Embellies 2016 : interview de Fragments

Fragments

Après de longs mois d’attente, Fragments a dévoilé son tout premier album, Imaginary Seas, le 05 février. Et le festival des Embellies nous offre l’occasion de fêter cette sortie en compagnie d’Evening Hymns et Louise Roam ce jeudi 03 mars à l’Antipode.
Le duo originel, fondé par Sylvain Texier (The Last Morning Soundtrack) et Benjamin Le Baron (F.Hiro) a été rapidement rejoint par Thomas Beaudouin (chanteur/guitariste de Pirhana) pour le live. La musique de Fragments, complètement instrumentale est de celle qui prennent le temps des silences, des respirations. Le trio réussit à créer l’intensité et les montées, en jouant sur l’épaisseur évanescente des silences, par petites touches. Après le magnifique single Off the Map, leur premier EP de 4 titres, Landscapes, était une véritable réussite, délicat équilibre entre le côté immédiat de la pop et les variations d’intensité du post-rock.
Nous avions eu le plaisir de découvrir en juillet dernier aux Vieilles Charrues leur tout nouveau set élaboré en mars 2015 lors de leur résidence au 6par4. Le trio nous avait distillé un subtil mélange d’electronica et de post-rock, jouant sur les variations d’intensité, réussissant à captiver l’auditeur d’un bout à l’autre du concert. En live, certains morceaux se révèlent plus énergiques, avec des montées amples et soignées, mais le groupe réussit également à restituer les ambiances plus éthérées. La découverte des tous nouveaux morceaux de cet album fraîchement mixé avait fait croître notre impatience.

Nous en avions profité pour leur poser quelques questions sur cet album et sur leur nouveau set. Retour sur cette rencontre avec trois esthètes de la précision sonore, Sylvain, Benjamin et Tom.

Interview : Yann, Photos : Solène

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Alter1fo : Si vous deviez présenter Fragments en trois mots, que diriez-vous ?

Benjamin : Tom, Benjamin et Sylvain (rires).

Sylvain : Electronica, post-rock, onirique.

Votre groupe a un parcours singulier puisque Fragments est né d’un souhait de faire une pause dans vos projets, et d’expérimenter de nouvelles choses. Un peu plus de deux ans après : Bourges, les Trans Musicales, les Trois Eléphants et maintenant les Vieilles Charrues. Quel est votre secret ?

Sylvain : Il n’y a pas de secret. C’est drôle mais on ne s’y attendait pas non plus ! Quand on a monté notre projet avec Benjamin il y a trois ans, on n’aurait pas imaginé faire autant de choses. Pour nous c’était impensable parce qu’on faisait de la musique instrumentale. On a, je pense, réussit à mettre cette musique expérimentale dans un format assez pop, et plutôt parlant pour un public qui n’écoute pas ce genre de musique habituellement. On a aussi eu la chance de faire beaucoup de concerts et de gagner des fans comme ça. Les maquettes, les premiers disques sont peut-être moins faciles d’accès que le live, et c’est plus facile de convaincre les gens en live. Mais je pense que ce sont surtout les formats pop qui ont fait la différence. Dans le post-rock et l’electronica, on a plutôt tendance à étirer les formats.

Effectivement, les morceaux sont plutôt ramassés, 3-4 minutes.

Sylvain : Non seulement on ne veut pas s’ennuyer mais on ne veut pas non plus ennuyer les gens. Et puis c’est compliqué lorsqu’on étire les morceaux sur 8-10 minutes : c’est intéressant, ça fait de longues montées, mais on préfère découper un morceau en deux, pour en faire deux parties vraiment distinctes. On écoute aussi des choses très catchy, et c’est ce qu’on a essayé de faire avec notre musique.

Tom vous a rejoint pour apporter un côté plus rock en live, et vous nous expliquiez que ça avait forcément amené le projet vers quelque chose de plus post rock. Comment composez-vous maintenant ?

Tom : sur le disque, souvent l’un de nous trois ramène une idée principale. Et ensuite on met en commun. Les résidences nous ont aussi permis de tester les morceaux. C’était intéressant ces aller-retours entre le studio et la scène.

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Parce que le projet est né en studio au départ ?

Sylvain : Oui clairement. Avec Benjamin, on n’avait jamais imaginé faire de la scène. C’était juste pour faire de la musique ensemble. Et on assumait plus le côté planant de notre musique en studio. Et puis quand ça a commencé à plaire, on s’est dit : les gens veulent du live et à deux ça va être compliqué. D’où l’arrivée de Tom. Mais le post-rock est quelque chose qu’on écoutait aussi et l’arrivée de Tom a été un déclencheur.

Justement, ce nouvel album sera une synthèse de la musique ambiante des débuts et le post-rock live ?

Sylvain : Oui, c’est ça une synthèse.

Avec de nouvelles choses je suppose ?

Sylvain : oui, il y a des morceaux qui ont été retravaillés, de nouvelles compositions. Ca va vraiment de l’electronica pure, sans batterie, sans guitares électriques à des morceaux très post-rock avec une touche d’electro. On jongle entre ces deux facettes. Je pense qu’on a plutôt réussi à combiner les deux sur le disque, on est tous les trois satisfaits du travail réalisé.

Vous faites un énorme travail autour du son, ou plus exactement des sons. Quels sont les plus insolites pour ce nouvel album mais aussi sur l’EP ?

