Une pomme géante ? un bulbe rouge ? le collectif Berlin a installé son chapiteau sur l’Esplanade Charles de Gaulle. Prêts à visiter Moscow en immersion vidéo ? plongez dans la capitale russe, pour le meilleur et pour le pire. Surtout le pire…
Le chapiteau qui a pris place cette année sur l’Esplanade minérale que nous aimons tant s’appelle [Holocène 4]*. Et l’on trouve son petit frère, [Holocène 2], à quelques encablures aux Champs Libres. Ressemblant de loin à une grosse pomme rouge, il prend des allures de guêpière dès lors qu’on s’approche un peu. Que va-t-on trouver à l’intérieur ?
Une impressionnante structure métallique tendue sobrement de noir. Six écrans blancs mobiles et sur une petite estrade, un quatuor à cordes et un piano. Le public se tasse, la guêpière se referme. Nous voilà plongés, debout, dans le noir.
Des grincements, des bruits d’eau qui coule. Et puis la musique stressante et angoissante. Bienvenue à Moscou ! ses égouts, ses insectes, ses bas-fonds… L’immersion est totale, les écrans mobiles nous entourant et diffusant chacun des images différentes. « L’underground te tient à l’oeil », nous avertit l’égoutier du documentaire. Puis la musique se fait plus enjouée et l’on assiste à un véritable diaporama filmique touristique sur la capitale russe : beau, colorée, pittoresque. Profitez-en ! l’envers du décor n’est pas loin…
A travers les témoignages filmés de moscovites aux statuts sociaux et politiques différents et divergents, on découvre le « cirque de Moscou »… Mise en abyme totale quand le directeur d’un cirque d’Etat nous décrit son amour et sa haine pour la capitale et son pays. Le public est lui-même au centre de ce cirque, avec les écrans mobiles qui nous tournent autour et font de nous des marionnettes se déplaçant vers tel ou tel écran…
Moscou, c’est une matriochka où l’on trouve à la fois sang, crasse et or. Les plus riches côtoient les plus pauvres. L’argent déshumanise tout, les logements sont inaccessibles, la corruption est partout… A la débauche de consommation relatée par les témoignages, les documentaristes nous noient sous un flot d’images, stroboscope géant des excès et dérives moscovites : achats, luxe, caviar… Et ils accentuent aussi les contrastes : quand un écran diffuse la vidéo d’un immeuble World Trade Center dans le brouillard, lui fait face une vidéo d’un grand déballage de vêtements type Emmaüs. Contraste quand tu nous tiens ! Seul le blues enjoué de l’égoutier est un rayon de soleil dans ce documentaire.
Le cirque Moscou, c’est aussi le grand clown qui est à sa tête. Une manif d’opposition filmée à l’envers, des témoignages par de jeunes militants en soutien au Parti en place… le ton est donné. Retour dans les égouts où l’air se raréfie selon l’égoutier. Il parait qu’on peut lire une ville rien qu’en explorant ses bas-fonds. Et si les bas-fonds du métro moscovites sont les plus beaux du monde, les bas-fonds de ses égouts ne sont pas beaux à voir : la déliquescence est là, palpable… Comme ses panneaux mobiles qui d’un seul coup se mettent en mouvement et nous forcent à nous centrer au milieu du chapiteau comme des bêtes traquées et emprisonnées. A l’image des citoyens moscovites.
En programmant ce collectif belge, les Tombées de la Nuit s’engagent fortement politiquement. Et on ne peut qu’applaudir.
* Le collectif Berlin est composé de Bart Baele, Yves Degryse et Caroline Rochlitz, belges flamands. Dans le cadre du projet Holocène, ils réalisent des documentaires percutants sur une ville ou une région. Ils prennent le temps d’écouter les habitants et de les filmer. Leur travail de documentaristes consistent ensuite à monter les paroles et images pour rendre au mieux la complexité des situations. Après une longue période de recherche et d’immersion, le collectif fait appel pour chaque projet à différents intervenants issus du milieu artistique ou académique. Un théâtre de ville kaléidoscopique qui permet de dire l’état du monde…
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Pratique
Moscou / Collectif Berlin
Esplanade Charles de Gaulle
Du 06 au 09 juillet à 20h30
10 euros
A partir de 10 ans
Attention : la représentation dure 1h et le public reste debout.