Electroni[k] a, entre autres qualités, d’être un festival n’hésitant pas à s’aventurer où on ne l’attend pas. L’an dernier, c’était sur le front du hip hop débridé qu’on nous emmenait avec TEZ. Cette année, pour notre grande joie c’est sur des terrains noise et punk rock que s’aventurait l’Antipode vendredi 12 octobre.
Si la prestation de TEZ nous avait parut un peu pêcher dans la programmation par manque de finesse, la greffe de guitares a elle, pleinement pris.
Avant de prendre notre dose de riffs, nous avons d’abord pris le temps d’aller baguenauder du côté des superbes installations d’AVoka Productions. On y a trouvé un tourne-disque jouant nos dessins, des têtards séparés en deux clans et une superbe table lumineuse pour fabriquer ses propres films d’animation. Esthétiques soignées et simplicité limpide d’utilisation pour un trio de machines qui permettent à votre créativité de partir joyeusement en vrille.
Elles seront encore à l’Antipode dimanche pour l’après-midi Famille Electroni[k]. On vous conseille plus que fortement d’aller les manipuler à loisir.
En entrant dans la salle, on trouve un violon, une basse, une guitare, une batterie et une batterie impressionnante de pédales d’effets. Les quatre nantais de Chausse Trappe jouent au milieu des gens et avec seulement leurs pieds d’éclairés. Ils ne joueront que deux longs morceaux, répétitifs en diable, séparés par un déluge de larsen vivifiant. La musique de Chausse-Trappe va droit au but. Droit à l’os. Leurs longs morceaux dépouillés et monolithiques déploient leur majesté avec patience et énergie. Leur Kraut-noise, plus têtu qu’un cargo d’ânes bretons, creusent inlassablement un superbe sillon où l’on est ravit de s’empêtrer et de savourer les chaos subtiles ponctuant la route sans fin. C’est à peine croyable qu’une musique aussi répétitive soit aussi passionnante de la première à la dernière note. Les variations furieuses des guitares et violons y sont surement pour beaucoup mais la puissance de la section rythmique est surement leur atout déterminant.
Grosse claque donc, mais on ne leur en aurait point voulu s’ils nous avaient gratifié d’un morceau supplémentaire.
Nous étions très curieux de découvrir sur scène ce que pouvait donner la rencontre entre la maniaquerie géométrique du vidéaste bricoleur Yroyto et des furieux bordéliques de Cheveu.
Le concert démarre sur les chapeaux de roues. La méthode est simple : des riffs punk à souhait, des boucles de synthés cradingues et jouissives, une boîte à rythme antique mais redoutable et le chant éraillé et braillard de David Lemoine (le Ron Perlman du Punk-Garage français) passée à la moulinette d’effets multiples. Peut-être pour faire oublier sa prestation peu convaincante lors de la carte blanche à Gablé, le groupe s’est mis la pression. Le concert est relayé en direct sur Canal B et le trio se donne à fond. Les tueries lo-fi s’enchainent sur un rythme d’enfer et le public se laisse entraîner avec délectation dans la tourmente. Le groupe livre une belle heure généreuse et énergique en diable.
Les visuels d’Yroyto ne sont pas en reste. Rythme hystérique oblige, le garçon jouera moins sur des manipulations en direct et les complétera avec une gamme assez réjouissante de vidéos. Pour coller à l’ambiance punk-rock, Yro se salit les mains, les plonge dans de sombres liquides ou bourre sa boîte à malice de débris de verre. Éclaboussures et coulures diverses viennent exploser la géométrie. Autre irruption inhabituelle, la couleur entre en jeu. Giclures de peintures vertes, bleues ou oranges envahissent l’écran et quand Cheveu entonnent en final «C’est ça l’amour» le rose emblématique de gants Mapa vient jaillir de sous les gants noirs. On a aussi totalement adoré les stroboscopes à la main et l’utilisation de photos d’archives venant nous rappeler que le projet initié par des partenaires aussi divers que Cultures Electroni[k], l’Antipode MJC, Mains d’oeuvre ou la Cité de l’immigration, s’intitule «Where do you come from ?».
Belles prestations des deux parties donc mais on regrettera juste que le lien entre les deux ne se fasse pas vraiment. Nous avons plus eu le sentiment de la juxtaposition de deux œuvres très réussies mais ne se rejoignant dans leur élan que par instants.
Pas bien grave puisque cela ne nous aura absolument pas gâcher le plaisir d’une soirée d’ouverture aux dissonances, réussie d’un bout à l’autre.
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Cultures Electroni[k] a lieu du 8 au 14 octobre 2012 à Rennes.
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