SF : Kim Stanley Robinson

En France, l’été a eu lieu de mars à mai, l’automne c’était pour juillet et aout. La Russie et les USA ont eu des canicules (33° dans le grand nord), La Nouvelle-Zélande un hiver particulièrement rigoureux. Le dérèglement climatique avance, doucement pour l’instant et c’est déjà trop pour, au hasard, la Corée du Sud et l’Afrique de l’est.
La Science Fiction est particulièrement bien placée pour en parler. L’une de ses branches s’appelle « anticipation ». Son but est d’esquisser des futurs possibles ou probables, si tel ou tel chemin est suivi. C’est là que se place Kim Stanley Robinson, auteur d’une trilogie remarquée sur la conquête de Mars. Il récidive en trois fois pour aborder les changements qui nous attendent sur la planète que nous occupons.
Avec un tel sujet, on imagine à l’avance catastrophes, apocalypses et récits de survivants. Erreur.

Une fois de plus, les personnages sont nombreux et surtout scientifiques. Deux d’entres eux sont mis en avant. Le premier est Charlie Quibler. Il est conseiller du sénateur Phil Chase, son rôle est de pousser celui-ci à prendre plus en compte les questions liées à l’environnement. Au début de cette histoire, il s’acquitte de sa tâche quasi exclusivement au téléphone. Ce qui lui permet de rester à la maison avec son deuxième fils, Joe,un petit gars tout juste âgé d’un an. Sa maman, Anna, travaille à la NSF (National Science Foundation), une agence gouvernementale.
Dans « Les 40 signes de la pluie », elle fait la rencontre de réfugiés Khembalais, venus à Washington pour trouver des appuis afin de sauver leur île de la montée des eaux.

Le second personnage (le principal) est Frank Vanderwal. Rattaché à l’université de SanDiego, Californie, il est en principe pendant un an collègue d’Anna dans la capitale des Etats-Unis. Son parcours va donner une toute autre tonalité aux romans que celle attendue. Il va connaître un « changement de paradigme ». Habituellement plutôt caustique, limite cynique, il va complètement se retourner suite à l’enchainement de deux évènements : une conférence donnée par le leader de la communauté Khembalaise suivie d’une rencontre déterminante dans un ascenseur bloqué.
Les réfugiés climatiques ont migré de leur Tibet natal vers le Golfe du Bengale avant de gagner le district de Columbia. Ils sont bouddhistes.
La femme qui est coincée avec lui est chargée de le surveiller pour le compte d’une agence de sécurité.

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Dans « 50° au-dessous de zéro », alors que Washington a été noyée sous les eaux du Potomac, Frank doit trouver à se loger. Il a décidé de rester au delà de l’année initialement prévue mais l’appartement qu’il empruntait n’est plus libre.
Il va s’installer dans un arbre, dans le Rock Creek Park, faisant ainsi la connaissance d’un groupe de SDF (« les potes »), puis d’adeptes d’un sport mêlant frisbee et course. Ceux-ci se désignent comme Freegans. Ils font les poubelles, squattent des logements inoccupés, partagent. Comme les animaux du zoo qui s’est trouvé inondé, Frank va faire un retour à une forme de vie sauvage : « le néolithique avec les soins dentaires ». Tout en tentant d’échapper à la surveillance dont il est victime à travers les objets qu’il possède : téléphone, voiture avec gps …

C’est ainsi l’espionnage et le naturalisme qui dominent une bonne part de cette trilogie, à part égale avec la hard science fiction. On ne se refait pas : Robinson qui avait réussi à nous passionner pour la géologie (!) en parlant de Mars, consacre de nombreuses pages aux biotechnologies. Frank va mettre en contact un génie des mathématiques avec les chercheurs de son ancien labo (et son ex), tout ce beau monde réussissant à pondre un lichen transgénique que les Russes vont disséminer dans la nature pour capturer un maximum de carbone.

Et c’est ce qui énerve le plus dans ce récit. Les solutions sont avant tout technologiques. Le Gulf Stream, ce courant chaud qui traverse l’Atlantique et permet à Rennes, pourtant plus au nord que Montréal, de ne pas avoir le même climat, tombe en panne à cause de la fonte des glaces du pôle. Pour le faire redémarrer une gigantesque flotte de navires est envoyée pour resaler l’océan !

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L’auteur propose un mariage entre la science et la politique. Chase, devenu président dans « 60 jours et après » trouvera l’âme soeur à la NSF. Nos amis états-uniens, qui veulent sauver le monde, enverront aux Chinois leurs sous-marins nucléaires pour qu’ils aient de l’électricité, le temps de se féliciter de la construction par Pékin de « centrales à charbon propres ». La voie de la sobriété est expédiée (dans un premier temps) en deux lignes. Les savants travaillent sur de nouvelles formes d’énergie mais on ne rencontre pas de réflexion sur l’urbanisme, l’alimentation … Frank dans son arbre profite d’une connexion internet pour consulter quotidiennement un site sur Emerson, l’ami d’Henri David Thoreau.

Et pourtant. Si la scène de rencontre entre Charlie et le président républicain où le pauvre papa tente de garder son fils endormi sur son dos est un peu trop appuyée, partager les angoisses d’un père qui cherche son petit dans les transformations que celui-ci traverse est touchant. Si l’histoire d’amour entre Franck et Caroline paraît trop simple malgré les difficultés de leur situation, on a le droit d’adhérer aux coups de foudre, à l’évidence. Si le dialogue entre science occidentale et bouddhisme a un goût de pas assez, on peut trouver légitime que la clef de tout ce bordel soit le sens. S’il y a beaucoup de manques dans cette histoire du monde (la crise n’est pas qu’environnementale, Robinson écrit avant 2008, avant le printemps arabe, avant les émeutes anglaises), il met quand même le doigt sur le rapport entre inégalités, injustices et durabilité de nos modes de vie.
Si le parcours de la famille Quibler ou des membres de la NSF est fait de découvertes des évidences, la naïveté n’est-elle pas un des ingrédients de la recette de l’espoir ?

Kim Stanley Robinson
Les 40 signes de la pluie
506p, 8,20€

50° au-dessous de zéro
758p, 9,60€

60 jours et après
690p, 9,60€

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