[2023] Des bouqu’1 sous le sap1 #20 : « Là où sont les oiseaux » – un conte nordique à la sauce noire

Marre de l’esprit de Noël ? Marre des infos cataclysmiques ? ça tombe bien, nous aussi ! Bienvenue dans notre 6ème calendrier de l’Avent Altérophile, dont on espère qu’il sera original et divertissant ! Tous les jours (ou presque) jusqu’au 24 décembre, une idée de truc en papier à mettre sous le sapin. Bon pour l’âme, bon pour nos petits libraires-amis, bon pour nos papetiers-amis, bon pour nos neurones. Sans prétention aucune, des coups de cœur qu’on a envie de partager, pas forcément des nouveautés, pas forcément des trucs inouïs. Juste des morceaux de papier, souvent imprimés, en format origami, d’une épaisseur à glisser dans les poches ou de gros pavés pour caler le sapin, qui nous ont émus, interpellés, questionnés, emballés ou intrigués… Et qu’on a envie de vous faire (re) découvrir. Ouvrez donc les pages jour après jour…

Cœurs non accrochés et âmes sensibles, passez votre chemin ! Ce conte nordique démarre sur les chapeaux de roue dès le premier chapitre et ne vous épargnera rien ! Là où sont les oiseaux est une saga familiale, un roman magistral et polyphonique, écrit par la danoise Maren Uthaug, née en 1972 d’une mère norvégienne et d’un père same.

Direction la Norvège, dans le comté et la région de Trøndelag, sur la commune de Ørland en 1920. Sur la côte, à quelques encablures, en pleine mer, se dresse le phare de Kjeungskjær. Le village d’Uthaug n’est qu’à deux kilomètres mais l’isolement et la solitude vont décimer toute une famille et sa destinée. Coupés du monde, les habitants subissent les lois de la nature, une proximité pas toujours bien gérée et le regard permanent de la communauté sur les agissements des uns et des autres. Secrets et apparences sont les maîtres mots de la survie humaine en cette contrée. 

Le premier chapitre est un prologue noir et sombre, qui tisse la toile de tout ce qui va suivre : « Les vagues avaient craché leur écumes sur les carreaux. Certes, il allait mourir, mais ce n’était pas une raison pour que les matelots sombrent avec lui ». Un lieu perdu en mer, proie de la nature et de ses déchaînements les plus violents. Et dont les soubresauts influencent la vie de ses gardiens : tempêtes, isolement, conditions difficiles, perte du sens commun et folie humaine. 

On fait connaissance avec Johan, son histoire, sa famille, ses rêves : il voulait fuir vers l’Amérique avec son premier amour Hannah. Mais pour subvenir aux besoins de sa vieille mère, le jeune homme devient le gardien du phare : « Un soir qu’il était au port, il avait entendu dire que le vieux gardien s’était pendu, ce dont s’affligeaient les villageois. Tout le monde savait qu’à la mort de sa femme, il avait perdu la tête. Qu’il tournait en rond sur l’îlot et qu’il parlait aux oiseaux. […] Personne n’était fait pour vivre au milieu de l’océan. Le phare de Kjeungskjær n’était pas un endroit pour les gens ordinaires. »  Il prend pour épouse la fille du pasteur, Marie, contraint et forcé d’avoir une famille pour accéder au poste de gardien du phare. Mais c’est toute une vie de frustrations, de solitude et de non-dits qui va se révéler. Et qu’on garde secrète pour ne rien gâcher de votre future lecture. 

Le roman, c’est cette même histoire racontée par trois personnes différentes : par Johan, mais aussi par sa femme Marie et par leur fille Darling. Trois salles, trois ambiances, où les silences et les non-dits des uns traduisent les souffrances et les désirs des autres. Un drame à trois voix, une saga sombre et âpre comme les flots norvégiens en pleine tempête.

Là où sont les oiseaux dresse le portrait social de ces paysans et marins à qui rien ne fut facilité, mais aussi le portrait funeste de ces femmes qui ont tant souffert sous le joug patriarcal et le regard des communautés peu bienveillantes. Seul le phare traverse calmement ces histoires, continuant sans cesse d’éclairer les vies des protagonistes, aussi sombres soient elles, et les flots, aussi dangereux soient ils. 

Un roman qui ne vous laissera assurément pas indifférent.e. Un grand coup de maître encore une fois de l’éditeur Gallmeister qui a le chic pour dénicher des écrits étrangers originaux et puissants. 

Là où sont les oiseaux / de Maren UTHAUG – Editions Gallmeister (collection Romans étrangers) – 2021 – ISBN 978-2-35178-265-1
Sur le site de l’éditeur

 

 Retrouvez ici tous nos articles : Des bouq’1 sous le sap1 2023

Et nos archives :

la sélection 2022
la sélection 2021
la sélection 2020
la sélection 2019
la sélection 2018

Laisser un commentaire

* Champs obligatoires