Benjamin : Je l’ai moins fait dernièrement mais pendant un long moment, j’avais en permanence mon enregistreur avec moi et j’enregistrais tout. Par exemple sur Off The Map, il y a des bruits de feuilles mortes, des branches qu’on casse. Parmi les plus insolites, j’ai enregistré le bruit de mon robinet qui fuyait et aussi le bruit d’un choc sur un radiateur (rires).

Sylvain : On recherchait des idées, et je voulait un truc qui tourne : on a prit mon vélo, on l’a mis à l’envers et on a enregistré la roue qui tourne. On ne s’en est pas servi mais c’était cool à enregistrer !

Benjamin : L’idée est vraiment d’enregistrer tout et n’importe quoi et ensuite de le retravailler sur ordinateur, manipuler les sons, faire des boucles rythmiques pour en tirer quelque chose de différent, de singulier. On les utilise ou pas mais on a une banque de sons qui nous est propre. C’est ce qui donne ce côté plus organique à l’electro.

Sylvain : c’est plus inspirant. Et Benjamin réussit à bien bricoler ça.

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Vos mélodies peuvent être à la fois épurées ou beaucoup plus riches, parfois au sein d’un même morceau : afin d’enrichir les compositions, avez-vous fait appel à des guests sur l’album ?

Tom : oui Clément Lemmenicier (Bumpkin Island, Mha) à la trompette, Nicolas Terroitin à la basse. On fait aussi nous-mêmes des featuring (rires).

Sylvain : Comme on joue tous de plusieurs instruments, on arrive à se débrouiller à trois sans faire appel à plein de musiciens. Pour les trompettes on y était obligé et ça fait aussi plaisir d’inviter des copains à jouer sur le disque.

Benjamin : Par contre il y a beaucoup de personnes qui nous ont prêté du matériel : on a eu un featuring matos impressionnant ! (rires)

Passons maintenant au live. Quand on écoute votre musique, on imagine quelque chose de progressif dans le set. Comment composez vous votre set ?

Sylvain : oui et non. Au début, on est parti là-dessus : notre premier set était construit autour d’une longue montée tout au long du concert. Ca marchait très bien sur 35 minutes mais sur 45 minutes, ça devenait plus compliqué. Le début met du temps à monter, et on s’ennuyait un peu. Plutôt que de faire une lente montée post-rock, on a décidé de mettre du relief dans notre set, à l’image de notre musique. On compose la setlist comme on compose nos morceaux. Il faut qu’il se passe des choses sinon tout le monde s’ennuie, nous compris.

Tom : Ca crée une dynamique qui nous permet de rentrer dans le concert. On a une montée très rapidement dans le set pour redescendre ensuite.

Vous avez pu bénéficier d’une résidence de 3 jours au 6par4 dans le cadre du Label Charrues : quels aspects du live avez vous plus spécifiquement travaillé ?

Benjamin : On a justement travaillé l’ordre des morceaux, et l’intégration des nouveaux morceaux. Comme on a pas mal de machines sur scène, on a aussi retravaillé l’aspect sonore pour calibrer et mettre au même niveau l’ensemble des morceaux. Et lors du troisième jour, on a travaillé sur les lumières.

Pouvez vous nous parler des installations de Grand Géant ? (que nous n’avons pas pu voir lors du concert puisqu’il se déroulait en plein jour). Comment s’est passée la rencontre ?

Benjamin : Par l’intermédiaire de Stéphanie de l’association Patchrock qui nous les a présentés. Ils travaillent souvent ensemble. A l’époque, ils bossaient sur une installation avec Ladylike Lily. On voulait des éléments pour habiller le live, mais pas forcément tomber dans les clichés du post-rock, comme des vidéos. Lors de notre rencontre avec Grand Géant, on a réfléchi tous ensemble et ils nous ont apporté une idée très intéressante : des pieds sur lesquels reposent des miroirs automatisés, synchronisés avec la musique.

On évoquait les guests sur l’album, envisagez-vous d’agrandir le line-up du groupe, ne serait-ce que ponctuellement sur certaines dates ?

Sylvain : on l’a déjà fait il y a deux ans au festival Maintenant à Rennes, avec Clément à la trompette. C’est super mais on ne peut pas le faire sur tous les morceaux parce que ça ralentit le live, faire sortir les uns, entrer les autres… Pour le moment la formule en trio fonctionne, mais sur un deuxième disque, qui sait ?

Votre musique évoque forcément plein d’images chez l’auditeur : avez-vous pensé à la réalisation de vidéos de vos titres, voir d’illustrer musicalement un film ? On pense à Off The Map qui illustre parfaitement le film de votre tournée.

Benjamin : on va se pencher sur un clip pour la sortie de l’album. On a envie de quelque chose de percutant, qui colle vraiment bien, mais pas trop figuratif.

Sylvain : ce qui est compliqué à gérer, c’est l’attente plus importante des gens sur un vidéo clip de morceaux très cinématographiques, comme tu le disais. Ca met forcément la pression : il faut bien choisir avec qui tu travailles, et réaliser un clip coûte très cher. On prend le temps de la réflexion. On aimerait quelque chose de très symbolique, à l’image de notre musique. On essaye de trouver une idée percutante, facile à réaliser, et c’est très compliqué.

Merci beaucoup !

Merci à vous !


L’Antipode MJC et Patchrock, dans le cadre du festival Les Embellies présentent Louise Roam, Fragments et Evening Hymns en concert le jeudi 3 mars 2016 à partir de 20h à l’Antipode MJC (2, rue André Trasbot, Rennes).

Tarifs : Sortir ! : 6 € / Membres ADMIT : 13 € / Prévente : 15 € / Sur Place : 17 €

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