BD en mai : C’est arrivé près de chez nous

La chronique de ce mois de mai va doucement se permettre de sortir de son schéma rituel. On y cause exposition, Palme d’Or, livre presque sans image… et on y croisera même une Bande Dessinée.

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Un peu dépassé par la foule légèrement impénétrable des sorties du moment, on a eu envie de laisser un peu passer l’ouragan et de causer un peu d’autres choses.

Hittinger

On commence par vous rappeler que l’institut Franco-américain vous propose jusqu’au 8 juin une exposition des planches originales de Christophe Hittinger. On vous en a déjà amplement causé mais maintenant qu’on l’a vue, on vous conseille encore plus expressément d’y aller. Dans un bel espace lumineux, vous y retrouverez surtout des pages de Jamestown très joliment agencées. Le tout est un vrai plaisir et on redécouvre avec bonheur la variété technique du monsieur. Deux superbes dessins originaux de son Géants sont également visibles. Il vous reste peu de temps pour y aller mais ce serait vraiment dommage de louper ça.

 

Du 21 mai au 8 juin-Institut Franco-Américain (7 quai Chateaubriand, Rennes)-Gratuit
Mardi au vendredi : 13h30 – 19h / Samedi : 13h30 – 18h
Visites commentées en anglais et en français pour les groupes

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On voulait aussi saluer la toute récente Palme d’Or récompensant La vie d’Adèle d’Abdellatif Kechich. D’abord, parce qu’on adore tous les films du monsieur, ensuite parce que ça a l’air de faire beaucoup de peine à Christine Boutin, enfin surtout parce que c’est l’adaptation de Le bleu est une couleur chaude de Julie Maroh qu’on a aussi beaucoup aimé.
On vous invite aussi très chaudement à lire le très beau billet que la dame a publié sur son BLOG, qui au milieu d’une série de polémiques foireuses autour du film est une merveille d’intelligence et d’honnêteté. On en a bien besoin par les temps qui courent.

Chez Glénat, mars 2010, 160 pages, 14,99 €

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Allez, on va tout de même se décider à vous causer (un peu) BD. Spirou a 75 ans cette année. Comme la commémorationite est une sale maladie extrêmement répandue dans le monde éditorial français, c’est évidemment un vrai festival. Au milieu d’un fatras publicitaire assez peu ragoutant, on vous conseillera surtout d’aller relire les albums du groom dans vos bibliothèques municipales, si vous ne les avez pas chez vous. Tous ceux de Franquin sont bien sûr totalement indispensables mais on a aussi une tendresse particulière pour les 9 épisodes de la série signés Jean-Claude Fournier. C’est au bonhomme qu’est consacré Dans l’atelier de Fournier de Nicoby (les ensembles contraires, 20 ans ferme) et Joub (Géronimo, Max et Zoé avec Davodeau). Les deux auteurs mettent en scène avec tendresse et malice leur rencontre avec l’auteur. Fidèle à sa réputation, Fournier les abreuvera de spiritueux, de bonne chère et de savoureuses anecdotes. Nicoby et Joub prennent visiblement beaucoup de plaisir à raconter sa rencontre et sa collaboration avec Franquin ou ses frictions avec Dupuis qui mèneront à son éviction de la série. Ils évoquent également ses autres projets (Bizu, Les Crannibales… ou ses travaux dans la pub ou pour Ouest France) et son rôle dans le montage de Quai des Bulles. Tout ça est bien évidemment très gentiment idolâtre, mais c’est totalement assumé, et le ton bonhomme et rigolard du truc rend ça tout à fait plaisant. Surtout que les pages et la fin de l’album sont largement agrémentées de crobards et dessins issus des archives magnifiques du monsieur. Un joli petit exercice biographique, pas prétentieux pour deux sous, et très agréable à lire, particulièrement pour ceux dont les longs dimanches pluvieux ont été bercés par Kodo le tyran, les zozos du Triangle ou Papa Pop.

Chez Dupuis, mars 2013, format 18 x 24 cm, 160 pages, 24 €

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L’indispensable du mois est, une fois n’est pas coutume, un livre. Certes abondamment illustré, mais comptant quand même plus de 200 pages, écrit petit et bien dense.
Une scène dans l’ombre est le premier livre de Nicolas Auffray, journaliste ayant collaboré au Télégramme et au Mensuel de Rennes. Le bonhomme a décidé de mettre un coup de projecteur sur deux décades d’une scène rennaise d’auteurs de Bande Dessinée riche et foisonnante, et pourtant totalement méconnue du grand public en général et des Rennais en particulier.

Découpé en trois parties, l’ouvrage s’ouvre sur les rencontres fécondes au début des années 90 de jeunes auteurs, qui inspirés par l’auto-édition américaine, se lancent à corps perdu dans l’aventure du fanzinat. L’auteur décrit avec une belle passion la boulimie créatrice de cette bande et les liens se tissant entre les groupes d’où naitront les Brulos Le Zarzi, Chez Jérôme comix ou Le Journal de Judith et Marinette… Il n’oublie pas aussi de souligner les rôles essentiels joués par Jésus Lemoniz, patron de l’imprimerie Identic, qui sut apporter une remarquable qualité formelle à toutes ses revues, mais aussi évidemment l’ouverture de la librairie Alphagraph de Jérome Saliou qui offrit vitrine et point de convergence à tous ces auteurs. L’auteur évoque aussi la passionnante aventure de l’atypique festival Périscopages, ou les maisons d’éditions nées de ce foisonnement comme L’Œuf, La Chose ou Les Taupes de l’espace

Alors évidemment le chapitre final plombe un peu le moral. Alphagraph va bientôt mettre la clef sous la porte, Jésus Lemoniz est décédé, Périscopages s’est arrêtée en 2011…, mais certains des auteurs continuent obstinément de faire œuvre et, comme nous, Auffray espère bien une relève. Tout à fait possible d’ailleurs, tant le récit de ces 20 années d’ébullition artistique est stimulant.

Alors, le livre n’est pas toujours exclu d’une certaine lourdeur et de redondances dues au grand nombre d’informations fournies, mais il apporte un éclairage très détaillé et plus que bienvenu sur une scène locale captivante à l’influence souterraine mais indéniable.

En complément de cette lecture, on vous invite à vous rendre au 6ème étage des Champs-Libres un jour où vous aurez un peu de temps devant vous. Confortablement calé dans un fauteuil, vous pourrez écumer les bacs du rayon fanzinothèque de cet étage où vous trouverez une bonne partie des fanzines évoqués dans le livre.

Chez Editions Goater, novembre 2012, format 16 x 20 cm, 208 pages, 16 €

1 commentaires sur “BD en mai : C’est arrivé près de chez nous

  1. Sylvain

    Eh bien moi, je prends toujours autant de plaisir à lire les chroniques de M. B. Et d’autant plus quand elles font référence à des trucs que j’ai lus, vus ou entendus.

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