Si l’on se réfère aux archéologues de la musique amplifiée du XXème siècle, le tropicalisme est un mouvement intellectuel et artistique brésilien, complexe et évolutionniste, qui associe au bouillonnement d’idées de la période (1968) une volonté de libérer la tradition musicale locale, plutôt bossa, en y injectant une bonne dose de modernité pop. Et voilà qu’en 2009 réapparait à intervalles réguliers le mot « tropicalisme« , auquel on préfère parfois le concept de « sono mondiale » ou encore de « ghetto pop« . Le mouvement, encore assez informe, mais vaste, concerne une armée de bidouilleurs et chercheurs de sons internationalistes qui mélangent allègrement pop et épices sous toutes les latitudes. Parmi eux, le collectif The Very Best, qui comprend les deux producteurs de Radioclit et le chanteur Esau Mwamwaya dispute au producteur Diplo la primauté d’associer sur le dancefloor européen afrobeat, kuduro, coupé-décalé ou baile funk.
Tout comme Diplo, qui officiera cette année avec Switch sous le pseudo de Major Lazer, les chercheurs d’or de Radioclit ont dopé leur audience en se frottant aux pierres philosophales M.I.A. ou Santogold, avant d’organiser depuis Londres l’invasion en soirées « secousse », déferlant depuis Notting Hill sur toute l’Europe (en passant par les Trans cette année).
Initiée en 2003, la collaboration du suédois Johan Karlberg et du français Etienne Tron s’est enrichie il y a deux ans du chant de Esau Mwamwaya, pour accoucher d’un séminal fourre-tout pop et universaliste, « Warm Heart of Africa« , précédé d’un mixtape disponible gracieusement sur la toile. Les deejays concoctent les téléscopages sonores
globo-pop, et Mwamwaya y pose sont chant brûlant, c’est la recette du disque déballé à l’automne…
Alter1fo: « Warm Heart of Africa » est votre premier album officiel, mais beaucoup de gens ont déja écouté votre mixtape téléchargeable sur la toile. Il semble que vous enregistrez beaucoup depuis votre rencontre…
The Very Best:Le premier jour où Esau est venu au studio, on a enregistré « Chalo », qui est toujours sur l’album. Comme il continuait à bosser dans un bric-à-brac les deux premières années, on ne pouvait enregistrer qu’une fois par semaine ou presque, mais, carrément, on a enregistré le plus qu’on pouvait, dès le départ. L’album était déja bouclé en avril dernier; on avait quelques morceaux du mixtape de faits aussi, mais on a pas voulu arrêter d’enregistrer après l’album, et on a pensé que l’idée d’un « mixtape gratuit » serait une bonne introduction à notre univers musical, ainsi qu’une bonne façon d’introduire le chant de Esau et la langue dans laquelle il chante, le lilongwe. Donc oui, on a pas mal enregistré depuis qu’on s’est rencontrés, là, pas autant qu’au moment du deal pour l’album et le mixtape, mais on on revient doucement en mode « travail » et on a du nouveau matériel enregistré qu’on explore en ce moment…
On imagine que vous venez d’horizons différents, quels sont vos goûts musicaux communs?
Il semble qu’on partage beaucoup de goûts musicaux, c’est sans doute LA raison pour laquelle on bosse si bien ensemble. Que ce soit de la musique africaine, brésilienne, européenne ou américaine; on a tous cette approche « if it’s good, it’s good » de la musique. On aime n’importe quel son, du moment que ce soit bon, et ça peut être presque tout type de musique. Ca ne veut pas dire que tous aiment le son que l’un de nous aime, mais ça nous laisse constamment interéssés et curieux envers la musique et envers l’approche de la musique.
« The very best » a eu, on l’imagine, du succès en Suède, en France et au Royaume-uni, mais est-ce la cas aussi au Malawi?
Ca prend au Malawi, en ce moment. On était là-bas pour la seconde fois en octobre pour le Lake of the stars Festival, c’était génial, tu pouvais voir que le Malawi se passionnait pour Esau en tant que chanteur. On était en une des journaux etc…Après le festival, on a été en studio sur place et on a eu les stars locales qui sont venues enregistrer avec nous. Donc les gens commencent vraiment à s’intéresser à Esau et The Very Best, mais y a encore du chemin, comme partout dans le monde (sourires).
Y’a-t’-il une certaine forme de concurrence entre des producteurs comme Diplo, Switch ou Radioclit, qui recherchent tous des nouveaux rythmes partout dans le monde?
Pas vraiment. On partage tous un intérêt commun pour TOUTE forme de musique, mais c’est le cas pour beaucoup de gens ces jours-ci…Aucun ne revendique une musique particulière, ce n’est pas la « notre » de toutes façons…On se connaît depuis des années et on a tous du respect pour chacun, en tant que producteurs ou musiciens. Il y a de la place pour chacun, pour faire ce qu’on souhaite.
Esau, tu jouais dans le groupe Masaka au Malawi dans les années 90. Retrouves-tu des sensations sur scène aujourd’hui, ou est-ce complètement différent?
La différence, c’est qu’aujourd’hui je suis le frontman, je suis la chanteur, alors qu’avec Masaka je jouais de la batterie et chantais, mais le show ne tournait pas autour de moi et de ma musique, donc c’est vraiment différent. La musique est également différente, la réception est différente; et je joue principalement en Europe et aux Etats-Unis en ce moment, donc le public est juste différent, comme c’est le cas dans les différentes parties du Monde.
Johan et Etienne, continuerez-vous à jouer avec Radioclit d’un côté, et avec The Very Best d’un autre?
Radioclit joue toujours du côté de différents projets, on vient d’avoir notre EP « Secousse All Star » de sorti en édition limitée « vinyle fourrure » (FUR Vinyle , sourires), ainsi que l’EP « Saga Africa » avec Myd, Douster et Lazy Flow. On produisait l’album solo de Marina Vello ces derniers temps; on a bossé aussi sur le nouvel album de Kano, celui d’African Boy…On vient de commencer à travailler sur le nouvel enregistrement de K’naan. Il y a des millions de trucs qui se passent tout le temps, donc, pas de soucis, Radioclit et The Very Best continueront…