L’info vient de Mary Weiss des Shangri-Las. L’homme de l’ombre n’est plus, une longue maladie vient de l’emporter. Celui dont la spécialité était les romances brisées s’en est allé le jour de la saint Valentin. Pourquoi le nom de « Shadow » Morton est il intimement lié aux Shangri-Las ? Et comment ont-ils révolutionné le genre des « Girls Group », transformant les bleuettes adolescentes en psychodrames morbides ?
Le groupe se forme en 1963. Il se
compose de 2 paires, Mary et Elizabeth Weiss et les jumelles Marge et Mary Ann Ganser. Les filles sont repérées par Artie Ripp qui les fait signer
chez Kama Sutra où elles enregistrent Simon Says. Mais le véritable tournant du groupe arrive en 1964, avec la
venue du stupéfiant George ‘Shadow’ Morton.
George Morton est un jeune homme culotté. Il apprend fortuitement qu’une de ses amies, Ellie Greenwich, connaît un succès grandissant en écrivant des chansons : ”Da Doo Ron Ron”, ”Be My Baby” ou ”(And) Then He Kiss Me”. George est impressionné et décide de lui rendre visite. Elle est mariée avec un
certain Jeff Barry et ils composent ensemble les tubes du moment. George
glisse au détour de la conversation que lui aussi écrit des chansons.
Jeff Barry agacé, le met au défi de
lui présenter une de ses compositions. George réplique – Une lente ou une rapide ? Ce sera une lente.
Pour commencer, il lui faut un groupe. Il va voir des filles du Queens qui ont une bonne réputation et trouve exactement ce qu’il cherchait. Il ne reste plus qu’à écrire la chanson. En se rendant au studio, il s’arrête au bord de la plage et écrit “Remember (Walking In The Sand)”. Dans le studio le miracle opère. Le chant de Mary Weiss donne vie à cette scénette. Les cris de mouettes et le bruit du ressac qui sont ajoutés donnent une texture particulière à la chanson, entre nostalgie et douceur.
George “Shadow” Morton présente la chanson à Jeff Barry et celui ci contre toute attente, l’apprécie. Il les fait signer chez Red Bird. Le single monte à la 5ème place des hits. On demande à “Shadow” Morton d’en écrire une autre. Ce sera : ”The Leader Of The Pack”. Le titre ne plaît pas, alors il sera enregistré en douce. C’est cette manie de faire les choses dans son coin qui va lui valoir son fameux surnom de “Shadow”. La chanson est le grand classique des Shangri-Las. On y retrouve tous les ingrédients qui vont faire la marque de fabrique des filles. La chanson débute par une introduction parlée entre Mary et ses copines : « Is she really going out with him ? Well, there she is. Let’s ask her. Betty, is that Jimmy’s ring you’re wearing ? Mm-hmm ». Puis la musique commence et une moto rugit. C’est un mélodrame basé sur l’amour improbable d’une adolescente et le chef d’un gang de motards. Celui ci meurt au dernier acte dans un fracas de tôles froissées. La chanson alterne les passages chantés et parlés et mêle un vocabulaire dans lequel les adolescents se reconnaissent. Logiquement la chanson fait un carton et se retrouve propulsée en tête des Charts.
Le titre suivant sera une légère variation de la formule classique. “Give Him A Great Big Kiss” reprend tous les ingrédients mais sans l’issue dramatique. Cela donne un titre Bubblegum du meilleur effet. L’introduction parlé “When I Say I’m In Love, You Must Believe I’m In Love, L.U.V” est un grand classique, qui sera repris comme introduction par les New York Dolls sur “Lookin For A Kiss”. “Give Him A Great Big Kiss” sera ensuite reprit par leur guitariste Johnny Thunders sur son album solo “So Alone” en 1979.
Les Shangri-Las vont ensuite sortir une série de titres dans la même veine, écrit par Ellie Greenwich et Jeff Barry : “Out In The Street”, “Give Us Your Blessings” et “Train From Kansas City”. Ces titres ne se classeront pas aussi bien que les premiers singles et “The Train From Kansas City” peinera à rentrer dans les Charts. “Shadow” Morton revient donc pour diriger les filles sur un nouveau titre. C’est le bouleversant “I Can Never Go Home Anymore” avec son déroulement sinueux et sa conclusion tragique où Mary pleure sa mère qu’elle n’a jamais pu revoir. L’orchestration classique renforce l’aspect tragique de la chanson. Le titre permet aux Shangs de flirter de nouveau avec le haut du hit parade.
En 1966, le patron de Red Bird, George Godner connaît des difficultés financières qui auront pour conséquence le départ de Leiber et Stoller. La dernière production des Filles sera « Past, Present And Futur” un titre co-signé “Shadow” Morton, Leiber et Butler. La chanson est basé sur la “Sonate Au Clair de Lune” de Beethoven sur laquelle Mary déclame des paroles obscures, sans doute face à la mer et dont le leitmotiv final, ”This Will Never Happen Again” rappelle étrangement ”Remember (Walking In The Sand)”. La boucle est bouclée.
L’après Shangri-Las, est une autre histoire. Mercury récupère les Shangs et sort 2 singles dans l’indifférence la plus totale. Le groupe se sépare définitivement en 1969. En 1970 Mary Ann Ganser meurt (officiellement) d’une encéphalite. Néanmoins selon sa mère cela faisait 2 ans qu’elle luttait contre une addiction à l’héroïne. Les 3 autres se marieront et abandonneront toute carrière artistique. Pour des raisons contractuelles, elles ne pourront plus chanter pendant 10 ans. Puis dernier coup du sort Marge succombe d’un cancer du sein en 1996. Les Shangri-Las ne seront plus.
De son coté « Shadow » Morton déniche les Vanilla Fudge dont il produira les 3 premiers LPs. Mais il va doucement mais sûrement s’engouffrer dans la spirale infernale de l’alcool. Il participera néanmoins au méga-tube interplanétaire « In A Gadda Da Vida » des Iron Butterfly, même si de son propre aveu sa présence fut plus alimentaire qu’artistique. Son dernier grand fait d’arme est d’avoir produit le 2ème album des « New York Dolls », « Too Much, Too Soon ».
Alors que l’histoire des Shangri-Las semblait définitivement terminée le label “Norton Record” persuade Mary Weiss en 2006 de se lancer dans une carrière solo. Elle change radicalement de style et enregistre un album de Rock Garage ou elle chante d’une voix chaude et rauque qui tranche avec les disques des Shangri-Las. L’album connait un petit succès d’estime qui permet désormais aux fans d’attendre une hypothétique suite, mais si suite il y a, ce sera sans l’insaisissable « Shadow » Morton.
Encore un bel hommage de ta part, cher Tom !
Pour les Shangs et Vanilla Fudge, je vous remercie mister Shadow M. …
(et même pour le deuxième Dolls, tiens)
Un peu en retard mais vivons le moment.J’aime les girls groups et j’aime les Shangri-Las.Et les New York Dolls sont un de mes groupes préférés.
RIP Shadow Morton