
Entre le stage pour certains, les projets associatifs pour d’autres, les cours et les virées nocturnes, les municipales ne font pour l’instant pas vraiment partie de leurs préoccupations. Ce que Lucie exprime ainsi : « Je m’y intéresserai au dernier moment.[…] J’ai pour l’instant la tête ailleurs ».
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1. Allusion à la représentation en plein air de « La Traviata » en juin 2013, http://bretagne.france3.fr/2013/06/05/opera-succes-pour-la-traviata-264205.html ↩
2. Opéra de Rennes, « Révisez vos classiques », http://www.opera-rennes.fr/ ↩
3. Carte nominative, attribuée en fonction de la situation familiale, qui permet d’accéder à des activités culturelles et sportives à des tarifs préférentiels http://metropole.rennes.fr/pratique/infos-demarches/culture-sport-loisirs/carte-sortir/ ↩
4. Situé au nord est de Rennes au sein du parc des Gayeulles, il est l’unique camping de la ville ↩
5. http://www.univ-rennes2.fr/presidence/actualites/rennes-1-rennes-2-voie-fusion-privilegiee ↩
6. http://www.sauvonsluniversite.com/spip.php?article6367 ↩
Les témoignages de ces 3 étudiants me ramènent quelques années en arrière, lorsque j’étais en résidence étudiante à Rennes. C’est vrai que Rennes est une ville très attachante et très vivante, mais comme le soulignent ces jeunes, il est très difficile de se loger lorsque l’on est étudiant.
Les différents projets d’urbanisme ne sont pas forcément mauvais en soi, mais il est vrai que cela ne favorisera pas l’accés au logement.
C’est un exercice plutôt inhabituel, mais cet article est assez révélateur sur les attentes et les inquiétudes de la jeunesse Rennaise.