BD en novembre : Wilson et Château de sable

– Alors Mr B, depuis notre dernière rencontre, qu’avez-vous lu de très bon ?

– Dans mes dernières lectures deux sorties récentes se dégagent largement : le Wilson de Daniel Clowes chez Cornélius et Château de sable de Frederik Peeters et Pierre Oscar Levy chez Atrabile.

Wilson-1

Wilsonplanche
– Commençons donc par Mr Clowes, un américain ?

– Tout à fait. Je crois que ça commence à se voir que j’aime bien fouiner du côté de chez les anglo-saxons. Donc Clowes a fait les beaux jours de la BD alternative américaine des 90’s avec ses formidables Eightball comics dont ont été extraits et compilés les épatants Ghost World et David Boring mais aussi tout un tas d’histoires courtes.
En 2005, il a déjà fait très fort avec Ice haven, un récit éclaté et multi-formes où il scrutait avec férocité, mais non sans empathie, les pathétiques existences de héros du quotidien. Dans ce volume il y avait déjà une utilisation tout à fait passionnante des codes des comic-strips, ces petites bandes dessinées en quelques cases, souvent humoristiques que l’on trouve encore parfois dans les dernière pages des journaux. Dans Wilson, il pousse le dispositif encore plus loin en s’amusant à dessiner chaque page dans différents styles empruntés aux auteurs de ces comic-strips. Le plus fort c’est que l’exercice de style ne nuit pas au propos, bien au contraire.
Wilson, c’est l’histoire d’un misanthrope. Un râleur de compétition, passant son temps à soliloquer ou à interpeler des victimes incrédules, restant béates devant un tel abattage d’humour saignant et de mauvaise foi. Rendu désespérément seul, par la mort de son père, il se lance en quête pour retrouver la trace de son ex-femme et de sa fille qu’il n’a jamais rencontré.
Le fait de raconter les pitoyables et hilarantes péripéties de cette lamentable tentative de reconstruction de famille, sous forme de gags en une page, apporte une vivacité et une férocité extraordinaire à l’ouvrage. Comme d’habitude chez Clowes, le désespoir existentiel ne tombe jamais dans le cynisme et la profonde tendresse de l’auteur pour son abominable personnage est évidente.
Une BD infiniment triste, infiniment drôle, infiniment humaine quoi.

chateaude sable

chateaudesableplanche
– Et ce monsieur Peeters, n’est-ce pas celui des pilules bleues ?

– Exactement. Depuis son coup de maître de 2001, le suisse est loin d’avoir démérité. Science Fiction intimiste avec Lupus, polar réaliste avec RG, univers décalé avec Koma, humeurs noires (très noires) avec la réédition de ses Ruminations… le monsieur est un touche à tout avec un talent fou. Son avant dernier album : Pachyderme, était une ballade onirique brillante graphiquement et narrativement mais qui m’avait un peu frustré avec sa fin trop explicative à mon goût.
Pour ce nouvel album, Peeters s’est associé avec Pierre Oscar Lévy, un documentariste avec lequel il a travaillé sur une adaptation ciné des Pillules bleues. Je ne sais d’ailleurs pas trop où en est ce projet ?
C’est typiquement le genre d’album où le plaisir de la découverte progressive de ce que ça raconte vraiment est un des éléments essentiels. Vous comprendrez donc que je m’en tienne au strict minimum côté histoire. Sachez donc juste que l’album se déroule intégralement sur une plage isolée dans une charmante crique où progressivement différents personnages vont arriver.
Petit à petit, une intrigue simple et forte va se construire pour aboutir à un final aussi inéluctable que puissant. Peeters compose une partition graphique en noir blanc parfaitement fluide. Il joue avec les cadres avec une maitrise saisissante, explorant le décor naturel ou les corps des personnages afin d’installer proximité ou malaise diffus.
Une Bande Dessinée à l’écriture très littéraire et à l’ambiance troublante et très particulière qui ravira les amateurs d’étrange mais pas que.

– Merci Mr B. RDV le mois prochain pour un bilan de l’année ?

– Avec plaisir, je vous prépare ça.

1 commentaires sur “BD en novembre : Wilson et Château de sable

  1. LZ

    Je sens qu’en sortant du boulot, je vais filer chez Critic…

Laisser un commentaire

* Champs obligatoires